Le Plessis et les tisseurs de liens
Une balade contée d’un grand intérêt.
Il y a des initiatives qu’il serait criminel de passer sous silence. Dans notre société individualiste qui agite les concepts du vivre ensemble et de mixité sociale en prenant souvent les décisions qui rendent impossible leur mise en œuvre, vouloir enfin donner les conditions du tissage social mérite que l’on en parle haut et fort.
La CUCM et son volet Politique de la Ville lance un projet global ambitieux intitulé « Tisseurs de liens ». Le référent politique de la ville Pierre Suchet, qui est en même temps coordonnateur du réseau d’éducation prioritaire s’est perché sur un banc en pierre pour, tel un héraut, haranguer la foule rassemblée devant lui, afin d’enclencher la marche en avant des « tisseurs de liens ».
Car aujourd’hui 29 janvier 2016 c’est l’acte 1 avec la « Balade en Histoires ». Parents d’élèves et anciens parents d’élèves, élèves et anciens élèves (dont Hervé Mazurek), enseignants et anciens enseignants, habitants, et tous montcelliens volontaires sont invités à remonter le temps lors d’une balade au cœur du quartier des rives du Plessis. Balade en histoires avec un S parce que d’un côté l’historien local Robert Chevrot., qu’il n’est plus nécessaire de présenter, va faire revivre les grandes heures de ce lieu et la conteuse Marie-France Marbach, dont il est superflu de rappeler le talent, va elle conter une histoire dont la morale ou les morales ne seront pas étrangères avec les visées du projet.
Vous allez dire : c’est bien beau tout ça, on nous met en appétit mais l’on ne nous dit pas ce qu’il y a au menu : « c’est quoi ce fameux projet ? »
Impatients que vous êtes, nous vous gâtons trop, si….
Il s’agit d’un projet participatif concernant le quartier des Rive du Plessis dont les objectifs généraux sont :
a) renforcer les relations entre les familles, les écoles et-collège du réseau d’éducation prioritaire pour aboutir à la création d’un réseau de parents « Tisseurs de liens ». Ces parents, ces « tisserands » référents auront pour mission d’accompagner, de rassurer les familles du quartier et d’être des relais en langues étrangères.
b) Créer chez les parents l’identité partenariale de l’école au travers de la culture pour leur permettre d’exprimer leurs potentialités et les conforter dans leur rôle de parents
c) établir des liens entre la cité, l’école et les familles.
Il s’agit de buts élevés, ambitieux, constructifs.
Mais, pourriez-vous dire : « ce sont des mots, comment cela va-t-il se traduire réellement dans la réalité quotidienne ? » Je reconnais bien là votre curiosité et votre pragmatisme naturels…
Pour vous répondre correctement il faut d’abord vous parler des partenaires.
D’abord Antipodes (ça vous met la tête à l’envers, non ?!?)
Sous la direction de son Président Géo Jourdain (un nom de fleuve mythique), cette structure basée à La Grande Bussière 71460 et officiellement intitulée « Espace international d’échanges culturels Antipodes » est une association loi 1901 sans but lucratif dont l’objectif est la promotion d’un dialogue entre les cultures basé sur l’imaginaire des peuples.
Antipodes est associée aux porteurs du projet Tisseurs de liens pour le volet culturel.
Et comme il est dit sur leur site : « La parole étant un vecteur nécessaire pour l’ouverture d’un dialogue et la création d’un réseau, Antipodes propose son appui pour l’échange entre les parents et les établissements scolaires du quartier du Plessis. La volonté est de créer des traces, des témoignages artistiques de la vie actuelle, passée et future du quartier en partant des souvenirs, du vécu et du quotidien des gens qui l’habitent. Des temps de rencontres, de formation, de création partagée, permettront aux participants du projet de rechercher, fabriquer, élaborer, construire ensemble… afin de valoriser leur cadre de vie et les cultures de leur quartier »
http://www.association-antipodes.fr/spip.php?rubrique1
Ensuite Labozero. Késako ? Labozero c’est du made in Montceau, Môssieu, c’est un collectif d’artistes et de techniciens passionnés par l’image et le son, au service de leurs projets comme des vôtres, Etc. Ils ont réalisé le court métrage « je suis candidat » actuellement en compétition…d’une Web série Francis et Gunther, etc….
Ces fondus enchainés du numérique vont suivre le travail mené tout au long de son déroulement, montera un document final permettant de garder une trace filmée du projet et qui deviendra une ressource pour les rencontres école-famille.
Pour finir, LUTILEA : une association de lutte contre l’illettrisme et pour l’accès à la langue et aux compétences de base. (cf. http://www.lutilea.fr/). Cette association mènera une action d’une grande utilité, d’où son nom, concernant le volet linguistique, 2 fois par semaine les lundis de 8h30 à 10h30 et les mardis de 13h30 à 15h00.
Rappelons que La plateforme LUTILEA a pour mission d’animer le partenariat local, de coordonner les initiatives locales, les offres de formation et les actions, de suivre leur mise en œuvre. Elle propose aux structures d’accueil, d’insertion, aux entreprises, à toute structure rencontrant des publics en difficultés d’accès à la langue et aux compétences de base.
Des actions de sensibilisation et de formation au repérage et à l’accompagnement vers la formation
Un appui, un soutien technique pour la mise en place d’actions de formation ou de mobilisation des publics
Pour en savoir plus sur les modalités et les lieux un seul n° de tel : 03 85 77 68 01, un seul courriel : i.saintpe@agire-cucm.fr
C’est du lourd, c’est du solide ce projet, et surtout c’est à l’usage des habitants du quartier. La communauté a mobilisé toutes ses forces dans la partie.
Et nous voilà, une bonne trentaine de personnes de tous âges, poussettes au milieu, qui suivons la conteuse Marie-France Marbach et l’historien local Robert Chevrot dans des pérégrinations historiques sur des terres qui il y a 160 ans appartenaient encore à Blanzy. Hervé Mazurek qui suit la balade d’un bout à l’autre peut se sentir chez lui, mais il n’entend pas revendiquer son territoire. Il fut élève au Plessis pendant 5 ans et il en garde de bons souvenirs, il y fut aussi conseiller pédagogique plus tard.
Ah nostalgie quand tu nous tiens.
Tout le monde est en cercle sur la pelouse entre les écoles et le lac du Plessis. Il a fallu progresser en faisant attention à toutes les « mines » semées par les chiens du quartier et non ramassées par leurs maîtres, ah les fripons !
Robert Chevrot remonte le temps pour nous et nous emmène au néolithique. Tout ce coin-là était une zone d’où l’on extrayait du gré gris pour faire les meules de meunier ou de rémouleur (euh, ils n’existaient pas puisqu’on n’avait pas encore inventé le fer). Et notre Robert revenant d’un voyage instantané dans ses temps lointains (téléportation ou préparation ?) nous sort de ses poches des pierres taillées datant de cette époque « attention ce sont des haches, ne les perdez pas elles ont une valeur inestimable ». Les gamins à qui l’on passe ces bouts de pierre lisses regardent ça dubitatifs, ils se voient mal fendre du bois avec –surtout dans nos temps de chauffage central- ou fracasser la tête d’un cowboy avec – ils ne connaissent même pas Cochise.). Ici, il y a longtemps, le lieu, un champ de plus de 300 mètres de long, s’appelait le champ du moulin. On y cultivait des céréales et nous dit Robert Chevrot il y avait, là-bas, là-bas, un moulin pour en moudre la farine.
« Ah ! » dit la foule qui regarde éperdument dans le sens indiqué. Tout ceci appartenait au seigneur qui avait son château là-haut sur la colline, vous le voyez. « Oh ! » dit la foule en se tordant le cou pour apercevoir le dit-château. En fait ce castel était au départ un simple donjon dans le genre de la tour du Bost avec un mur d’enceinte. On en trouve la trace dès 1250. Bien sûr il fut démoli, reconstruit, agrandi, remanié maintes fois depuis « ah Oui, quand même ! » Là où Robert Chevrot captive tout le monde c’est à propos du nom du lieu. Le plessis, en vieux François, cela désignait une technique de réalisation de « bouchures », de haies en français moderne. Prenez des arbres éloignés de quelques dizaines de pas le long des chemins. Etêtez les à 1,8 m, incisez les branches qui remontent pour les déployer à l’horizontale, puis au fil des saisons faites-les s’étendre en droite ligne jusqu’ace qu’elles se rencontrent, mariez les par la technique du plessage et vous obtiendrez un plessis. Des ramures viennent, se divisent et elles rendent totalement impénétrables les haies ou Bouchures en vrai Français du bassin minier. Et tout le monde d’étendre les bras et de se relier à l’autre pour bien montrer comment c’était.
Et Marie-France Marbach commence avec la première station de son conte qui mêle un seigneur qui se croyait tout permis, posait des énigmes et tuait ceux qui ne savaient pas réponde, un charbonnier qui avait 7 fils et 7 filles. Rappelons qu’à l’époque les charbonniers n’étaient pas mineurs mais fabriquait du charbon de bois le seul connu avant que l’on extrait la houille. Ceci dit le gars il était noir comme tout. Sur ses sept filles, six passaient leur temps à être dégoutées par l’aspect du père et à se pomponner, à se parfumer, pendant que la septième lavait les pieds du vieux et son linge. Nous rappelons que le n° vert pour les enfants abusés est le 119. Bref le seigneur pose une énigme costaude et donne huit jours à tous les manants pour trouver la réponse sinon des têtes vont tomber.
Je vous la fait courte, mais la fille file une bonne réponse à son vieux et le seigneur il en est scié. Il apprend que c’est la souillon qui lave les pâturins du vieux qui a découvert ça et je vous la donne Emile il se met en tête de l’épouser. Le fournisseur des barbecues demande un délai d’un an, le seigneur lui accorde, la fille est encore trop jeune. Ouf la morale est sauve.
On nous laisse sur notre faim et on se déplace un peu plus loin où l’on apprend que le lac du Plessis date de 1420. Il était plus petit et servait à la pèche pour le commerce. Bon…A l’époque on faisait carême et donc on mangeait beaucoup de poisson d’eau douce. En 1840 la digue du lac, qui s’est considérablement agrandi pour arriver à la surface actuelle, crève et les eaux inondent Montceau. Comme d’habitude lorsqu’il s’agit de grands travaux il faut attendre 1870 pour que la nouvelle digue en pierres soit construite. « Ah oui, d’accord ! »
Le lac du plessis est devenu très important dans le domaine festif pour la ville. S’y déroulaient des jeux d’eau, de joutes nautiques, on y tirait les feux d’artifice, on s’y baignait et on y faisait de la voile ou de la barque.
Le seigneur envoie ses messagers un an plus tard avec des cadeaux. Ces gougnafiers en gaulent une partie et les plus précieux en plus. Ils rencontrent l’intellectuelle de la famille qui les charge d’une énigme pour le seigneur. Quand les gars reviennent au palais ils racontent l’énigme au seigneur qui en reste tout tourneboulé et excité comme une puce quand il comprend qu’il a été doublé par ses messagers. Il ne les tue pas parce qu’il est plein trip amoureux, mais ce n’est pas passé loin. Du coup c’est décidé il va lui proposer la botte et lui passer la bague au doigt, dès qu’elle se sera lavé les mains.
L’assemblée se déplace jusqu’à l’arrière du Trait d’Union. Robert Chevrot ne se laisse pas distraire par les histoires de seigneur et de puinée intello. A grands gestes il retrace les chemins qui se croisaient dans ce lieu, un carrefour important entre le nord et le sud, l’est et l’ouest. Celui qui descendait en direction du lac s’appelait le chemin… du moulin, justement parce qu’il y avait le fameux moulin. Les gens regardent en direction de l’endroit où il ils ont regardé d’abord vers le moulin, puis dans la direction indiquée maintenant. Ça correspond « ah oui, c’est pareil ! »
Ce moulin nous dit notre historien, passionnant, et qui honnêtement passionne l’assemblée regroupée autour de lui (alors que plus bas des autoradios rythment à tue-tête une autre vie de quartier), ce moulin donc ne broyait pas que des céréales pour faire de la farine, mais il mouvait aussi une scie de long pour débiter planches et madrier, il servait au foulage des étoffes et donc au feutrage, ainsi de suite. De plus il avait deux fonctions sociales importantes. Il disposait d’un débit de boissons et c’était un lieu prisé de rencontre. Mais encore et plus il accueillait la justice du seigneur qui y rendait ses jugements. « Tu te rends compte, dis donc ! »
Il parle aussi de la minoterie installée par les Chagots là où se trouve le Géant Casino.
Jusque dans les années 30 en ces lieux, là où se trouvent le trait d’union et la station-service, le lycée, s’élevait un tissage important où travaillaient les femmes des mineurs. En 1936 et jusqu’à la guerre, alors qu’il était désaffecté, il accueillit des centaines et des centaines de réfugiés républicains espagnols.
En fait ça ne dit pas grand-chose à grand monde mais ça fait écho à ce qui se passe actuellement, alors on suit du regard la direction montrée par l’historien.
C’est Henri Parriat qui les accueillit ces pauvres ères qui fuyaient en famille les foudres franquistes. L’histoire se répète dramatiquement sans que nous semblions en tirer les leçons.
Retour école Jacques Prévert dans la cour arrière. Le seigneur se marie avec la péronnelle, mais, attention il met une condition : « si jamais la parole de ma femme dépasse la mienne, elle devra quitter immédiatement le palais. » L’autre, vous croyez qu’elle se serait calmée, que nenni, il a fallu qu’elle l’ouvre, je vous passe les péripéties, mais c’est dehors et fissa, mais avec ce qu’elle avait de plus cher sur terre.… Bon elle obtient quand même de lui faire un repas d’adieu au cours duquel il prend une biture à tomber dans le coma éthylique. Sa meuf le file dans une grosse malle en osier et direct dans sa pouponnière.
Deux boites de paracétamol plus loin le seigneur se réveille et après les explications de sa moitié, alors qu’il voit encore double, il comprend qu’il est pour elle ce qu’elle a de plus cher et que de toute façon il ne pourra pas s’en débarrasser. Alors retour au palais, je ne vous dis pas les frais de déménagement.
Du coup ils disent la justice à tour de rôle et cette dernière serait depuis devenue équilibrée… C’est un conte en même temps.
Nous vous avons épargné les énigmes, et il y en a eu, que Marie-France Marbach a posé tout le long, (et qu’il fallait se les rappeler et tout ça) pour ne pas déflorer ses prochaines prestations. Mais ce fut hyper intéressant tout comme la prestation de Robert Chevrot.
Pour compléter : une autre invitation… Jeudi 18 février 2016 – « Fête du pain / Faites votre pain » – Préparez votre pâte à pain et venez tous pour une cuisson de pain festive et collective de 17h00 à 20h00 au City stade du Plessis.
En attendant et pour en revenir au projet des tisseurs de liens, ne restez pas ligotés dans vos habitudes et votre quant-à-soi, raccommodez la trame du tissu social avec les habitants et institutions du quartier.
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Gilles Desnoix