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dimanche 1 octobre 2017 à 07:59

La vie peu commune de Guy Mezery (Blanzy)

Episode 11



 

 

Episode précédent
Guy déclare sa flamme à Josette juste avant de partir en vacances en Turquie avec ses deux fils aînés et leurs compagnes. Une question : sera-t-elle la nouvelle Madame Mezery ?

 

 

Séjour de rêve pour Guy qui est parti en Turquie avec ses deux aînés. Par contre, Josette elle, a passé la plus affreuse semaine de sa vie ! Tellement horrible que lorsqu’elle fut mutée à son tour à Clermont-Ferrand, les amoureux entamèrent une nouvelle vie, allée des coquelicots, dans le quartier des Cézeaux.

 

Et de trois !!!

 

 

Bien parti pour concurrencer Eddie Barclay qui s’est marié 9 fois (bon, d’accord, il en est encore loin !) Guy a été stoppé dans son élan en rencontrant celle qui sera sa troisième épouse. Guy et Josette ont convolé en justes noces le 29 avril 2000. Une fête magnifique dont ils se souviennent encore avec émotion.

 

En 2005, la mutation de Josette à Montceau a conduit les nouveaux époux à acquérir une maison à Saint-Bérain-sous-Sanvignes. Une nouvelle vie pour celui qui a enfin trouvé le calme et la sérénité auprès de sa chère Josette.

 

Le couple élève ensemble la fille de Josette, tout en essayant de préserver les liens familiaux de chaque côté. A nouveau, Guy a proposé à sa mère, désormais âgée de 85 ans, de venir habiter avec eux dans l’appartement de trois pièces au rez-de-chaussée de leur demeure.
Mais cette maman qui avait abandonné ses enfants à l’assistance hésitait à accepter la proposition… Sous le prétexte de ne pas vouloir déranger ? Par peur des questions que Guy pourrait lui poser sur cet abandon ? Mystère…

 

 

Mais pour décrypter cette réticence, peut-être faudrait-il prendre connaissance de la vie de cette femme que l’on juge sévèrement, mais qui avait peut-être aussi des raisons d’agir comme elle l’a fait…

 

Qui était Andrée-Marie, mère de Guy Mezery ?

 

Andrée-Marie n’a jamais su qui était son père. La seule fois où elle a évoqué son existence, la fulgurance d’une gifle violemment appliquée lui a ôté l’envie de récidiver. « Finalement, elle a vécu une jeunesse semblable à la nôtre » reconnait Guy.

 

Car à travers l’histoire mouvementée de Mémé Eugénie, ce dernier et ses frères et sœurs ont deviné quelle fut sa vie.

 

Rendez-vous compte : Andrée-Marie est née à Bruyères, dans les Vosges, en 1925. Elle a été placée dans le Cantal, avant de revenir à Paris en 1931. Et c’est sur une banquette de moleskine, dans le « beuglant » où sa mère Eugénie travaillait comme serveuse qu’elle passera la majeure partie de ses nuits à partir de l’âge de 6 ans.
Mais Arsène, l’ami d’Eugénie, ne supportait pas les gosses. Surtout ceux des autres… Andrée-Marie devint vite son souffre-douleur et ce, jusqu’à l’âge de 12 ans. La famille habitait un meublé « grand luxe » dans le 10e arrondissement. La mère de Guy y a fréquenté l’école et a obtenu son certificat d’études.

 

Lorsqu’Arsène meurt d’une cirrhose du foie en 1937, Eugénie quitte la rue Saint-Maur pour un foyer de femmes seules, baptisé Pauline Roland. Et quand la guerre éclate le 3 septembre 1939, Andrée-Marie a tout juste 14 ans et sa mère l’envoie dans des fermes en Bretagne, par le biais d’œuvres de bienfaisance, où elle sera cuisinière. Elle qui ne savait même pas cuire un œuf !

 

Au premier jour de placement chez les paysans, près de Rennes, elle fut chargée de garder un bébé et…une truie en train de faire ses petits ! Le bébé pleurait, elle ne savait pas quoi faire, et la truie mangeait ses gorets au fur et à mesure qu’ils sortaient…

 

Ses employeurs, qui s’étaient rendus aux obsèques d’un jeune garçon de 15 ans, noyé dans une mare, ont eu la surprise de leur vie en rentrant. Le moutard gigotait dans ses langes souillés, tandis que la truie grognait de contentement après avoir croqué son huitième petit !

 

Dure journée pour ces pauvres paysans qui venaient de subir un manque à gagner important, alors que les privations étaient journalières en ces temps durs.

 

 

Guy raconte que quand les officiels des œuvres de bienfaisances venaient pour voir si tout allait bien dans les fermes où les jeunes étaient placés, les commis mangeaient à la table des patrons. Les autres jours, Andrée-Marie se dépêchait de manger les patates, avant qu’elles ne soient mélangées au son pour donner en pâtée aux cochons.
Un commis de la ferme voulait l’emmener avec lui et la sortir de cet enfer. Il est parti, elle est restée et à continué à dormir dans la grange. Car il n’y avait pas de place pour loger tout le monde. Le matin, levée dès l’aube, pieds nus dans des sabots de bois qui lui ont laissé des traces à vie sur le cou-de-pied et les talons…

 

 

En 1943, à 18 ans, retour à Paris pour Andrée-Marie qui assiste au mariage de sa mère avec « Chiron ». A cette époque, elle travaille chez un artisan et fait de la dorure sur des petits calendriers. Puis, en 1944, elle travaille en cuisine dans un café-restaurant à Paris. Pas au comptoir, car elle n’a pas l’âge…

 

Toutefois, c’est cette année-là qu’elle a rencontré celui qui est devenu le père de Guy. Ce qui suit, ce dernier l’a appris, à 57 ans, au téléphone ! Il a retranscris cette conversation téléphonique du 23 février 2002. C’était la première fois que sa mère lui parlait de son père…

 

Andrée-Marie : « Il a été gentil avec moi, j’te dis, j’serais p’têtre plus là, parce que, comme ma mère m’avait foutue à la porte en me disant qu’elle ne pouvait plus m’entretenir, que c’était la guerre, qu’elle ne pouvait plus… Mais elle me sifflait quand même mes cartes d’alimentation. Tu vois, et comme je n’étais pas majeure, c’est elle qu’avait mes cartes d’alimentation. Heureusement que j’ai rencontré…que j’l’ai rencontré quand même, hein ? ».

 

 

Guy : « Et il avait des gamins ?

 

AM : hein ?

 

Guy : Il avait des gamins ? 

 

AM : un gamin 

 

Guy : un gamin !

 

AM : un gamin, un grand gamin !

 

Guy : Et il était vieux ?

 

AM : Oui, il avait, j’te dis une dizaine d’années de plus…

 

Guy : Et tu l’as connu où ?

 

AM : Où j’l’ai connu ?

 

Guy : hum !

 

AM : au début, c’était vraiment paternel, tu vois, parce qu’il vivait pas avec moi au début

 

Guy : hum ! hum !

 

AM : Et ma foi, ce qui devait arriver est arrivé et puis…

 

Guy : et puis ?

 

AM : oh dis donc, j’ai une oreille qui me fait mal…

 

Guy : donc, il est venu pour le premier accouchement, il est venu pour le deuxième accouchement…

 

AM : il est venu pour le premier, pour le deuxième et heur…

 

Guy : et au troisième, quand tu lui as annoncé la couleur, il a dit ça va bien, je m’en vais.

 

AM : ah, ben oui, sa femme rentrait du sanatorium !

 

Guy : ah, d’accord !

 

AM : c’était difficile à expliquer hein ?

 

Guy : Et il avait un grand gamin ?

 

AM : oui, un gamin qui devait avoir cinq six ans hein ! Déjà, pour moi, c’était un grand gamin. Parce que… Tu sais, quand on est gamine et gourde comme j’ai été ! On n’était quand même pas délurés comme maintenant hein !

 

Guy : c’est sûr ! Tu l’avais trouvé où celui-là ? Dans ton entourage immédiat ?

 

AM : le ?

 

Guy : tu l’avais dégoté où ? Dans ton entourage immédiat ?

 

AM : j’travaillais dans un café, mais pas au bar parce que j’avais pas l’âge, j’étais en cuisine. Mais des fois, le patron ou la patronne me laissaient passer dans la salle pour travailler et c’était un client de…qui venait manger tous les jours.

 

Guy : donc, un parigot ?

 

AM : un parigot

 

Guy : un vrai de vrai ?

 

AM : du 10e

 

Guy : un parigot du 10e, tiens ! Et tu ne sais pas ce qu’il est devenu ?

 

AM : ben, écoute, non ! J’m’en suis jamais inquiétée, parce que vais t’dire un truc, j’m’en suis jamais inquiétée parce que j’avais mal avalé la pilule hein !

 

Guy : J’imagine. Et comment s’appelait-il ?

 

AM : Guy Berger

 

Guy : mon père s’appelait Guy Berger !

 

AM : oui, s’il n’est pas mort, il s’appelle toujours Guy Berger !

 

Guy : que faisait-il ?

 

AM : il conduisait des locomotives à la gare du nord

 

Guy : et tu n’as jamais eu de nouvelles après votre séparation ?

 

AM : je crois me souvenir qu’il est parti dans la région de Strasbourg mais je n’en sais pas plus.

 

Guy : ok

 

AM : hier soir, je lisais sur mon livret de famille…heureusement que les lois ont changé hein, parce que qu’il soit marié ou pas, on peut attaquer, on peut…

 

Guy : c’est sûr !

 

AM : hein ?

 

Guy : c’est sûr ! On peut. Mais cela sert-il à quelque chose ?

 

AM : encore heureux ! J’viens même de remarquer qu’il y a encore une erreur sur le livret de famille !

 

Guy : Allons, bon !

 

AM : oui, à mon sujet ! Ils m’en veulent hein !

 

Guy : qu’est-ce-qu’ils t’ont encore fait ?

 

AM : alors, y’a mon nom bien sûr, de mère Reinbold Eugénie

 

Guy : oui

 

AM : et de père ! Mezery ! Mais ça n’a jamais été mon père !

 

Guy : mais comme il t’a reconnue

 

AM : non, non, mais c’est pas mon père hein !

 

Guy : sur mon livret de famille, il y a juste ton nom, c’est tout !

 

AM : y’a pas Mezery, heu machin…

 

Guy : non, non, y’a juste ton nom : Andrée-Marie Mezery point.

 

AM : moi, j’te dis qu’ils se sont encore gourés parce que sur le livret, ils disent bien que normalement, je dois porter le nom de la personne. La première personne qui m’a reconnue et c’est pour cela qu’il y avait un truc, heu ! Quand j’ai fait mes papiers en 90 qu’on m’a dit que j’m’appelais pas Mezery.

 

Après la séparation brutale d’avec Guy Berger, Andrée-Marie a fait quelques employeurs en qualité de serveuse. Elle a même failli tenir le bar d’un grand journal parisien. Finalement, du jour au lendemain, elle s’est retrouvée chez « Adrien » aux puces de Clignancourt.

 

C’était un bistrot qui servait des repas midi et soir aux « puciers », depuis 1901. Ce bar-restaurant venait de l’héritage du beau-père à Dédé, qui en avait hérité de ses parents. Dédé, c’est André Courteix, cantalou et policier de son état.

 

Comme il ne pouvait pas tout faire, Andrée-Marie est devenue, sans être déclarée gérante à plein temps. Pas de salaire, pas de cotisations et en plus, au bout de quelques temps, elle vécut avec Dédé. Elle pouvait penser que finalement, après toutes ces galères, la vie lui souriait enfin. Les affaires marchaient bien, Dédé était sympa… Et bien non !

 

En 1966, la répression des fraudes lui collait une amende de 19 millions de francs pour vente d’alcool de contrebande ! Pour payer la facture, il fallut vendre quelques biens appartenant à Dédé. Soit deux garages rue Ordener, les meubles de ses parents et comme les frais s’accumulaient, en juillet 1969, il a fallu vendre le pavillon de neuf pièces à Maison-Alfort.

 

Mais ce n’était pas encore fini : au bout de quelques mois, les huissiers firent fermer l’établissement. Le couple Andrée-Marie-Dédé se retrouva donc dans un appartement, celui là même où Guy avait passé le premier réveillon avec sa mère et André. Vous vous souvenez ?

 

« Inutile de préciser que les circonstances n’étaient pas propices à des retrouvailles familiales » raconte Guy. Sa rencontre avec M. Courteix fut la première et la dernière ! Le pauvre homme avait appris brutalement que sa compagne avait trois enfants… Le choc !

 

Une autre conversation téléphonique entre Guy et sa mère montre bien qu’Andrée-Marie n’était guère bavarde sur son passé ! En effet, c’est téléphoniquement qu’elle lui apprend, en 2003, qu’à l’âge de 40 ans, elle avait été opérée d’un cancer de l’utérus. L’opération, qui s’est déroulée dans une dans une clinique parisienne, a été supportée financièrement par Dédé. Opération qui n’était pas remboursée par la sécurité sociale !

 

Une semaine plus tard, Andrée-Marie était derrière son comptoir à faire les additions et tenir la caisse.

 

Guy relate ensuite une conversation, toujours téléphonique, le 7 septembre 2003, avec sa mère. Epique, celle-ci…

 

Suite au prochain épisode

 

 

ND

 

 

 

 

 

 



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