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mardi 17 mai 2016 à 05:25

Un film documentaire pas comme les autres

Avec la chanson des Charlots « Merci Patron »



Il y a les blockbusters, les films d’animation en 2D ou 3D, les films d’auteurs, les navets à l’eau de rose qui sont des téléfilms sur grand écran et il y a « Merci patron »

 

 

Là c’est autre chose, entre documentaire, plaidoyer social, ovni fusionnant Michael Moore et Robin Hood mâtinés de Raymond Depardon conjugué à la Patrick Rotman sauce Daniel Leconte, c’est un documentaire militant dont les personnages sont proactifs.

 

En plus cela force le spectateur à ne plus l’être mais à devenir acteur de ce qu’il voit et entend.

 

Les projections de ce film donnent lieu aux mêmes manifestations que s’il était regardé dans le salon de chacun de ceux qui ont payé leur place.

 

C’est une salle vivante, rigolarde, indignée, complice, attentive, angoissée, heureuse qui image par image vibre au rythme du film.

 

 

Je vous la fais courte pour 3 raisons :

 

J’écris mal l’accent de ch’nord
Pour tout expliquer faudrait deux plombes alors que le film ne fait qu’une plombe 24
Parce que vous n’avez qu’à aller vous poser dans une salle de ciné pour le voir.

 

 

Mais comme je suis magnanime je vous fais un pitch presto pour vous mettre l’eau à la bouche et la musique à l’oreille.

 

 

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Mais d’abord il nous faut parler de Fakir. Cet enturbanné est un organe de presse fâché avec tout le monde ou presque qui… comment dire… n’est pas copain avec le CAC40, qui a des convictions, indépendant et alternatif engagé à gauche,  se présentant, (lui-même personnellement, lui) comme n’étant lié à « aucun parti politique, aucun syndicat, aucune institution »1 et comme « entièrement rédigé et illustré par des bénévoles »

 

 

Si vous avez des doutes, vous n’avez qu’à aller vérifier tous seuls…

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fakir_(journal), http://www.fakirpresse.info/, https://www.facebook.com/Fakir-122030096877/

 

Ça vous va comme doc ?

 

 

Ça c’est fait, passons au film. C’est François Ruffin, le fondateur du journal le Fakir, qui a réalisé le film.

 

 

Avant de vous parler de ce dernier intéressons-nous au réalisateur. Ce nom n’est pas inconnu des auditeurs de France Inter car il a accompagné Daniel Mermet (que sa disparition de l’antenne est dure à supporter)  pendant sept ans à l’émission « Là-bas si j’y suis. ».

 

Ce type écrit aussi pour le monde diplomatique et beaucoup murmurent, voire sous entendent (ce qui est pareil dans le bouche à oreille) que son film « Merci patron serait un des ferments de « Nuit Debout ».

 

Ce quarantenaire a déjà à son actif la publication d’une onzaine d’ouvrages, plus un film…Encore un boulimique.

 

Un jour, parce qu’il est sur la peau de Bernard Arnault il décide de passer de la plume à la caméra. Pour cela il doit voler dans les plumes du patron de LVMH.

 

 

Donc là je vous fais le pitch.

 

C’est l’histoire de Jocelyne et Serge Klur licenciés après avoir travaillé pendant des années dans une usine à Poix-du-Nord fabriquant des costumes Kenzo (Groupe LVMH), près de Valenciennes. Enfin fabriquait, parce que tout est fermé et en ruines. Nous visitons même cette friche avec une sœur ouvrière, catholique mais rouge et une déléguée CGT reconvertie en ambulancière.

 

 

Ils sucent des cailloux les Klur avec leurs 400€ mensuels et se pèlent parce qu’ils n’ont plus un kopek pour chauffer la baraque. Ils cherchent désespérément du boulot, postent ou distribuent des CV tous azimuts, mais des fois il n’y a même pas un fifrelin pour mettre le gasoil dans le réservoir de la « carrette », et donc ils font la tournée des employeurs à pied… ou pas.

 

 

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Dans le même temps notre Bernard Arnault, ce capitaine d’industrie tant porté au pinacle par la presse économique et les politiques, a demandé la nationalité belge et délocalisé la production en Pologne.

 

Mais bon, la Grèce est peut être un meilleur filon avec la crise, ça coûte quand même 30€ pour produire un costume homme Kenzo chez les polacks, alors que les hellènes, eux, tirent la langue à perdre haleine, ça sera sans doute plus rentable là-bas. C’est ce que dit un fabricant sans fausse honte, je n’ai rien inventé.

 

 

Pour le couple Klur, ils peuvent bien tous aller se faire voir chez les grecs, mais l’huissier est à la porte, va falloir vendre la maison pour laquelle ils ont versé sang et eau.

 

Quand, tout à coup, tagada voilà Robin Hood, le renard rusé qui va vouloir faire sa loi. François Ruffin, fondateur du journal Fakir, accompagné d’un inspecteur des impôts belge, (mais belge jusqu’au bout des poils de barbe), de la fameuse bonne soeur rouge, de la déléguée CGT ambulancière, et d’ex-vendeurs à la Samaritaine. De son propre chef il décide de mettre le feu aux poudres et d’aller porter le fer contre LVMH et de sauver le couple Klur.

 

Il va foutre le bor… le bazar à une assemblée générale de LVMH…

 

 

C’est le branle-bas de combat. Machiavel peut aller se rhabiller ou poser ses bas de contention, la Jocelyne et le Serge avec le François (ayant pris la place de leur fils) vont te mystifier le Bernard Arnault et ses services de sécurité comme  Robert Redford et Paul Newman dans l’Arnaque.

 

C’est vrai, c’est sans trucage, avec un ancien policier qui joue les médiateurs d’opérette, un député socialiste secrétaire Général d’LVMH, toute une organisation internationale qui a peur de ces pieds nickelés de génie.

 

 

Du grand art, jouissif, humain, empathique. Ce film devrait être remboursé par la sécurité sociale, et pas qu’une vignette orange.

 

 

Le Serge nous fait partager les affres des héros de « La petite maison dans la prairie », ils lui inspirent un geste désespéré dont on se dit qu’il aurait pu véritablement le commettre tant son désespoir est profond, sincère et insurmontable.

 

 

Enorme, vraiment. Ce film, ou que vous soyez, même avec un pied dans le plâtre, voire le deux, faut aller le voir.

 

 

 

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Pourquoi ?

 

D’abord parce que…

 

Ensuite pour la bonne raison que c’est un très bon film. Avec une réelle qualité de narration, un rythme soutenu, une drôlerie naturelle, des rebondissements savamment orchestrés. C’est une histoire vraie, vécue de l’intérieur avec caméra cachée, micro chat et micro poupée.

Du grand art, Guignol rossant le gendarme, Charlot en lutte contre les temps modernes.

 

On passe un excellent moment et de manière intelligente et humaine. Et puis, rien que pour les vrais gens, comme disent le politiques, qui sont dans le film, la Jocelyne et le Serge, les autres… ils valent mille fois le détour, des Bodin’s avec les habits de robin des bois.

 

 

Ils sont tous formidables et authentiques. Leur autodérision est constante, naturelle, sincère, aucun d’eux ne se prend au sérieux, bien que leur situation soit terriblement dramatique.

 

Et puis il y a l’ironie qui fait un coquin de sort à l’inhumanité des multinationales aveugles et sourdes qui tremblent au moindre pet de travers.

La fin est heureuse… c’est tout ce que nous sommes habilités à dévoiler… Mais dans notre monde qui marche sur la tête c’est un début de commencement de prémisse d’un frémissement de potentialités… non ?!?

 

 

Sorti mercredi 23 février 2016 en salles, le film cumulait lundi 4 avril au soir 220 000 spectateurs. A ce rythme, et parce que les relevés début mai le plaçait à 28 000 entrées par semaine, nous en sommes autour des 380 000 spectateurs. Bien des films aimeraient en faire autant, c’est sûr.
Surtout qu’il est sorti dans peu de salles, c’est le bouche à oreille qui a fait que le nombre de salles à augmenté. Pour le moment il est projeté dans 359 salles semble-t-il. Une énorme progression.

 

 

Pour finir laissons la parole à François Ruffin

 

 

« Avec ce film, je voulais juste raconter une fable, sans grand discours à l’intérieur. N’empêche que, à l’extérieur, on peut quand même en tenir, des grands discours. Sur, soyons pompeux, « les Leçons de Merci patron ! ». Avec une interrogation, en filigrane, qui traverse cette comédie : comment recréer un rapport de forces ? Comment y parvenir en rassemblant, avec les gens ? Donc, je réponds ici, aux questions que vous me posez, et à celles que je me pose. (Il vous restera à apprendre ça par cœur : dans les centaines de débats à travers la France, pour animer les salles, c’est vous qui allez me remplacer !) »

 

 

Pour conclure je « like » ce film.

 

 

Gilles Desnoix

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 





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