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vendredi 11 mars 2016 à 05:45

Interview de Christelle Tissier, directrice de Colibris 71

« J’ai un rapport fusionnel avec la nature »




C’est un sacré bout de femme avec un caractère bien trempé. Longtemps, Christelle Tissier s’est cherchée jusqu’à s’en rendre malade. Elle voulait comprendre pourquoi dans le monde ou tout simplement près de chez elle, existait tant d’injustice.

 

Née à Saint-Vallier, installée aujourd’hui à Pouilloux, assistante maternelle, mère de deux enfants, directrice de l’association Colibris 71, engagée à fond dans les « Incroyables comestibles », elle a enfin trouvé son équilibre justement dans son action disons militante _ « je suis activiste et le serai toute ma vie » précise-t-elle _ celle qui démontre qu’aujourd’hui on peut se nourrir autrement avec notamment cette action de « nourriture à partager gratuitement ».

 

 

A bientôt quarante ans, cette femme de conviction n’a pas froid aux yeux et sans relâche assène son message comme un boxeur les coups. Et forcément, même si ça fait mal parfois à entendre, tout est dit avec sagesse et lucidité. Que la femme est belle à écouter !

 

 

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Christelle Tissier, qui êtes-vous ?

 

 

« Je suis quelqu’un de sensible, sensible à l’être humain, aux émotions, aux injustices. Je suis comme Idéfix, je ne supporte pas qu’on coupe un arbre. Petite, j’étais mal dans ma peau. Je suis incapable de tuer une fourmi. Ma fille partage sa chambre avec des araignées. A 27 ans je me suis remise en question précisément à la naissance de mon premier enfant. Avant, je m’interrogeais, j’étais coiffeuse, je donnais des coups de main à des associations humanitaires puis j’ai arrêté la coiffure, fait des études de psychologie par correspondance pour me dire, finalement, ça va changer quoi ? Alors je me suis intéressée aux réseaux sociaux et j’ai compris pourquoi et comment la société en est là, compris que l’être humain n’avait plus d’estime envers les autres et qu’on pouvait faire quelque chose ».

 

 

 

Que faire justement ?

 

 

« J’ai trouvé l’association Colibris dont l’initiateur est Pierre Rabhi (Ndlr : né en Algérie, aujourd’hui essayiste, agriculteur biologique, expert pour la lutte contre la désertification, romancier et poète) et Zeitgeist, ça veut dire esprit du temps en allemand, qu’on peut identifier au « Indignés » en France. Zeitgeist a pour modèle une économie qui utilise les ressources naturelles de la terre partagées équitablement par tous. C’est tout l’inverse des Restos du cœur. Eux, ils aident mais n’apportent pas de solutions. Si nous prenons conscience que nous sommes précieux alors nous n’avons pas besoin des Restos du cœur. C’est l’argent qui gouverne le monde car comment aujourd’hui peut-on encore accepter que des gens meurent de faim, dorment dans la rue. J’en étais malade ».

 

 

 

Et les Incroyables comestibles sont arrivés à Pouilloux…

 

 

« Il fallait bien montrer l’exemple et oui on l’a fait à Pouilloux. Incroyables comestibles c’est ni plus ni moins que l’incroyable nourriture, c’est-à-dire de la nourriture à partager gratuitement. Alors avec des enfants, l’aide de l’association Libre regard et l’accord de la municipalité, nous avons installés deux bacs qui se trouvent devant l’école et y avons planté des graines. Des graines fertiles donc pas besoin d’en acheter chaque année. Et on explique, pour éviter les pesticides, qu’il est bien de semer du basilic à côté d’un pied de tomates et faire fuir ainsi les pucerons. Donc au moment de la récolte tout le monde peut venir faire son marché gratuitement. Dans cette démarche, Pouilloux a été le précurseur dans le département. Ce dimanche, Mâcon se lance dans les Incroyables comestibles et Cluny le fera en avril ».

 

 

 

Donc adieu grande surface ?

 

 

« C’est un rêve mais qui commence à devenir réalité. A Todmorden, 15 000 habitants, au nord de l’Angleterre en 2008, tout a commencé avec deux personnes. Aujourd’hui avec cette façon de faire, la commune est autonome à 99%. Les gens retournent à la terre, preuve qu’ont peut se nourrir autrement. En France on dénombre près de 600 communes où l’on recense la présence des Incroyables comestibles ».

 

 

 

Tout ceci est quand même utopique ?

 

 

« Non parce que nous sommes dans le monde du possible, preuve en est, le film « Demain » a reçu le César du meilleur film documentaire. Ce film est la démonstration concrète du possible, il prend en compte la considération du vivant. Nous le faisons pour les générations qui vont suivre. Nous posons les bases d’une nouvelle société, d’un nouveau mode de vie. En 2008, quand j’en parlais, on me regardait comme si je venais de Mars. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les gens se révoltent même s’ils ont du mal à l’exprimer et qu’il est difficile d’avouer qu’on s’est trompé ».

 

 

 

Planter à Pouilloux, à la campagne, d’accord mais en ville ?

 

 

 

« Mais il existe des tas d’espaces verts souvent en friche et qui peuvent être cultivés ne serait-ce qu’en bas des immeubles. Ca existe à Dijon, à Auxerre, Besançon même à Paris ».

 

 

 

Sans risque de dégradation ?

 

 

« Non ! Vous voulez que je vous dise, la seule dégradation, à ma connaissance, a eu lieu à Pouilloux le jour de la brocante en juin dernier. Dans nos bacs, des plants ont été arrachés. Sans quoi, tout se passe bien parce que c’est gratuit, c’est du partage. A Todmorden, par exemple, il n’y a pratiquement plus de délinquance. Tout le monde respecte tout le monde ».

 

 

 

En fin de compte, pourquoi avoir créé l’association Colibris ?

 

 

« Parce qu’il y a tellement d’initiatives dans le département, qu’il est parfois difficile de toutes les connaître et qu’en Bourgogne et en particulier en Saône-et-Loire, il n’y avait rien pour faire un lien, alors j’ai crée Colibris 71 voici un an. Nous servons de relais, nous regroupons les thèmes de l’éducation, la politique, l’agriculture, la solidarité, l’écologie et les Incroyables Comestibles en font partie. Nous sommes là pour mettre en exergue les solutions ».

 

 

 

Vous vivez à la campagne avec des animaux, une poule, un chien, un chat même ceux du quartier, deux magnifiques enfants et leur père, vous êtes heureuse ?

 

 

« J’ai un rapport direct avec la nature, disons que j’ai un rapport fusionnel avec elle. Sans elle, je suis détruite. Mes enfants, ils me rendent heureuse, mais je ne le suis pas totalement intérieurement parce qu’il y a encore trop de souffrance. J’ai peur qu’un jour, la population finisse par pendre les armes. J’ai peur du chaos. Voilà pourquoi je serai toujours une activiste ».

 

 

Recueilli par Jean Bernard

 

 

NDLR : toutes les initiatives sont bonnes pour faire passer le message même se déguiser : Christelle Tissier en petit pois et Vanessa Bourdon, vice-directrice, en carotte

 

 

 

 

 

 

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4 commentaires sur “Interview de Christelle Tissier, directrice de Colibris 71”

  1. longchamps71 dit :

    Très belle démarche.
    Il faut ce donner la peine.
    Ça fait plaisir …..

  2. dolmen dit :

    quelle belle initiative!!!!!!!savoir écouter et partager!

  3. Daniel Z dit :

    Vraiment magnifique.
    Félicitations et bon courage Madame

  4. valzoe dit :

    Bravo!!!!
    Très belle initiative!
    Une belle personne, humaine…
    Un être humain , un vrai, en quelques sortes…
    Si tous les « humains » s’unissaient dans l’amour et le respect de la terre… ça laisserait une faible part aux autres… qu’attendons nous pour changer le monde?
    Merci Merci Merci
    Valérie (naturopathe)