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mercredi 6 janvier 2016 à 06:37

Un vrai génie et un faux paresseux

Galabru, un fou de boulot…



Nous l’avons tant aimé, selon la formule consacrée, que nous pouvons bien lui consacrer une petite page pour le lui dire.

Votre enfant vous menace de « chauvisme » parce que vous vous arrachez les cheveux face à son comportement à l’école ?  Émeille te point, Coye te » en bourguignon, « don’t worry, keep calm » en anglais, « ne vous inquiétez pas, calmez-vous » en français. .

 

 

« En plus je n’étais pas beau. Je ne pouvais pas arriver par les femmes. Je n’étais pas comestible! C’est un gros handicap de ne pas être regardé par les femmes. » Michel Galabru

 

Michel Galabru répétait souvent sur la naissance de sa vocation : « « J’ai été mis dehors de sept écoles différentes, Guitry a été viré douze fois. » Cela prouvait forcément pour lui que rien n’est jamais perdu et que tout est affaire de volonté, d’amour, de travail et de talent. Il ajoutait d’ailleurs « 12 fois et moi sept, ça prouve bien qu’il avait plus de talent que moi. »

 

Bien sûr c’est mieux de bien travailler à l’école si vous voulez réussir dans la vie, ou bien figurer au chômage par les temps actuels, mais pour être un génie, un comédien hors classe, un acteur reconnu et césarisé c’est en vous que tout réside. C’est la leçon de la vie de ce géant qui vient de jouer se dernière scène.

 

 

Né en 1922, le 27 octobre à Safi au Maroc, cet homme admirable a connu comme des dizaines de milliers de ses compatriotes d’alors le STO pendant l’occupation. D’abord ouvrier dans un camp de travail en Autriche à Klagenfurt il fut ensuite envoyé en Yougoslavie comme forgeron. Il restera le forgeron de sa vie et des œuvres des autres. En même temps, vous, moi, surtout vous, prisonniers comme lui nous aurions été libérés par des moujiks avinés et ivres de vengeance, rien à se mettre sous la dent pour figurer dans l’histoire. Lui ? Non, ce sont les Partisans de Tito qui le délivrent. Du Steven Spielberg avant l’heure, du meilleur Alain Cavalier, du Peter Jackson, du John Ford, du Jean Jacques Annaud, que voulez-vous quand on est prédestiné on à un destin quand les autres n’ont qu’une simple vie.

 

Maroc 1922, la guerre du Rif est commencée avec les Espagnols, puis en 1925 c’est le tour de la France avec Lyautey, puis Pétain pour le remplacer. Pétain qui envoya des années plus tard le petit gars de Safi au STO. Un détail tout de même, un premier divorce naquit à cette occasion en 1925 entre Pétain et son aide de camp : le Général de Gaulle qui reprochait à son patron d’avoir accepté la place de Lyautey pour mener cette campagne contre la république Rifaine.

 

 

Sur sa maison natale a été apposée en 2010 par la Ville de Safi une plaque commémorative qui dit en français et en arabe « Maison Michel Galabru. Dans cette maison, le 27 octobre 1922, est né Michel Galabru. Le comédien y passa sa plus tendre enfance avant de rejoindre la France ».

 

 

Le jeune Galabru né pendant une guerre, victime d’une autre, se dirigea vers une carrière plus pacifique. Après trois ans d’études au Conservatoire national d’art dramatique et un premier prix, le voilà engagé à la Comédie-Française le 1er septembre 1950. Il y passera 7 ans pile, jours pour jours.

 

Ce type à la voix gouailleuse et profonde, au phrasé si particulier, cet archétype du gars du midi alangui est une bête de travail. Il n’a pas peur des nouveautés, des écarts, des challenges. Alors tout en étant sociétaire il va voir du côté de la lanterne magique et tourne pour le cinéma.

 

Si quelqu’un se souvient de son premier film en 1951, il a gagné notre respect plaqué or : ce fut une œuvre sans doute impérissable pour les cinéphiles chevillés jusqu’au corps : ‘Ma femme, ma vache et moi de Jean-Devaivre. Nous vous prévenons tout ironie serait déplacée.

 

Wikipédia nous dit « Jean Devaivre, de son vrai nom Jean-Justin de Vaivre, est un cinéaste et résistant français, né le 18 décembre 1912 à Boulogne-Billancourt et mort le 27 avril 2004 à Villejuif. Réalisateur de 15 longs métrages et de 40 courts métrages, il est aussi auteur de 35 scénarios originaux et de plus de 120 adaptations et doublages. Il a reçu la Voile d’Or – Grand prix du Festival international du film de Locarno en 1949 pour La Ferme des sept péchés, film sur l’assassinat du pamphlétaire Paul-Louis Courier, avec Jacques Dumesnil, Jean Vilar, Pierre Renoir et Jacques Dufilho. »

 

Bon d’accord, moi je connaissais « Un caprice de Caroline chérie » et « Le Fils de Caroline chérie » parce que ma mère avait des K7 de ses films cultes.

 

 

Bon, bref, il débute donc au cinéma en 1951. Donc à sa mort 64 ans de cinoche. Pas mal non ?

 

Personne ne parlera plus à la pomponnette comme lui, ou ne nous fera plus Marlon Brando version ch ’ti comme lui. Notre adjudant Gerber, notre Joseph Bouvier, notre Docteur Léon Galipeau, notre père de Bacaillé dans la guerre des boutons, notre maître Jacques, notre cousin Gabriel, notre commissaire principal Grimaud, notre Papy râleur, etc.

 

 

300 films, courts métrages et téléfilms en 64 ans qui dit mieux ? Et pas avec n’importe qui. Voici quelques noms prestigieux, ce n’est pas exhaustif : Maurice de Canonge, Marcel Pagnol, Alex Joffé, Jacques Doniol-Valcroze, Marc Allégret, Michel Boisrond, Yves Robert , Gilles Grangier, Francis Blanche , Jean Girault, Michel Drach :, Bernard Borderie, Jean-Pierre Mocky , Jack Pinoteau , Robert Dhéry, Pierre Tchernia , Michel Audiard, Georges Lautner , Claude Zidi, Constantin Costa-Gavras, Jean Marbœuf, Pascal Thomas, André Cayatte, Édouard Molinaro, Sergio Gobbi, Yannick Bellon, Denys Granier-Deferre , Bertrand Blier , Alain Corneau, Roger Coggio, Jean-Marie Poiré , Jean Becker, pour la télé, Claude Barma, Philippe Ducrest, Georges Folgoas, René Lucot, Stellio Lorenzi , Marcel Cravenne et Louis Grospierre, Marcel Bluwal , Marcel Cravenne, Pierre Sabbagh, Pierre Mondy, Jean-Christophe Averty ; Claude Santelli , Gérard Pullicino, Laurent Baffie, Gilles Béhat, et tant de dizaine d’autres…

 

 

Mais pendant tout ce temps à raison de 5 films ou téléfilms en moyenne par an, Môssieu Galabru doublait des films, enregistrait des Pièces Audiophoniques (25), doublait des films d’animation (4) ou un jeu vidéo, mettait en scène au théâtre (8), écrivait des livres (8) et brulait les planches en jouant 93 pièces entre 1950 et 2014. Soit 138 et donc 2,15 trucs de plus par an.

 

Je vous pose la question Madame, Monsieur, Mademoiselle et tous les autres, si l’on ajoute les émissions de télé, de radio, les interviews des journaux quand dormait il ? Hein ? Quand ?

 

 

Sur sa tombe il fit inscrire: «Ici Antoine repose, il ne fit jamais autre chose.» Pensées, répliques et anecdotes (2006), Michel Galabru

 

 

Une carrière exemplaire, que peu, très peu, ne peuvent égaler et la disette côté reconnaissance : En France la « Profession » n’aime pas les « comiques »… des c….

 

Des Pangnâs, des beurdins…

 

Jugez-en, vous venez de vous rendre compte de l’immensité de sa carrière, et maintenant sous vos yeux attristés une liste famélique :

 

Au cinéma (plus de 200 films et court métrages, dont des chefs-d’œuvre) : Césars 1977 : César du meilleur acteur pour Le Juge et l’Assassin, Césars 1986 : juste une nomination au César du meilleur acteur dans un second rôle pour Subway, Césars 1991 : encore rien qu’une nomination au César du meilleur acteur dans un second rôle pour Uranus. Ce n’est très roboratif tout ça non ?

Au théâtre : (93 pièces et 8 mises en scène), 1er prix au Conservatoire national supérieur d’art dramatique en 1950, 2007 : prix Plaisir du théâtre, Molières 2008 : Molière du comédien pour Les Chaussettes-Opus 124, 2011 : prix du Brigadier pour l’ensemble de sa carrière.

 

 

Et au niveau politique : 2011 : médaille de vermeil de la Ville de Paris pour l’ensemble de sa carrière, 2013 : grand-officier de l’Ordre national du Mérite, 2013 : médaille de la ville de Chablis

 

 

A la télé, genre 7 d’or ou autres couillonneries, nada, niente, niet, nein. (Au moins 90 téléfilms et autres tout de même)

Il aurait élevé des poules ou des lapins il aurait eu dix fois plus de médailles et de coupes…

 

 

Galabru est un monstre sacré au sacré caractère et au timbre reconnaissable et tant imité, il faut qu’il reste comme ça dans nos têtes. Pour le reste il y a Internet, les rediffusions, l’INA, les DVD et Blue ray, etc… Même s’il n’a pas tourné que des chefs-d’œuvre, loin de là, il n’y a rien à jeter chez lui…

 

 

En même temps même si l’on n’est pas people, people, ça nous fait encore un gros trou au cœur dans cette année si fertile en deuils.

 

 

A Montceau pour l’instant nous avons la chance de disposer de son ancienne péniche théâtre.

 

 

Gilles Desnoix

 

calabru 0601162

 

 

 

 

 



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Un commentaire sur “Un vrai génie et un faux paresseux”

  1. moijedisca dit :

    comme d’habitude, l’excellent Gilles Desnois , nous fait une démonstration de la façon d’employer sa plume pour décrire un fait, un personnage ou autre , un régal à chaque fois