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mercredi 27 janvier 2016 à 16:11

Dimanche « Love Letters » à l’Embarcadère…

...Francis Huster se met "à nu" !



 

 

Francis Huster et Cristiana Reali reforment leur couple sur scène pour jouer, dans une mise en scène de Benoit Lavigne, la pièce de d’A.R (Albert Ramsdell) Gurney « Love Letters ».

 

On ne présente plus ces deux immenses comédiens. Mais il nous est apparu primordial de nous intéresser au stakhanoviste Huster qui joue 3 pièces en même temps (Love Letters, Le joueur d’échecs, Avanti) dans 3 registres totalement différents. Et puis Francis Huster c’est au moins 40 films, 31 téléfilms, pièces télévisées, 2 feuilletons, etc… plus 60 pièces au théâtre, une trentaine de mise en scène, de l’écriture, du doublage, etc. etc. etc.

 

 

Cristiana Reali c’est aussi beaucoup de films, de téléfilms, de pièces.

 

A eux deux c’est 17 ans de vie commune, deux enfants et des prix prestigieux.

 

 

Montceau News : Vous êtes un comédien et un interprète de l’intériorisation, de la profondeur de l’être, qu’apportez-vous de différent au rôle d’Andy (Andrew Makepeace Ladd III) par rapport à Depardieu, Marielle, Noiret, Weber qui sont tout en extériorisation qui ont investi ce rôle avant vous ?

 

(Bruno Cremer, Jean-Louis Trintignant, Philippe Noiret, Jacques Weber et Alain Delon, Gilles Guillot.).

 

 

Francis Huster : « Lorsque vous viendrez voir la pièce vous vous rendrez compte par vous-même que je connais le rôle par cœur, à fond. Et donc au lieu d’en faire une lecture je vis ces textes.

 


Benoit Lavigne le metteur en scène a travaillé avec plusieurs tandems d’acteurs et il a modulé sa mise en scène en fonction d’eux. C’est sa proposition me concernant, elle m’a surpris : la lecture ne suffisait pas, il lui fallait plus de moi, pour pouvoir exprimer toutes les facettes du personnage. Car pour lui chaque acteur doit ramener le rôle à ce qu’il est personnellement. Andy est un type qui se veut un parcours à la JFK. Il rencontre une fille a son exact opposé, l’équivalent d’une hippie avec un parcours de folle. Elle a été mariée, puis divorcée, elle a abusé de tout.

 


Il y a deux manières de mettre en scène cette pièce, soit vous prenez un couple de stars, pas forcément ensemble dans la vie, comme par exemple Jeanne Moreau et Alain Delon ou Bruno Cremer et Anouk Aimée ; soit vous agissez d’une façon un peu plus indécente, à la manière américaine, en prenant un vrai couple, comme moi et Cristiana Reali et dans ce second cas vous verrez que le ressenti du public est totalement différent.

 

La question se pose au niveau du public : « nous parlent-ils de leur vie ou est-ce la pièce ? » C’est vrai que cette pièce correspond véritablement à Cristiana et à moi. Benoit Lavigne a eu envie de nous faire jouer ensemble, ça faisait plus de 10 ans que nous ne l’avions pas fait.

 

Le public suit l’histoire vraiment comme si nous étions vraiment tous les deux, là.

 

Pour moi je voulais le vivre et cela marche véritablement bien, la seule chose, c’est le parti du metteur en scène, on ne se regarde jamais, sauf à la fin.

 

C’est un très gros succès partout où l’on passe et cela touche énormément les gens. La tension monte au fur et à mesure du déroulement de la pièce, mais elle est d’autant plus aigüe que nous répondons, Cristiana et moi, vraiment aux personnages. Cristiana est brésilienne vraiment aussi folle que Melissa, c’est quelqu’un qui a un caractère de feu, impossible à maîtriser, qui est capable de tout faire et cela lui correspond. Alors que moi, au lieu de penser à la politique, je ne pense qu’au théâtre, je lui sacrifie tout.

 

Ça correspond tout à fait à notre parcours. A la fin quand je parle des directions différentes que nous avons prises c’est véritablement ça.

Montceau News : Vous jouez également le joueur d’échecs de Stefan Zweig. Ce génie, après avoir écrit cette pièce, se suicide avec sa femme pour fuir le nazisme, vous jouez les deux rôles de la pièce, le champion du monde Csentovic, un type peu recommandable, un avatar d’Hitler et le mystérieux Monsieur B, un aristocrate viennois, qui vient d’échapper aux griffes de la Gestapo.

 

Dans Love Letters vous jouez un homme politique. Est-ce que vos personnages, en dehors de se nourrir de vous, se nourrissent entre eux et font évoluer votre jeu ?

 

 

Francis Huster : « C’est tout à fait ça. C’est exactement ce qui se passe. Plus je joue, plus ils se détestent, plus ils s’éloignent l’un de l’autre. Autant dans Love Letters je suis obligé d’aller vers une profondeur, une simplicité, un naturel, une modularité dans la voix, il fallait dé-théâtraliser, me retrouver beaucoup plus près d’une interprétation de cinéma. Je pense beaucoup en interprétant Andy à des acteurs américains très proches de la réalité comme George Clooney, Matt Damon, Grégory Peck, ou même Sean Connery, une interprétation assez brutale, un peu brute de décoffrage.

 

Dans le « Joueur d’échec » c’est tout le contraire, je suis plutôt allé vers les décibels, une aristocratie vraiment théâtrale. C’est beaucoup plus près de l’interprétation d’un Pierre Frenay, à la O’toole, quelque chose comme ça. Je ne dirai pas que c’est du cabotinage, mais le « Joueur d’échec » c’est très théâtral. Rien n’est naturel car tout est totalement maitrisé. Ça peut se comparer au virtuose au piano. Il y a des silences dans cette pièce qui sont quasiment des silences de sociétaire de la comédie française, avec le visage fixe, le regard qui ne bouge pas, quelque chose de très intemporel, justement à la Frenay, à la Jouvet, à la Chaplin, il y a un côté Monsieur Verdoux. C’est très proche de Giraudoux, de l’écriture des scènes d’un ton intemporel. Pierre Emmanuel schmitt est très proche dans l’écriture de la respiration giralducienne, c’est très maitrisé, chaque mot est soigné. Lorsque l’on voit la version anglaise on comprend que schmitt en est très proche, dans le phrasé.

 

Dans la pièce de Gurney c’est du dialogue à la Audiard. On va vers le public. Quel dommage qu’Audiard n’ait pas écrit ce genre de dialogue pour Gabin. Il y a la scène, filmée, de leur réconciliation, ils ont eu une dispute homérique, on voit seulement Gabin, ça aurait été formidable. (Francis Huster imite Gabin d’une manière extraordinaire, même au téléphone mes yeux n’en croient pas ce que mes oreilles entendent, absolument génial, un pur moment de bonheur.). Pour Francis Huster et les afficionados :

 

http://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/audiard-a-fait-parler-gabin-comme-personne-7773453089

 

Ça aurait été drôle malheureusement on ne l’a pas…« 

Montceau News : Que vous inspirent ces vies parallèles et cet amour qui ne se concrétisera pas, et qui se déroule au travers d’échanges épistolaires ? On pourrait presque penser à des relations incestueuses entre frère et sœur, comme l’inceste est aussi présent aussi dans le drame vécu par Melissa Gardner à cause de son beau-père.

 

 

Francis Huster : Oui, en fait c’est très proche de la relation entre Warren Beatty et Vivien Leigh (il fait allusion au  film admirable « Le Visage du plaisir » de José Quintero sorti en 1962.). Cette sensation de tout rater, de ne pas savoir s’aimer, parce qu’on est si proche l’un de l’autre, même si les directions sont totalement différentes, que l’on veut changer l’autre, et il n’y a que lorsqu’enfin  on accepte que l’autre soit différend  qu’on y parvient, que l’on peut s’aimer. Au contraire on aime sa différence. Et c’est vrai, là, les enfants ont une responsabilité énorme.  Il y a des enfants qui ne permettent pas à leurs parents d’accepter leurs différences et il y a aussi parfois le contraire. Lorsqu’on voit ce qui s’est passé avec Tyrone Power (arrière-petit fils d’acteur, fils d’acteur, père d’acteur… tous portant les mêmes noms et prénoms) et ce qui s’est passé avec sa fille Romina (épouse du chanteur italien Al Bano (divorce en 1999) avec qui elle a eu 4 enfants dont le premier Ylenia, née en 1970 a  disparu en 1994 à la Nouvelle-Orléans et a été en 2013 déclarée officiellement décédée  à la demande de son père).

 

Quand on voit ce qui s’est passé entre Delon et ses enfants, Gabin et ses enfants, et même Ventura et ses enfants on a des parcours totalement différents. La place de l’enfant est prépondérante pour souder les parents. Dans la détresse, les problèmes, les parents se soudent pour soutenir les enfants. Les enfants se soudent pour unir leurs parents.

 

C’est peut-être la seule chose qui n’existe pas dans « love letters », ça c’est typiquement américain par rapport à l’époque, mais peut être que Gurney réécrivant la pièce aujourd’hui ce serait différent, c’est que les enfants n’ont pas leur mot à dire. C’est typique de l’époque, pas seulement américain, Italien aussi. Les enfants dans les films italien de cette époque n’existent pas, hélas, c’est incroyable, incroyable.

 

Ce serait formidable de faire une pièce dans laquelle au lieu d’avoir la correspondance des parents on aurait une correspondance des enfants. Deux enfants 15 ans, 18 ans, qui s’aiment et qui disent ce qu’ils pensent de leurs parents. Je pense que cela plairait beaucoup aux jeunes, on peut le souffler à Sébastien Thiéry (auteur de Sans ascenseur, Dieu habite Düsseldorf, Cochons d’Inde, Qui est Monsieur Schmitt ?, Le Début de la fin, Comme s’il en pleuvait, L’Origine du monde, Deux hommes tout nus, Momo.), à Zeller, Schmitt, Reza, tous ceux qui avancent. Notamment les deux auteurs que Bernard Murat à sorti récemment, Gérald Sibleyras et un autre… (Nous pensons à Fabrice Roger-Lacan : Cravate club, Irrésistible, Chien-Chien, Quelqu’un comme vous, La Porte à côté, mais nous pouvons nous tromper…), Ils y vont On a vraiment ces temps-ci des auteurs très intéressants. Eric Assous n’a pas l’air de s’intéresser aux enfants, pour lui c’est toujours le couple, le couple, un peu à la Guitry. C’est curieux que dans l’œuvre de Guitry, il n’ait pas pensé à lui quand il avait 18 ans et avec son père. (Le grand comédien Lucien Guitry qui mis devant le fait accompli, son fils est devenu auteur d’une pièce transformée en opérette et veut être comédien, fait faire à Sacha Guitry ses débuts de comédien sous le pseudonyme de Lorcey dans L’Escalier de Maurice Donnay en 1904 au théâtre de la Renaissance qu’il dirige.) »

 

 

Montceau News : pensez-vous qu’à notre époque de messages dématérialisés, de tweets, de réseaux sociaux, cette pièce d’A.R (Albert Ramsdell) Gurney, cette manière de raconter la vie où on se dit tout, sur tout, était prophétique lors de sa création en 1988 ?

 

 

Francis Huster : « On en a froid dans le dos, on se dit justement en suivant la pièce en tant que spectateur que c’est d’un autre monde dont on nous parle. On ne connait que le reflet du monde d’aujourd’hui on nous a absolument caché la réalité, on nous donne l’impression de vivre dans un faux monde. Un faux monde où on nous construirait le bonheur, comme si nous étions dans une course, un partage du monde. Et là c’est l’irréalité, nous sommes passés de l’autre côté de la réalité et elle nous tombe dessus. C’est comme un rouleau compresseur qui nous écrase et ne va pas cesser de nous écraser. Je trouve que de telles pièces sont des bulles de bonheur, des bulles de savon, avec lesquelles tout d’un coup les gens peuvent se dire « ah bon ça existait et si on essayait que ça existe encore. Cette pièce nous pousse vers l’avenir… espérons que nous y arrivions…« 

 

Et l’interview, outre d’exquises gentillesses se termine par un rire agréable de Francis Huster.

 

 

Gilles Desnoix

 

Cliquez sur le lien ci-dessous pour voir l’émission de France2 :

 

 

http://www.france2.fr/emissions/c-est-au-programme/chroniques-par-theme/culture-love-letters-avec-cristiana-reali-et-francis-huster

 

 

HUSTER 27 01 16

 

 

Photo : http://www.tdg.ch/culture/francais-joue-love-letters-trois-salles-vaudoises/story/24431819

 

 

 

 

 

 

 



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