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jeudi 8 mars 2018 à 06:41

ASSISES DE SAÔNE-ET-LOIRE

Le procès d'André Gosset renvoyé à janvier 2019 à cause d'un «drôle de client» malade...



 

 

Il est 17 heures ce mercredi 7 mars à la cour d’assises de Saône-et-Loire, lorsque la présidente Caroline Podevin vient annoncer le renvoi du procès d’André Gosset, Fabien G. et Franck R., après une journée de travaux : « L’état de monsieur G. ne permet plus de réouvrir les débats. » Pour l’accusé principal, André Gosset, c’est une douche sévère. Il est en détention provisoire depuis 3 ans et demi, et même s’il a des années de prison à purger jusqu’en mars 2022, ce statut-là le maintient en maison d’arrêt, empêche son transfert en centre de détention ou en centrale, et du point de vue des perspectives de vie quotidienne, cela change tout. Retour sur cette journée laborieuse.

 

 

Mandat d’amener contre Fabien G.

 

 

Impossible ce matin d’ouvrir l’audience : il manque un accusé. Fabien G., accusé de destruction de preuve, soit d’avoir fait disparaître l’arme utilisée lors de l’agression de monsieur L., 78 ans aujourd’hui, chez lui, à la Clayette, le 12 mai 2014. Fabien G. était déjà dans un état incertain hier en fin de journée. Il prend plusieurs médicaments, dont l’un au moins le shoote, et il s’endormait sur sa chaise. Comment a-t-il passé sa nuit ? Nul ne le sait, et ce matin on délivre un mandat d’amener contre lui. Chance, il finit par répondre à son avocat, annonce qu’il prend le train, la police file l’accueillir et le cueillir, sitôt amené, sitôt incarcéré pour la durée du procès.

 

 

Un seul témoin peut déposer, mais n’a « rien à dire »

 

 

On entend alors un témoin, la femme du boulanger de la Clayette, chez qui Fabien G. était précisément employé à l’époque des faits. Madame M. décline son état civil, la présidente attend d’elle « une déclaration spontanée », pour commencer. Silence. Le témoin n’a « rien à dire », « j’ai pas tout compris ce qui s’était passé à l’époque ». Ceci pour dire un peu la couleur du dossier. Hier la présidente demande à tous les témoins de quitter la salle d’audience jusqu’à ce qu’ils soient entendus, puis elle reprend les débats, pour s’apercevoir ensuite que certains sont restés, assis tranquillement en spectateurs.

 

 

« Mon client n’est pas en état d’être interrogé »

 

 

Sur ce nuancier de vies difficiles et de leurs effets sur les personnes, Fabien G. représente sans doute le point de le plus vif, la couleur saturée, d’alcool, de drogues, de toxiques, de vie précaire. Sa famille a lâché, il est hébergé, il n’a pas de travail. Il a un traitement qui vise à l’aider à se sevrer, mais d’une part il y a déjà du mal de fait, d’autre part rien ne dit qu’il prend correctement ce traitement, et qu’il ne l’arrose pas de temps à autre, si ce n’est chaque jour. A midi, il descend aux geôles avec une escorte mais il a eu le temps, avant, d’ingurgiter des cachets d’on ne sait quoi, sur un terrain qui lui rendait l’élocution encore difficile à 11 heures du matin. Résultat, à 14 heures, il est groggy et maître Ronfard doit y revenir : « mon client n’est pas en état d’être interrogé », l’avocat général le pense également et engage la présidente à faire venir un médecin pour en avoir le cœur net, inutile d’attendre que l’accusé ne fasse un beau malaise.

 

 

Le SAMU se déplace, mais…

 

 

Rien n’a été simple, car le SAMU ne pouvait pas venir, SOS médecins non plus, la magistrate passait des coups de fil à répétition dans une salle clairsemée où chacun traînait sa grolle depuis 9 heures ce matin, avec quatre témoins confinés à part, et des hoquets permanents entraînant des suspensions d’audience. Le SAMU finit par examiner l’accusé et le déclare apte à comparaître, soulagement. De courte durée. De très courte durée. A 15h20, Fabien G. réintègre le box, on le cale contre un mur, il ne tient pas tout seul, et deux experts lyonnais sont en visioconférence. Les experts causent, et les avocats de la défense, maître Ronfard, maître Mirek, et maître Lépine, ont de petites mines car dans leur dos Fabien G. dort, la bouche ouverte, tête en arrière. Le policier qui le côtoie tire de temps en temps sur sa manche et obtient un sursaut. Puis la torpeur.

 

 

« On a un vrai problème », dit l’avocat général

 

 

A 15h50, les experts achèvent leurs déclarations spontanées. L’avocat général se lève immédiatement : « On a un vrai problème, madame la présidente. Monsieur dort, il n’est pas en état de comprendre, il ne suit plus du tout. Il ne serait pas loyal de poursuivre. Jean-Michel Ezingeard insiste, il faut trancher. Je suis bien conscient des enjeux, mais peut-on juger quelqu’un qui n’est pas avec nous ? Non. » Maître Pamela Lépine plussoie, « pour la défense tout entière » Jean-Michel Ezingeard ne voit qu’une alternative : l’accusé est hospitalisé jusqu’à demain, et on fait alors le point, ou on arrête le procès. Le temps que ces derniers mots arrivent au cerveau d’André Gosset et son visage change, il est en colère.

 

 

 

Le procès est renvoyé à janvier 2019

 

 

La cour décide de renvoyer. Le procès est inscrit au 21 janvier 2019. A l’annonce, Fabien G. ne bronche pas. Comme l’a dit l’avocat général, il n’est pas là, il est dans des zones semi-comateuses, intoxiqué au-delà certainement de ce qu’il pouvait souhaiter. Ses mains parfois s’élèvent lentement, il les déplace dans l’air comme un somnambule, les yeux clos. Et lorsqu’il parvient à les ouvrir, il n’a plus de regard. Tout le monde se demande comment le médecin du SAMU a pu interpréter la demande de la cour pour affirmer que cet homme pouvait comparaître. Dans l’état où il est, on le poserait sur la rembarde d’un pont ou sur un nid de frelons asiatiques que ça serait pareil.

 

 

Victime, accusés, magistrats, avocats, jurés, tout le monde pâtit de cet échec

 

 

Il reste à statuer sur les sorts des trois accusés en attendant leur procès. Franck R. est à nouveau placé sous contrôle judiciaire. Maître Mirek obtient pour lui des conditions élargies, un pointage mensuel plutôt qu’hebdomadaire et la possibilité de circuler en dehors du département. Franck R. offre une vie stabilisée, il a un CDI depuis peu également. André Gosset est maintenu en détention, évidemment. Son avocate tient quand même à souligner que « monsieur Gosset est en détention provisoire depuis 3 ans et 7 ans, à l’isolement, dans une maison d’arrêt. En janvier 2019 cela fera 4 ans et demi de détention provisoire, soit une durée assez exceptionnelle. » Maître Braillon a un mot pour monsieur L., victime de cette sauvage agression il y a bientôt 4 ans, et qui aurait voulu « tourner la page », et ne le pourra pas.

 

 

 

« Je ne pensais avoir à prendre la parole un jour pour quelqu’un qui ne m’entend pas »

 

 

Franck G. n’est plus qu’une sorte de carpe, muette par définition, échouée sur la grève, la bouche ouverte en O, à poursuivre des esquisses de mime, et à revenir par moments une ou deux minutes, à lui ? on ne sait pas, à un lien minimum avec le monde qui l’entoure. Thomas Ronfard est très inquiet pour lui, pour sa vie. Il connaît ce client difficile depuis plus de 3 ans, et « ne pensait avoir à prendre la parole un jour pour quelqu’un qui ne m’entend pas ». L’avocat est « navré », et navré également « que la cour l’ait vu faire ce qu’il fait depuis si longtemps : se détruire ». Fabien G. sera maintenu en détention.

 

 

« Ça casse un peu l’ambiance »

 

 

L’histoire qui prenait forme hier ne connaîtra pas sa fin. André Gosset, accusé principal, a prévenu la cour que d’ici 6 mois sa position en matière de stratégie de défense aura sûrement changé. Le procès à venir en janvier 2019 ne sera donc pas la suite de celui qui avait commencé, mais un autre.

 

 

On lui laisse le mot de la fin : « ça casse un peu l’ambiance. »

 

 

FSA

 

 

 

 

tribunal 2208172

 

 

 



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