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vendredi 20 septembre 2019 à 06:15

Justice : démantèlement d’un réseau de trafic de drogue(s) à Montceau

Le « ravitailleur » était défoncé H24



 



 

Le 29 août dernier, l’OPAC signale aux autorités un trafic de drogue autour d’un square dans le quartier du Bois Roulot à Montceau-les-Mines. La police organise immédiatement une surveillance. Le bailleur social met à sa disposition un logement qui donne sur le square, les policiers prennent des photos. Le 16 septembre, 5 personnes sont arrêtées. 4 d’entre elles sont jugées ce jeudi 19 septembre en comparution immédiate.

« Des gens abîmés », dont une personne vulnérable

 

Le parquet a décidé hier après-midi que la 5ème personne serait jugée en CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité) avant la fin de l’année, et il a mis deux peines à exécution pour deux des prévenus, placés ensuite en détention provisoire avec les deux autres. Qui sont- ils ? « Des pieds nickelés », « des gens abîmés », plaideront leurs avocats. Le plus âgé a 36 ans, il vit dans le quartier, il est reconnu handicapé par la MDPH et servait de nourrice. Chez lui, la police a trouvé des talkie-walkie. Ceux qui étaient dehors, repérés comme guetteurs et vendeurs, en avaient aussi. Pas de téléphone : pas d’écoute téléphonique. Elle a trouvé aussi quelques milliers d’euros en petites coupures, deux balances électroniques, et puis de l’herbe de cannabis, de la résine de cannabis, de la cocaïne, de l’héroïne, de l’ecstasy, en relativement petites quantités, mais en arsenal de choix. « Les nourrices sont souvent des personnes vulnérables, et c’est son cas, estime Charles Prost, vice-procureur. » L’homme paraît en effet un peu perdu. Il est tombé dans l’héroïne. Pourquoi ? lui demande le président Grandel. « J’ai essayé ! » Il n’est pas le premier à témoigner qu’on peut devenir accro quasi instantanément. Il a reconnu facilement son rôle (difficile à contester, il y avait du matériel dans presque toutes les pièces de son logement), et il a désigné les autres selon leurs modes de participation.

 

Un guetteur « désincarné »

 

Le guetteur, A.B. Un pauvre jeune homme né en 1996 dont on lira l’histoire ici : https://montceau-news.com/faits_divers/423901-tribunal-comparution-immediate-montceau-2.html. Il traîne toujours ses dettes et ses addictions. Plusieurs joints par jour et ce qu’il peut se procurer en héroïne et cocaïne, « tout ce qui peut me permettre de s’évader de ce monde ». Maître Marceau explique qu’en juin dernier, il avait enfin un logement et un travail aux jardins du cœur. Mais d’absences injustifiées en absences injustifiées, il est viré, et « qui allait remplir mon frigo et m’acheter des affaires ? J’ai pas de famille, moi. J’ai fait ce qu’il fallait. » Assis sur une chaise au seuil d’un porche sous lequel le vendeur assurait les transactions, il recevait un dédommagement en cocaïne et aussi en nourriture. « Son état psychologique pose problème », lit le président dans un des rapports qui se trouvent au dossier. C’est le moins qu’on puisse dire. Son avocat, qui le connaît un peu, dit de lui qu’il est « désincarné », soit, en un mot, le produit d’une enfance martyrisée et d’une vie dépendante de plusieurs addictions.

 

Le « ravitailleur » est défoncé H24

 

Le surnommé « Atchoum » était celui qui venait mettre les produits en sachets ou en pochons, et d’après l’hébergeur, il comptait aussi l’argent le soir. C’est le plus menu des 4, le plus petit aussi. Il a nié toute participation, « sur 150 photos, on ne le voit que deux fois », mais à l’audience il reconnaît avoir été « guetteur ». « Guetteur, c’est être co-acteur, lui explique le vice-procureur. Pour la loi française, guetter et vendre, c’est pareil. » 25 ans, un petit casier. Une condamnation à un TIG qu’il effectue au Creusot et qui débouche sur un contrat à Montceau. Il a donc travaillé mais depuis un an il tourne à 10 joints par jour, « il est défoncé H24, plaide maître Öztürk. Il est rare de voir des trafiquants qui se droguent tous ». L’avocat a tenu à intervenir, parce que « ce garçon est réellement en danger ». Comment est-il arrivé là ? Sa famille le pense « utilisé, contraint ». En avril 2016, son cousin appelle l’avocat qui l’avait assisté « pour me remercier, ça m’a fait plaisir, mais j’apprends le lendemain qu’il s’est explosé le crâne à Torcy ». Le jeune homme se plie en deux à l’évocation de ce drame, son visage prend des traits douloureux, il pleure, « il n’arrive pas à dire ce mal qui le ronge ».

 

Le vendeur, en rupture familiale, sans domicile fixe

Le dernier prévenu est le seul qui n’est pas du coin. Il est en rupture familiale, sans domicile fixe depuis un an. 23 ans, il est « le vendeur » de cette petite constellation organisée toutefois selon les règles, si l’on peut dire. C’est « l’homme à la sacoche », qui passait le matin vers 10 heures prélever du stock, allait vendre et rapportait ce qui restait le soir. 3 condamnations pour violences, recel, usage de stups. Maître Varlet intervient pour « Atchoum » mais il parle pour tous car il s’étonne qu’un tel dossier passe en comparution immédiate : « pas d’écoutes téléphoniques, pas de géolocalisations, aucun élément de patrimoine (donc aucune preuve du moindre enrichissement personnel) ». « Des petites coupures, des petites voitures, des gens qui ont besoin d’argent pour payer des dettes d’électricité ou de loyer. C’est misérable, vraiment » appuie maître Guignard.

 

Tout le monde a néanmoins salué le travail d’enquête, « bien diligentée », et l’intervention de l’OPAC, qui « a bien fait de signaler ce trafic »

 

S., 36 ans, « il devrait être sous curatelle », est condamné à 8 mois de prison entièrement assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. Son casier était vierge. Il est le seul à pouvoir rentrer chez lui après l’audience.

A. B., qui, « le 22 août s’est retrouvé une nouvelle fois livré à lui-même », est condamné à 8 mois de prison avec maintien en détention, et révocation d’un sursis de 6 mois. « Le tribunal ne cherche pas à vous enfoncer, monsieur, mettez ce temps à profit pour préparer la suite. »

L’homme à la sacoche, « en errance, ancré nulle part », est condamné à 10 mois de prison dont 4 mois sont assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. Il est maintenu en détention pour les 6 mois ferme.

Celui qui fut désigné comme « le ravitailleur », mais aussi comme celui qui est « devenu une ombre », et qui s’étourdit à joints continus, est condamné « à une peine mixte, compte tenu de la teneur du dossier » : 12 mois dont 4 mois assortis d’un sursis mis à l’épreuve, maintien en détention. Lui et A.B. purgent également deux anciennes peines depuis hier.

 

Florence Saint-Arroman

 

 

 

 



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