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vendredi 9 novembre 2018 à 16:15

Tribunal de Chalon : deux toxicos « AIR » Montceau…

.. 12 et 8 mois !






 

Elle a 38 ans, il en a 33, mais leur jeunesse a cédé sous les assauts des toxiques, ils sont marqués, terriblement. D’ailleurs ils ne tiennent pas bien le coup debout à la barre en ce jeudi 8 novembre, et ont tôt fait de s’asseoir. Elle, arguant de sa grossesse, et lui parce qu’il a trop bu avant de venir. Ils ont volé une console de jeux le 21 août dernier au magasin Leclerc de Montceau, l’ont revendue le lendemain au Planet Cash de Torcy. Avec les 150 euros tirés du butin, ils ont pu acheter « 5 à 6 doses d’héroïne ».

 

Ce n’était pas la première fois. Le montant du RSA est bien insuffisant à apaiser la tyrannie du manque. Il a 9 condamnations au casier, essentiellement pour usage de stupéfiants, il n’a jamais été incarcéré. Elle a eu une condamnation pour filouterie et une en Suisse en rapport avec les stups. Ils ont un enfant commun, elle en a un autre, et elle en attend un autre, de lui, mais ils ne sont plus ensemble disent-ils. Les enfants sont placés chez un tiers de confiance, la mère du jeune homme. Dans le bureau du procureur, début septembre, il leur a été proposé d’intégrer le dispositif AIR (accompagnement renforcé individualisé). Dispositif mis en place à l’initiative du chef du parquet du TGI de Chalon-sur-Saône, Damien Savarzeix, sur tout le département (ressort du TGI de Mâcon également)*. Madame F. et monsieur F. (ils ont pourtant deux noms différents, ndla) qui présentent chacun une « multiplicité de problématiques personnelles », ont dit « oui ».

 

 

Pour lui, ça va. Il a respecté le cadre, ses contraintes, et a reçu un sacré coup de main puisqu’un proche lui a trouvé du travail, un CDD à temps partiel qui passera sans doute en CDI s’il continue à faire ses preuves. Ça va, mais on ne décroche pas de l’héroïne aussi facilement que ça, on le sait. Il reconnaît donc quelques rechutes, « dans des moments de faiblesse ». La présidente Therme voit bien qu’il n’est pas dans un état « normal », à la barre. Il dit qu’il a bu. Seulement ? Il dit que oui. « Je suis très stressé, je n’ai pas dormi depuis 3 jours, alors j’ai pas mangé à midi, je suis allé boire. » Elle s’étonne que l’alcool n’apparaisse pas au dossier… « Je n’en ai pas fait état car c’est la première fois que je le vois alcoolisé », dit la chargée de mission AEM qui s’avance à son tour. Elle dit que « le dérapage stups c’est quand il a visité son père qui a un cancer ». Elle dit aussi que « vu son passé, il a été difficile et compliqué pour monsieur d’avoir une prise de sang ».

 

 

Pour madame F., en revanche, « dès la première fois, j’ai senti qu’elle n’adhérait pas, elle était totalement réfractaire, ne donnait aucune information, puis n’a même plus répondu aux appels téléphoniques. On s’est déplacé chez elle, elle s’est excusée. Elle n’a pas trouvé sens à ce dispositif, elle a clairement dit qu’elle savait qu’elle ne serait pas condamnée pour un vol (la femme proteste silencieusement). Madame s’est plainte à l’ANPAA que je lui avais dit de s’inscrire à Pôle emploi (derechef, protestation muette de la prévenue). »

 

On entend bien que la position de madame F. achoppe à pas mal d’endroits, et que la mission d’assurer le contrôle judiciaire et un suivi renforcé en même temps complique les choses quand le consentement était captif plutôt qu’éclairé, ça s’est d’ailleurs terminé avec un mandat d’arrêt mi-octobre. Maître Faure-Révillet qui assure la défense des deux, rappelle que madame F. « était alors dans un état psychologique terrible, et un gros problème d’hygiène (plus de gaz chez elle). Par ailleurs, les gens qui sont en garde à vue, qui sont en manque et qui en vomissent, qu’on déferre dans ces conditions et à qui on dit ‘c’est ça ou la prison’, sont-ils en capacité de refuser ? »

 

 

L’avocate poursuit : « Elle vit seule, avec sa grossesse et sa dépendance. Elle n’a pas de voiture, elle en était au point de ne plus sortir de chez elle, de ne plus faire de courses, de ne plus s’habiller, et il faudrait qu’elle réponde à des convocations ? C’est difficile. Mais là elle va mieux, et sa grossesse la motive. L’obligation de travail ? Elle est enceinte de presque 5 mois, il ne faut plus y compter pour l’instant. » La présidente avait confronté madame F. : « Les médecins du CSAPA disent qu’a priori vous n’êtes pas dans une grande démarche de soin. Pourquoi ? – Je ne sais pas. Mon prochain rendez-vous est demain. »
« On lui a tendu la main, à madame F., elle l’avait saisie au départ, mais il a fallu lui courir après, mobiliser des moyens. Je ne comprends toujours pas pourquoi elle a refusé, c’est une énigme. Je ne sais pas si elle a honte, ou des choses à cacher, dit Marie Gicquaud, substitut du procureur. Je suis dubitative mais je salue sa présence aujourd’hui et je vais vous demander de lui tendre encore la main. »

 

 

Le tribunal condamne monsieur F. à 12 mois de prison intégralement assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. Obligation de travailler, de se sevrer, et d’aller au bout du contrat signé avec l’AEM (contrat de 6 mois). Madame F. est condamnée à 8 mois de prison assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans, avec obligation de soins et de travailler. « Vous aurez un nouveau suivi, avec le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation), et il y a 8 mois de prison au-dessus de votre tête. » Qui a dit que ces choses-là étaient simples ?

 

 

FSA

 

 

* Dispositif AIR présenté ainsi en janvier dernier : « Le public ciblé : des personnes multi-récidivistes sans pathologie psychiatrique lourde. Le principe : un accompagnement individuel et social renforcé sur une période de 6 mois (renouvelable 1 fois). L’idée est d’intervenir sur tous les plans (logement, insertion familiale, sociale, professionnelle) avec une attention particulière à l’injonction de soins. Les multi-récidivistes représentent environ 40% des personnes qui comparaissent devant les tribunaux correctionnels, or l’emprisonnement ne conduit de fait à aucune évolution de la plupart des auteurs parce qu’ils présentent le plus souvent une multiplicité de problématiques personnelles. »

 

 

 

 

tribunal 2208172

 

 

 

 






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