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mardi 25 août 2015 à 06:13

Du côté de la librairie…

Envie de lire… Spécial rentrée littéraire



 

 

La fin du mois se profile, et avec elle la foisonnante rentrée littéraire… Après une sélection drastique compte tenu de la quantité de parutions, et quelques ouvrages « non-rentrée » officielle mais qui sortent en même temps, voici une première chronique consacrée à ce phénomène annuel.

 

 

 

 

 

 

Aux frontières du réel et de l’histoire, du conte et du chaos, Neverhome nous jette sur les champs de bataille de la Guerre de sécession aux côtés d’un soldat bien particulier : Charlotte. Fermière dans l’Indiana, cette maîtresse-femme décide de partir combattre aux côtés des Confédérés à la place de son mari, Bartholomew, qu’elle juge trop délicat et trop fragile pour survivre aux horreurs du conflit. Camouflée en homme, sa bravoure va conquérir les régiments et faire d’Ash Thompson, son pseudonyme, une légende guerrière. Blessée, elle reprend la route pour tenter de retrouver son mari, et enchaînera les rencontres étranges, pleines de sens ou révélatrices de ce qu’est devenue cette femme androgyne.

 

 

 

Véritable conte initiatique, Neverhome a su me conquérir. Riche de milles pensées, il nous emmène, « borderline », sur les rives de l’humanité, tout prêt de ce qui pourrait faire pencher l’Homme dans le chaos, à la frontière de la réalité et des certitudes. L’engagement de Charlotte, ses décisions quasi sans sentiments et pourtant guidées par l’amour qu’elle voue à Bartholomew, sa folie de revenir dans sa ferme sans séquelle, toute cette aventure concourt à nous entraîner à sa suite, sans réflexions, sans état d’âme, avec un goût de terre et de sang dans la bouche. Une splendide découverte de la rentrée qui mériterait bien un prix !

 

 

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Laird Hunt. Neverhome. Paris : Actes Sud, 2015. 263 p. 22 €

 

 

 

A mon sens, voici la proposition « coup de poing » de ce mois d’août. La très controversée œuvre de Martin Amis, refusée par son précédent éditeur français, a déjà fait couler beaucoup d’encre outre-Atlantique. Traduction d’un ouvrage paru en 2014, La zone d’intérêt donne une nouvelle dimension à la Shoah, placée sous le signe de la comédie, ce qui explique son caractère sulfureux au niveau éditorial. Et pourtant… Dans cette œuvre extrêmement bien écrite, l’auteur plante le décor d’un marivaudage en plein camp de concentration. Détournant les terminologies habituellement consacrées, il fait du camp la Zone d’intérêt, de Hitler le Sauveur, des déportés les invités ou pièces, du Kanada la Kalifornia, subterfuges  destinés à rendre la situation plus acceptable et qui l’éclaire en fait encore plus de toute sa laideur et son ignominie.

 

 

Ainsi, Hanna Doll, femme du commandant, fume car il faut camoufler « l’odeur ». Angelus Thomsen, en pleine discussion avec un collègue SS, s’interroge sur l’intérêt de mieux alimenter les « travailleurs » puisque s’ils ont le ventre plein, ils seront forcément appelés à paresser. Comble de l’horreur, le commandant Dolle parvient, à force de réflexion, à mépriser les Sonderkmmandos, qui, selon lui, ne peuvent pas être bien considérés puisque capables de brûler les leurs « sans ciller »… Grâce à ce ton terriblement décalé, à cette histoire somme toute banale de coucherie et à l’usage d’une comédie dans un univers concentrationnaire (que l’on peut lui reprocher mais qui permet, à mon sens, de ridiculiser encore plus la pensée nazie), Martin Amis donne un éclairage ahurissant sur la déportation et le système de pensée allemand. Horrible, terrible, et terriblement efficace, il fait grincer les dents, serrer les poings et réfléchir peut-être de manière encore plus intense à cet événement et à la moralité humaine, ou inhumaine. Un tour de force à lire en s’attachant à rester dans l’idée de départ de l’auteur, sous peine de jeter le livre au feu.

 

 

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Martin Amis. La zone d’intérêt. Paris : Calmann-Lévy, 2015. 391 p. 21.50 €

 

 

 

La Grande Bleue : Marie la veut, cette grande bleue, cette mer qui porte tous ses rêves de femme. Maris, qui n’a pas 18 ans en 1967, et qui veut vivre une vie moins grise que celle de ses parents francs-comtois et de son frère revenu d’Algérie. Marie, qui aimerait tant ressembler à sa copine Delphine et aller travailler à l’usine. Marie, qui va partir vivre avec ses deux enfants et son mari à Vesoul, proche des usines automobiles qui happent tant d’existence. Pendant 12 ans, nous allons la suivre au gré des congés payés passés « dans le midi », des repas pris avec la belle-sœur jamais enceinte et sûrement frappée, de l’internement de ce frère devenu fou de la sale guerre, des hommes aperçus à l’usine qui la font rêver. Marie aimerait vivre autre chose, vivre tout court, décou-vivre… Une vie lourde, qui colle aux semelles, et qu’elle veut voir s’élancer dans le ciel, juste au-dessus de la mer. A découvrir.

 

 

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Nathalie Démoulin. La Grande Bleue. Paris : Babel, 2015. 243 p. 7.80 €

 

 

 

Zulma, toujours très précieuse dans ces choix, nous projette au fond d’un quartier improbable, dans une ville située on ne sait où. Dans ce microcosme atypique vit Otto, veuf depuis peu, dont la femme Ada partageait avec lui quelques passions insolites: le chou-fleur à la milanaise, les potins du voisinage, les documentaires animaliers… Des voisins barrés les entourent : Nico le pharmacien féru de notices médicamenteuses, l’anthropologue Mariana, le centenaire japonais de la Seconde guerre mondiale M. Taniguchi… Leurs destins vont se croiser, au-delà du voisinage, à la fin d’un ouvrage qui relève en fait du policier. La subtilité du livre veut, en effet, que l’on parcourt quasiment tout l’ouvrage en se demandant son intérêt et où l’auteur veut en venir. Ce n’est qu’à la toute fin de l’histoire que l’intrigue se noue, laissant au lecteur le soin de raccrocher les wagons des paragraphes précédents ! Un jeu littéraire amusant et réjouissant, d’autant que la subtilité du titre n’est réellement perçue qu’à la fin ! A découvrir.

 

 

livre 2408155

 

 

 

Vanessa Barbara. Les nuits de laitue. Paris : Zulma, 2015. 223 p. 17.50 €

 

 

 

Que penser de Gratis ? J’avoue avoir fini cette lecture en restant sur ma faim. Avec une écriture très léchée et une idée plutôt intéressante (celle de la Transition : révolution du XXIe siècle proposant aux humains de « disparaître » pour devenir quelqu’un d’autre, nouvelle identité et nouvelle vie livrée par une société à l’appui), je partais confiante dans cette lecture que j’ai vite trouvée assez désunie. Scindé en deux parties, l’avant et l’après New Birth, le roman frôle l’anticipation, survole des idées plutôt intéressantes sur cette « révolution-dérive », mais reste en surface et n’approfondie ni le concept, ni les personnages. Autant la partie consacrée à l’avènement de cette idée semble construite, autant la seconde m’a donnée l’impression d’être un synopsis bourru et un peu développé. J’aurai apprécié de ne pas voir résumer 20 ans de Transition en quelques pages, et de pouvoir m’intégrer dans cette histoire qui mériterait un développement. Déçue.

 

 

 

livre 2408153

 

 

Félicité Herzog. Gratis. Paris : Gallimard, 2015. 243 p. 18.50 €

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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Un commentaire sur “Du côté de la librairie…”

  1. Electron libre dit :

    Bien qu’étant d’une intelligence remarquable doublée d’une personnalité attachante , « Félicité » ne sera jamais une écrivaine « aboutie » !
    Ce deuxième roman n’est à mon sens , qu’un prolongement logique de la thérapie mentale entreprise lors de l’écriture du premier (« Un Héros » , dans lequel elle « règle ses comptes  » avec son illustre père)
    Premier livre , qui la fit « détester » par une partie de sa famille et aussi ,très curieusement , par une majorité d’irréductibles détracteurs du « grand Maurice » , vainqueur supposé de « l’Annapurna » !
    Allez comprendre !!
    Mais , mon propos n’est pas de vous révéler ici les « potins » de Chamonix …

    Je partage volontiers votre analyse … Le sujet méritait d’être un peu plus « creusé » !
    C’est ce que j’ai écrit (entre autres choses plus personnelles et amicales) dans le petit mot que je lui ai fait parvenir pour la remercier de m’avoir envoyé son livre .

    Bien amicalement !