Autres journaux



jeudi 31 décembre 2015 à 06:52

Pour finir l’année, on cumule ou non ?

Le fameux débat sur le cumul des mandats électifs



Dans la série « ça me sort par les trous de nez », ou « par les yeux », ou « ça commence à me fatiguer », le débat en boucle sur le cumul des mandats occupe une place de choix.

 

 

Dans les allées d’un grand hyper du bricolage… oui, oui, oui, dans les allées d’un grand hyper du bricolage, deux femmes, dont les maris essaient d’expliquer à une responsable de rayon ce qu’ils cherchent à renfort de grands gestes étranges, discutent entre elles de ces « cumulards » qui sont là depuis quarante ans. « Vous vous rendez compte, ils gagnent jusqu’à 50 000€ par mois » dit l’une à l’autre qui se récrie horrifiée « mon dieu c’est-y- pas possible, Mon dieu ». Enfin presque ça, comme du volapuk traduit en espéranto.

 

 

J’ai failli lâcher mon sachet de rondelle grower et d’écrous de 6, « 50 000€ par mois » ? Cré milliard de lougarou… Ce n’est pas une paille ça… et en même temps ceci expliquerait peut être cela.

 

 

Dans le bus qui me ramène deux mémés, entre des dissertations sur les qualités comparées des succulentes buches de Noel de chez Jeannot, n’arrêtent pas de râler contre la fuite des prix qui est forcément la conséquence logique de la hausse de la recrudescence, de la stagnation de l’augmentation figée des retraites et donc de l’aggravation, même en baisse, du chômage. Et tout ça, ma brave dame, à cause « qu’y a » des politiques qui s’en foutent plein les poches puisqu’ils cumulent les mandats comme la nièce Madeleine les boites de camembert. « c’est y pas possible ! » …Chez Nougaro les mémés aiment la castagne, à Montceau elles aiment la politique.

 

Rentré à la maison, je me suis penché sur le problème sans tomber dedans. On ne cesse de nous bassiner avec le cumul, le non cumul, et c’est fait, et ce n’est pas fait, et c’est pour bientôt, et c’est pour la prochaine fois. Moi j’aime bien savoir. Pas vous ?

 

 

Donc c’est quoi cette histoire de cumul, qu’est-ce que ça recouvre, en quoi c’est aussi prégnant, et en quoi cela menace la démocratie, voire la république ?

 

 

Vous connaissez l’expression « la bouteille à l’encre ? » et bien c’est ça « du à boire et à manger » enveloppé dans un brouillard où même les sourds ne voient rien.

 

 

D’abord qu’est-ce que ça recouvre cette notion de cumul ? C’est exercer plusieurs fonctions politiques simultanément. D’accord mais à quel niveau ? Européen, national, régional, local ?

 

 

La loi actuelle est claire : Un élu ne peut détenir qu’un seul mandat parlementaire national à la fois (sénateur, député, député européen). Et l’on ne peut être candidat qu’à un seul endroit à la fois.

 

Ce ne fut pas toujours le cas en France. Souvenons-nous de Badinguet, nom d’emprunt du futur Napoléon III, qui fut élu député dans 4 département en 1846, puis dans 5 en 1848.

 

 

Donc pas de cumul sur ce niveau. Mais peut-on cumuler avec d’autres niveaux ?

 

Tout le monde connaît au moins le nom d’un député-Maire ou d’un sénateur-Maire.

 

 

Un député ou un sénateur peut exercer des mandats locaux, comme député et conseiller régional, sénateur et conseiller départemental, député et conseiller municipal… Mais cela ne date pas de maintenant, on a l’impression que l’on vient de découvrir l’Amérique, mais en fait la loi date de l’an1985, puis de 2000, puis de 2003.

 

(Loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux et par la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions d’exercice, loi n° 2003-327 du 11 avril 2003).

 

Les statuts du Parti Socialiste comportent cette disposition depuis l’année 2010. Il avait même été prévu par Martine Aubry que le délai définitif était le 1er octobre 2012. Chacun a pu se rendre compte de l’efficacité d’une telle mesure que les autres partis n’ont pas entendu prendre.

 

 

C’est en novembre 2012 que la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique que préside Lionel Jospin, inscrit dans ses travaux l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire et d’une fonction exécutive locale, ainsi que le cumul d’une fonction ministérielle et l’exercice de toute fonction locale (mandat exécutif et mandat simple).

Mais qu’en est-il des mandats d’un même niveau ?

 

 

Les fonctions de président de conseil régional, président du conseil exécutif de Corse, président de conseil départemental, maire (d’une des 36000 communes françaises), maire d’arrondissement sont strictement incompatibles entre elles. L’incompatibilité entre fonctions de chef d’exécutif local est automatique puisqu’elle prend effet dès l’élection qui place l’élu en situation de cumul, sans délai d’option.

 

Donc il ne peut y avoir cumul à ce niveau-là puisqu’il y a incompatibilité. Résumons :

 

 

Un conseiller municipal ne peut détenir qu’un seul autre des mandats locaux suivants : conseiller régional, conseiller général. (Art. L. 46-1).

 

Par ailleurs, le mandat de député, de sénateur ou de député européen ne peut être cumulé avec plus d’un des mandats local : conseiller municipal d’une commune d’au moins 1 000 habitants, conseiller général, conseiller régional, (art. L.O. 141, art. 6-3 de la loi du 7 juillet 1977).

 

Très important, ces règles de non-cumul ne visent pas le mandat de conseiller communautaire. L’intercommunalité n’est pas visée dans les règles de cumul actuelles.

 

 

La loi votée le 14 février 2014 par le parlement s’appliquera à partir de 2017 et 2019, alors les parlementaires ne pourront plus être maires, adjoints, présidents ou vice-présidents d’intercommunalité, de conseil départemental, de conseil régional ou d’un syndicat mixte.

 

Un nouvel article du Code électoral interdit le cumul d’un mandat parlementaire avec les fonctions de président et de vice-président du conseil d’administration d’un établissement public local, du conseil d’administration ou de surveillance d’une SEM, d’une SPL ou d’une SPLA, ainsi que d’un organisme d’habitations à loyer modéré.

 

 

Les parlementaires pourront en revanche continuer à être conseillers municipaux, départementaux ou régionaux.

Les élus devront obligatoirement exercer leur dernier mandat en date. Cela sera valable également pour les élections européennes, qui ont fait l’objet d’une loi ordinaire, à partir de 2019.

 

Lors de la démission d’un député ou d’un sénateur pour cause de cumul, il ne sera plus organisé une élection partielle car le suppléant remplacera automatiquement de démissionnaire.

 

 

Mais attention, le non cumul ne porte pas sur l’ensemble des autres organismes associatifs ou non, conseil d’administration des hôpitaux et tout le toutim. Il ne s’agit pas là de mandats électoraux. De même ne sont pas concernés les représentations des conseils municipaux dans des organismes satellites ou autres.

 

 

Ceci étant dit, il faut arrêter de fantasmer sur ce que les élus gagnent en cumulant… nous sommes loin des 50 000€ avancés… La loi est claire… les indemnités des cumuls autorisés sont plafonnées à 1,5 fois le montant des indemnités de base, soit :

 

16 331 euros brut par mois pour les membres du gouvernement
8 272 euros brut par mois pour les sénateurs
8 231 euros brut par mois pour les députés et les autres élus

 

 

Mais dans ces plafonds seule l’indemnité de base est prise en compte; l’indemnité de résidence (3% de l’indemnité de base), l’indemnité de fonction (25%) et l’indemnité représentative de frais de mandat n’entrent pas dans le calcul.

D’autre part, les revenus versés aux élus par les communautés territoriales et les syndicats intercommunaux n’entrent pas dans le calcul de ces plafonds.

 

Quoi qu’il en soit on est loin des sommes souvent évoquées, même si cela fait au minimum 6 SMIC ou 16 RSA, alors forcément.

 

Je sais comparaison n’est pas raison…

 

 

Dans le même temps les Français sont râleurs, ils ont tendance à être tous marseillais et un élu fait le printemps comme un arbre cache.la forêt. Est-ce que tous nos élus sont cumulards ?

 

 

Au Sénat 84% des Sénateurs ont au moins un mandat local

 

A l’assemblée nationale 86%

 

Ah oui, quand même. Mais qu’en est-il ailleurs ? Nous ne sommes quand même pas les seuls ?
Des statistiques officielles laissent pantois… pas toi ?

 

USA 0%, GD Royaume uni 3%, Italie 7%, Espagne 20%, Merkeland, pardon Allemagne 24%, Suède 35%.

 

On est les champions, on est les champions « et un et deux et trois zéro »

 

 

En même temps il faut raison garder. La France est un pays pâtissier qui a produit un mille feuilles que personne d’autre dans le monde n’aurait pu faire.

 

 

Le nombre de communes françaises est équivalent à celui des communes réunies des pays suivants : Allemagne, Royaume uni, Espagne, Grèce, Belgique, Italie, Portugal, Pologne.

 

 

En même temps l’organisation administrative française comprend des strates qui n’existent nulle part ailleurs et multiplient donc les mandats locaux, donc les responsabilités, donc les indemnités, mais aussi ne l’oublions pas un maillage territorial et thématique plus dense, plus proche de l’habitant.

 

 

Et puis le non cumul ne va pas diminuer le nombre de mandat mais simplement augmenter le nombre des élus, et comme il n’y aura plus autant de plafonnement des indemnités cela va coûter plus cher. Il faut en être conscient.

 

 

Comme toujours il y a les « pour » le non cumul et les « contre ». Les premiers disent que le cumul empêche de mener à bien les missions confiées aux exécutifs des régions, département, métropoles, etc. Ils ajoutent les possibles conflits d’intérêts et le non-respect de la séparation des pouvoirs pour les parlementaires, puisque celui qui fait la loi ne peut être celui qui est chargé de son exécution. Autres arguments invoqués : absentéisme, non renouvellement du personnel politique, constitution de « baronnies », absence de pertinence du fait des modes de scrutin de l’argument d’absence de contact avec les territoires en cas de non-cumul, etc.

 

 

Pour les tenants du cumul, bien sur tous les arguments précédents sont nuls et non avenus… mais ils se drapent dans la tradition séculaire de l’état centralisateur qui voudrait que le parlementaire soit aussi un élu de terrain, qu’un Sénateur élu par les grands électeurs locaux ne peut être que l’un des leurs, et surtout, ô oui, surtout au nom de la liberté du vote, ils estiment que si les électeurs ne voulaient pas du cumul des mandats, ils ne rééliraient pas régulièrement des parlementaires à des mandats locaux et inversement. Bon alors, hein ?

 

 

En même temps si l’on augmente le nombre d’élus, on ne fera pas forcément du neuf, enfin du vrai neuf…

 

Pourquoi ? Parce que dans les appareils des partis, au sein des cohortes d’apparatchiks, des attachés parlementaires et des foules de directeurs et de collaborateurs de cabinets divers il y a du monde qui patiente et fourbit ses armes.

 

 

Le non-cumul à lui seul ne peut contrer l’existence d’une « oligarchie », il lui faut l’autre partie du tandem : le mandat unique, l’impossibilité d’exercer deux fois le même mandat.

 

Et même cela n’empêchera pas les sauts de puces d’un type de mandat à l’autre, la mise en place de carrières à géométrie variable mais à longue durée.

 

 

Mais pour l’instant c’est ainsi sous la 5ème république…

 

 

Gilles Desnoix

 

 

 

gilles 3112152

 

 

gilles 3112153

 

 

 

 

 



Laisser un commentaire

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.


» Se connecter / S'enregistrer




Un commentaire sur “Pour finir l’année, on cumule ou non ?”

  1. montcellienbis dit :

    Belle leçon républicaine , mais cela n’empêchera pas nos chers , très chers politique de continuer à cumuler..
    jcrey