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vendredi 3 février 2017 à 09:07

Allia à Digoin (Social)

L'Intersyndicale interpelle les politiques lancés en campagne présidentielle.



 

ALLIA „RIMFREE“

 

 

Explication(s)…

 

« L’une des dernières innovations technologiques, dans le groupe GEBERIT, et fortement mise en avant par les équipes de communication marketing de sa filiale ALLIA, est la cuvette „Rimfree“. Par ce terme entendez sans bride. A peine lancés sur le marché, ces nouveaux modèles ont immédiatement connu un succès dépassant les prévisions de ventes du service commercial.

 

 

Si parfois l’histoire des grands succès se focalise autour d’une anecdote insolite ou croustillante, c’est l’ironie qui va marquer l’histoire de la société ALLIA.

 

Le 17 Mai 2016, la Direction du groupe ALLIA annonçait à tous ses salariés de Digoin (Bourgogne) et La-Villeneuve-au-Chêne (Champagne), le projet de fermeture de leurs usines sur un motif économique à peine crédible à l’époque et qui ne l’est plus du tout aujourd’hui après une expertise par le cabinet d’expertise comptable ALTER.

Cette Direction s’attendait certainement à rencontrer quelques difficultés, une ou deux petites grèves par-ci par-là, car il est rare d’y réchapper dans ces cas-là, et s’était préparé à rentrer en négociation pour fixer les termes des 256 licenciements prévus dans un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) comme le prévoit la loi française. Ils pensaient être prêts, c’était sans compter sur la pugnacité des organisations syndicales de leurs usines et les actions „Rimfree“ de leurs employés (entendez maintenant Rimfree comme débridées).

 

 

Les salariés ont commencé par se fédérer, deux usines unies face à un seul et même employeur. Le mouvement syndical qui en a découlé a été la création d’une intersyndicale regroupant cinq organisations unies comme les cinq doigts d’une seule main, prête à taper du poing sur la table. Là ou traditionnellement un patronat se sert des discordances syndicales pour trouver des brèches, la Direction de la société ALLIA s’est heurtée à un mur très solide, voir trop solide. Face à l’égoïsme des mécanismes financiers, les salariés et leurs représentants ont fait le seul choix qui leur permettait de rivaliser, celui de la solidarité. C’est sur cette base que les actions les plus débridées ont commencées à voir le jour.

 

 

Le 16 Juillet 2016 deux bus de salariés en provenance de Digoin et La-Villeneuve-au-Chêne se rendent à Montrevel (01) pour manifester sur le parcours du Tour de France. Ils font le déplacement avec des banderoles écrites en plusieurs langues et élaborent un immense tag peint sur le bitume : „Geberit tue nos emplois“. Objectif, se faire shooter par les caméras des médias qui couvrent l’évènement sportif. Premier succès, le pari était un peu fou mais il est réussi. Des médias français, hollandais, allemands et même russes rediffusent les images.

 

 

Le groupe Geberit est une multinationale au chiffre d’affaire très Européen et les salariés entendent bien ne pas se laisser enfermer dans leurs frontières mais porter leur combat pour la sauvegarde de leurs emplois sur la scène internationale. Le 21 Octobre 2016 les voilà repartis en Suisse pour manifester devant le siège social du Groupe. Mobilisant avec grand succès les élus locaux, leurs familles, d’anciens salariés et des habitants des deux bassins d’emplois concernés, ils débarquent à plus de 400 devant les portes du siège GEBERIT. Du jamais vu ! Les médias suisses s’en sont délectés pendant 15 jours et quelques-uns continuent de relayer le combat de ces irréductibles gaulois.

 

 

Au mois de Novembre 2016, c’est au tour de la chaine hollandaise NIEUWS UUR, d’entrer en contact avec l’Intersyndicale. Objectif, réaliser un reportage décrivant le déclin de l’industrie de l’ouest au profit des pays européens de l’Est émergeants. Le document est saisissant, le contraste entre la vieille Europe et la Pologne profitant du dumping social légalisé par l’union européenne s’affiche en grand. Un patron français, tenancier d’une usine polonaise se argue même du business qu’il réalise à l’est.

Toujours au mois de Novembre, une délégation des élus au Comité Central d’Entreprise, accompagné de leur avocat partent au Portugal pour rencontrer leurs collègues de l’usine de céramique sanitaire „GEBERIT Produçao“. Persuadé que leur Direction ne leur dit pas tout, ils vont découvrir l’ampleur du mensonge général dans lequel leurs dirigeants tentaient de les faire baigner. Ils vont recueillir des témoignages affligeants sur les conditions de travail de ces collègues portugais à qui rien n’est épargné (Maladies professionnels, conditions de travail dégradantes, heures supplémentaires dépassant le cadre légal portugais, peur de la direction, élections syndicales irrégulières, aucunes informations du reste du Groupe et du projet qui risque de frapper les usines françaises).

 

 

C’est peu avant les fêtes de Noël que les salariés amorcent un bras de fer, qui va impacter le portefeuille du Groupe GEBERIT. Le blocage des usines initié le 07 Décembre 2016 durera jusqu’au 16 Janvier 2017 sans discontinuité. Plus aucun camion ne rentrera ni ne sortira durant cette période et donc plus aucune facture ne sera éditée sur les deux sites. Interviewé durant la grève, un salarié de Digoin déclarait „ l’usine n’a pas connu un tel mouvement social depuis 1979. A l’époque on se battait pour obtenir le treizième mois et la prime de vacances ». Malgré un gros effort de réorganisation de la Direction Logistique pour honorer les commandes à tout prix, les retards se cumulent et atteignent un niveau rarement égalé. „Si notre Direction mettait autant d’énergie dans un projet alternatif pour diminuer l’impact sur les emplois, ce projet serait déjà entériné depuis longtemps. Tout n’est qu’une question de motivation, s’ils sont prêts à accepter une mauvaise presse et des pertes sèches sur leur chiffre d’affaire pour maintenir ce projet de double fermeture dont le motif économique n’a pas été validée par un expert, c’est que leur objectif est ailleurs“ fait remarquer Pierre-Gaël Laveder représentant syndical.

 

 

Le mois de Janvier accouchera de l’évènement le plus croquignole de cette histoire, qui ressemble de plus en plus à une mauvaise farce de la Direction pour ses salariés. Après avoir opéré un bluff phénoménal sur sa stratégie les dirigeants français Marc-Antoine Muller (DG) et Daniel Corouge (DRH) avaient annoncé par voie de fait que le document unilatéral précisant les modalités du PSE serait déposé au ministère du travail pour homologation alors que les organisations syndicales n’avaient à aucun moment été mises à contribution dans l’élaboration de ce document à travers une négociation. C’est donc un document dit „unilatéral“, rédigé uniquement par l’employeur, qui devait être présenté à l’inspection du travail. La loi l’autorise mais un employeur ne peut se prévaloir „être de bonne foi“ à travers cette démarche qui peut paraître surprenante dans un groupe qui prône au travers de sa communication interne avoir comme soucis premier le bien-être de ses salariés. Les membres du CCE avaient été informés au mois de Décembre que la Direction du travail avait sommé la Direction ALLIA, filiale du Groupe GEBERIT, de régulariser des élections professionnelles avant de continuer sa procédure de licenciement. Laissant la Direction cocoricoter, les membres du Comité Central d‘Entreprise ont attendu patiemment la date de fin de l’information / consultation fixée au 16 Janvier 2017 pour les voir enfin prendre une sage décision et « suspendre » la procédure, selon leurs termes, dans l’attente d’une mise en conformité avec la législation du travail sur les élections professionnelles. Les salariés se félicitent de cette première victoire.

Le dossier ALLIA est une véritable caricature de plan social. Un patron étranger qui souhaite délocaliser dans des pays low-cost sans aucun motif économique. Un groupe aux résultats florissants et en constante augmentation qui rachète et s’attèle à faire le ménage dans ses structures les plus contraignantes socialement, et les plus complexes en termes de législation fiscale, la France bien sûr ! Pays dans lequel les salariés ont des droits et dont on ne peut disposer à loisirs sans consulter leurs représentants du personnel élus par voie électorale. C’est compliqué vu de l’extérieur de nos frontières pour des dirigeants habitués à une économie mondialisée et des pratiques débridées dans les pays émergeants.

 

 

Alors la question que devrait se poser aujourd’hui nos politiciens lancés dans leur campagne pour la présidentielle est la suivante : „Peut-on laisser notre industrie péricliter au profit d’une économie Rimfree qui ne profite même plus à ses concitoyens mais à des financiers sans scrupules, et peut-on faire campagne sans même aborder ce sujet comme un sujet de fond ? “

 

 

L’Intersyndicale ALLIA

 

 

Accès au site de l’intersyndicale ALLIA : http://Intersyndicale-allia.e-monsite.com

 

 

 

allia 03 02 17



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