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mardi 28 novembre 2017 à 06:29

TRIBUNAL : Comparution immédiate

2 mois de prison, sans maintien en détention pour vol dans un club de fitness à montceau



 

 

 

 

 

 

Arrivé sur Montceau le 20 novembre, J. J., 31 ans, était « en galère » le 22 au soir, « y avait pas de place au 115, ils m’avaient donné 8 euros, j’avais acheté des tranches de dinde halal et une baguette, mais après j’avais plus rien ». Il avait froid, il avait faim, il faisait nuit. Errant dans les rues de Montceau sur son vélo, il a vu de la lumière rue Jules Guesde et quelqu’un lui a ouvert la porte du club de fitness Amazonia.

 

 

A bout de forces, J. J. dit qu’il s’est assis dans un coin et s’est endormi. A son réveil, le club était désert, et pour le coup fermé à clé. Alors J. J. a fait sa vie : il a pris une douche, il a séché ses baskets au sèche-cheveux (forçant sur son usage, ce qui a noirci le plastique), il a mangé des barres protéinées, bu du café, clopé dans les salles, et rempli son sac de tout ce qu’il pouvait emporter. Dosettes de café, doses de shampoing (« j’en ai besoin »), des clés USB (« j’en ai pas besoin, mais bon »), des paires de baskets, un couteau à viande, un parapluie, une pompe à vélo, une montre, … Tout ce qui pouvait entrer dans son sac. Enfin, il a enfilé un beau tee-shirt tout neuf floqué au nom du club, et s’est muni d’un sac itou. C’est ce qui l’a trahi : la police l’a trouvé dans la journée, endormi sur un banc dans le parc d’une résidence pour personnes âgées, tout beau dans son beau tee-shirt, tout propre, aussi, et nourri de barres énergétiques. Au petit matin, la femme de ménage avait découvert J. J. dans les locaux, quasiment en tenue de sport : « Elle m’a demandé, ‘vous êtes du club ?’, j’ai dit ‘oui je veux m’inscrire’ », et il est parti, sans la moindre violence.

 

 

Au commissariat il a contesté bien des choses parce que « la police m’accuse d’avoir volé un Ipod, mais c’est le mien ! Et les écouteurs aussi ! Et le vélo, c’est le mien. » Devant la chambre des comparutions immédiates ce lundi 27 il reconnaît sans difficultés les faits, mais s’inquiète pour ses effets personnels, Ipod, écouteurs, vélos, il voudrait tout récupérer. « Madame, par rapport à mes affaires ? » J. J. a une condamnation à son casier, pour outrage, en 2013.

 

Au début de l’audience, il n’entendait pas bien ce que lui disait la présidente Aussavy. C’est que : « J’ai pris trop d’cachets, m’adame, j’ai des problèmes pysschiatriques. » Il a des problèmes psychiatriques, mais ne sait pas lesquels au juste, « chaque psychiatre, il a dit autre chose, mais là j’entends des voix, madame ». On lui a prescrit du Risperdal. Il souffre également de problèmes cardiaques, et perçoit l’allocation pour adulte handicapé, soit 230 euros par mois. « Sans enfant, sans logement, y a rien qui va. Je vais devoir retourner chez mes parents, j’ai pas le choix. Mais je voulais trouver un logement à Montceau (il dit y avoir vécu il y a 10 ans), les loyers sont trop chers dans les Yvelines pour mon allocation. »

 

 

Madame Saenz-Cobo représente le ministère public et lui rétorque que « les loyers sont très hauts, à Montceau, un retour en région parisienne s’impose ». Et elle dresse le portrait d’un vandale, « s’il avait pu prendre les murs, il les aurait pris », elle parle de « pillage en règle ». « Je ne veux pas qu’on s’apitoie et qu’on fasse du misérabilisme ». J. J. n’est pas poursuivi pour vol de vélo, et voudrait récupérer son biclou, elle s’y oppose : « Quand on n’a pas de quoi se payer des madeleines et une bouteille d’eau, on ne peut nous faire croire qu’on a pu s’acheter un vélo. » Elle requiert 5 mois de prison avec maintien en détention et la confiscation de l’intégralité des scellés, c’est-à-dire outre les objets volés, ce qu’il soutient lui appartenir (Ipod, écouteurs, vélo).

 

 

Dans l’affaire qui précédait, un avocat du barreau de Versailles avait lancé à la procureur « vous excluez systématiquement de vos réquisitions la dimension humaine », maître Mathieu Perrachon donne à la balle un second rebond : « L’humain a sa place ici, sinon on pourra bientôt laisser des machines rendre la justice ». « Il n’a pas saccagé quoi que ce soit, il n’y a d’ailleurs pas de constitution de partie civile. Pas de violences, tout se passe bien. Ce n’est pas quelqu’un de revanchard qui a des comptes à régler avec la société. Dans cette affaire il aurait fallu une expertise psychiatrique, il faut tenir compte de la nécessité de soins. » J. J. ne cesse de vouloir parler, « vous, taisez-vous ! » lui ordonne la procureur.

 

 

Le tribunal condamne J. J., galérien des routes et de la maladie mentale, qui aura passé une nuit à déambuler dans une salle de musculation sans le moindre intérêt pour les équipements sportifs, à 2 mois de prison, sans maintien en détention, et ordonne la confiscation des scellés, à l’exception de l’Ipod et des écouteurs. Il manque le vélo. J.J. pleure son vélo, veut en parler, mais le parquet hurle : « Ça suffit ! C’était votre vélo ? Ça ne l’est plus. Vous sortez. »

 

Deux mois de prison, peine sèche. Plus de vélo, double peine. La galère reprend immédiatement, à pied.

 

Florence Saint-Arroman

 

 

 

 

 

 

tribunal 2208172



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