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vendredi 20 juillet 2018 à 06:27

Justice – Cambriolage de l’IME de Saint-Vallier

... les auteurs devant "leurs" juges !



 

 
 

 

 

Au départ, ils avaient « faim ». Et puis ça a « dérapé ». Cinq gamins dont trois mineurs ont pillé mais aussi dévasté l’IME de Saint-Vallier, en juin dernier, en y retournant plusieurs fois. Les deux jeunes majeurs ont été jugés ce jeudi 19 juillet selon la procédure de comparution immédiate.

Deux jeunes aux enfances pas faciles. Deux jeunes qui furent placés, dont l’un dans ce même IME justement, il y fut interne de ses 12 à 17 ans. Du reste le personnel avait des soupçons qui ont orienté les enquêteurs. La perquisition à son domicile fut positive, le reste est venu comme on tire sur un fil, les garçons reconnaissent les faits. Les 3 mineurs seront jugés par un tribunal pour enfant. 

 

Pourquoi avaient-ils faim ? Le plus âgé, l’instigateur des expéditions à l’IME, 21 ans, vit sous un régime de protection, curatelle renforcée. Il perçoit l’allocation pour adultes handicapés et fume du cannabis depuis longtemps, 6 à 7 joints par jour. Il ne gère pas son argent lui-même, pour la drogue, il se débrouille. En juin dernier il hébergeait un copain, né, lui, en février 1999, qui attendait une place dans un foyer de jeunes travailleurs. On ne rentre pas dans les détails de leurs histoires respectives, elles peinent. Autant de chaos, si petit, c’est dur, autant de carences affectives, c’est injuste. Les parents existent, défaillants pour des raisons différentes, tout de même la mère du plus âgé et le père du plus jeune sont à l’audience.

 

 

43 000 euros de préjudice

 

 

Fin mai et en juin dernier ils ont donc voulu voler de la nourriture, et le plus âgé s’est tourné vers sa « maison », l’IME. A cinq, ils y sont retournés cinq fois. Portes fracturées voire brisées, papiers et dossiers jetés au sol, ils ont volé certes des denrées alimentaires mais pas seulement : deux ordinateurs portables, de l’argent dans un coffre, de l’argent dans les portes monnaie des jeunes pensionnaires, une télévision, des gants de boxe, un ballon de foot, cinq vélos, … 43 000 euros de préjudice, c’est considérable. Et puis ils s’en sont pris à une institution mais à travers elle aux enfants dont elle a la charge, ils s’en sont pris à leurs semblables leur dira le tribunal, et c’est « répugnant », « aucun respect » pour les petits et jeunes dont l’IME s’occupe. 

 

Le cerveau du groupe a été placé en détention provisoire, l’autre sous contrôle judiciaire, il est retourné vivre chez son père, dans un autre coin du département. Ont-ils fait des excuses ? Non. Comment pensent-ils payer les dégâts ? Ils n’y ont pas pensé.

 

 

Le procureur les coince à l’endroit de leurs responsabilités

 

 

Le procureur de la République, Damien Savarzeix, va les secouer, en les prenant là où ils ne s’y attendent pas. Habitués à être à la fois encadrés par des institutions, et en même temps délaissés puisque les institutions, aussi efficaces et aidantes soient-elles, ne sauraient faire office de papa et de maman, ces deux garçons sont bien embêtés d’avoir été arrêtés mais doivent se dire qu’une fois la sanction tombée, leurs vies reprendront leurs cours, et avec les aides de tous les dispositifs possibles (cela n’est pas un reproche, on ne grandit pas sans y être aidé, ndla). Le procureur les coince à l’endroit de leurs responsabilités, et, à en juger par la mine de celui qui est dans le box, c’est une surprise, quant à l’autre, il garde la tête baissée. L’un comme l’autre a dit des bricoles plutôt convenues : « c’est bon j’ai compris, je viens de me taper un mois de prison, alors…  – Alors on ne vous demande pas de comprendre, on vous demande de payer (les préjudices), rétorque le procureur. » Stupeur. Il ne suffit plus de faire « amende honorable » comme on dit, et puis de continuer à vivoter avec trois sous et des plans B illégaux : il s’agit de faire face, et d’affronter les conséquences de ses actes.

 

 

 

Considère-t-on que devenir un homme c’est être capable de répondre de ses actes ?

 

 

Le plus jeune, briefé par son avocate, et/ou par ses copains délinquants, n’a pas manqué de mettre en avant : « Je n’ai pas de casier, je suis inconnu des services de police. – Ah ? Et vous croyez que vous allez vous en sortir comme ça ? Vu la gravité des faits ? » Damien Savarzeix a divisé les 43 000 euros par le nombre de co-auteurs et somme les deux prévenus majeurs d’expliquer comment ils vont payer. Ils en restent scotchés, d’être ainsi enjoints à prendre des truelles pour travailler à réparer non seulement les dégâts mais finalement leurs propres vies. L’injustice viendrait-elle doubler l’injustice, ou considère-t-on que devenir un homme c’est être capable de répondre de ses actes, quitte à les réparer quand il le faut ? Le procureur parle de prison, de prison ferme, de travailler en prison et de donner l’argent à l’IME. Au pied du mur, durement confrontés, les garçons sont mal à l’aise, car le parquet est concret, très concret.

 

 

« Fragilités psychologiques », souffrances, manque d’amour

 

 

« Derrière chaque vol que vous commettez, quelqu’un souffre. Si vous ne le comprenez pas aujourd’hui, vous vous préparez une jeunesse très difficile. » Au crédit des deux jeunes : ils ont reconnu leurs responsabilités, leur reste à apprendre à les prendre en main, à les assumer. Le procureur requiert des peines d’1 an intégralement assorti d’un SME contre le plus jeune (« et si vous ne payez pas, je ferai une requête en révocation »), et 18 mois dont 12 assorti d’un SME contre le plus âgé (poursuivi aussi pour acquisition et usage de stupéfiants). Après le coup de latte, comme chantait Bashung, le baiser : maître Sarah Bouflija et maître Guignard plaident. Ils plaident la difficulté à devenir adulte quand on a de telles « fragilités psychologiques », la difficulté à accepter la mise sous curatelle quand on n’a que 19 ans, ils plaident la souffrance à vivre avec de tels sentiments d’abandon, la souffrance du manque d’amour, la souffrance d’être SDF à 17 ans (pour le plus âgé dont le père, victime d’un AVC, est en hôpital de long séjour, son fils y a passé toute la journée de la fête des pères – le gamin n’avait plus où dormir quand son père a sombré).

 

 

Payer, et avancer

 

 

Les avocats remettent en perspective les possibilités pour chacun de s’en sortir, tout en indemnisant, en avançant sur des voies professionnelles, ils en ont tous eux les capacités. Le tribunal reconnaît les deux garçons coupables. Le plus jeune est condamné à 10 mois de prison assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. Le plus âgé est maintenu en détention : 4 mois de prison ferme et 10 mois de prison assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. Pour les deux : obligation de travailler ou de se former, obligation d’indemniser, interdiction de paraître à l’IME et interdiction de contact avec les co-auteurs. Obligation de soins pour le plus âgé (addiction au cannabis).

 

Renvoi sur intérêt civil en novembre prochain : ils seront à nouveau confrontés à la réalité, et d’ici là auront peut-être avancé.

 

 

L’ancien pensionnaire de l’IME va passer l’été en prison. Il a « mordu la main qui l’a nourri », lui reprochait le parquet. C’est vrai, répondit son avocat, mais il a aussi fait tatouer son manque et son chagrin sur sa peau : « papa, maman ».

 

 

 

 

FSA

 

Pour mémoire : 

 

 

 

https://montceau-news.com/faits_divers/471185-faits-divers-lime-de-saint-vallier-cambriole-cette-nuit.html

 

 

tribunal 2208172



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