Les taxes et le sentiment d’être méprisé par le pouvoir ferments des révoltes paysannes
De la guerre de cent ans à nos jours
Il s’agit là juste d’une chronologie historique qui ne prétend pas être exhaustive et qui aimerait bien être complète. Nous sommes remontés à la Grande Jacquerie de Jacques Bonhomme.
1358 Grande Jacquerie contre les nobles et le régime seigneurial derrière Jacques Bonhomme. Le 21 mai 1358 à Saint-Leu-d’Esserent, une dizaine de paysans croise la route de percepteurs envoyés collecter l’impôt par le seigneur local pour assurer la défense de son château. Plus d’impôts sur les revenus car les gens du fisc local ne sont jamais revenus puisqu’ils ont été massacrés, que le château a été incendié. Pas de fumée sans feu, ça a donc donné le signal d’une flambée de violence à travers l’Oise et les campagnes de Picardie, de Champagne et d’Île-de-France. Les châteaux sont pris d’assaut et brûlés. Les nobles sont lynchés, leurs femmes violées et leurs enfants tués. Maintenant on se contente de faire brûler des pneus, de répandre du fumier, d’asperger de lisier. La tentation incendiaire existe bien toujours, on brûle des véhicules de police ou gendarmerie, des préfectures, des agences de la MSA, mais grosso modo on est plus pacifiques et on ne sort plus les armes comme ce fut le cas à certaines périodes, on le verra ci-dessous.
9 juin 1907, à Montpellier, entre 600 et 800 000 personnes sont venues soutenir les vignerons en grève. Victimes de la surproduction, des fraudes et des importations (Espagne, Italie, Algérie), les vignerons manifestent. Depuis mars 1907, Marcelin Albert, petit propriétaire et cafetier, et Ernest Ferroul maire de Narbonne, multiplient les revendications et coordonnent les manifestations. Le mouvement demeure pacifique jusqu’à ce que le gouvernement décide d’envoyer l’armée et d’emprisonner une grande partie des dirigeants de la révolte. A Narbonne pour protéger le commissaire de police qui avait arrête le Maire et sur les ordres du policier l’armée tire sur la foule : 6 morts plus d’une trentaine de blessés. A Perpignan la foule en colère saccage la préfecture. A Béziers le 21 juin, le 17ème régiment d’infanterie de ligne originaire de la région, se mutine, met la crosse en l’air et fraternise avec les manifestants. Clemenceau agira traîtreusement et odieusement avec Marcelin Albert.
1911, les vignerons de l’Aube déclenchent un mouvement semblable à celui de 1907 en utilisant les mêmes modes d’action et les slogans.
1930, les Chemises vertes de Henry Dorgères radicalisent une partie du monde paysan. L’inspiration de Dorgères est fascisante, c’est lui qui lance les comités de défense paysanne prônant la défense du niveau de vie des paysans. Les chemises vertes ne représentent pas un poids très important. Mais il aura le soutien de l’Union nationale des syndicats agricoles (UNSA), à l’époque l’une des principales organisations de défense du monde paysan.
1933, la prise de la préfecture de Chartres par le Parti agraire, les paysans révoltés exigent du Préfet qu’il appelle le ministre de l’Intérieur pour lui faire part de leurs revendications. En 1946 Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricole (FNSEA) effacera le Parti Agraire.
1938, dans le Finistère « grève des petits pois »
1950/1967, manifestations d’agriculteurs. Grande époque des barrages routiers., sabotages de poteaux électriques ou destructions de denrées.
Guerre des artichauts, crise de la pomme de terre, la France est en pleine transformation du modèle agricole.
1971, manifestations contre la politique agricole commune (PAC) européenne.
1973, En janvier, inauguration d’un nouveau mode d’action : les paysans du Larzac montent à Paris avec leurs tracteurs. Leurs revendications :refus de l’extension du camp militaire, mais aussi le besoin de reconnaissance, de respect et d’améliorations de leurs conditions de vie.
1976, manifestation de protestation de nouveau contre la politique agricole commune (PAC) européenne à Montredon. Deux morts, un paysan et un officier de gendarmerie tués dans un échange de coups de feu.
1982, Édith Cresson, séquestrée et visée par des œufs. Sa nomination comme ministre de l’agriculture a été considérée comme une provocation et une marque de mépris par la FNSEA et le monde agricole.
1989, Des tracteurs envahissent la place de la nation à Paris, courant de l’été avait eu lieu une « nuit de la détresse »
1990, La Moisson des Champs-Élysées. Le 24juin le Centre national des jeunes agriculteurs, ayant recouvert l’avenue d’un hectare et demi de blé mûr le fait moissonner par des moissonneuses batteuses. Succès public et polémique sur le coût et les sponsors !,
Un an auparavant pourtant, les tracteurs convergeaient vers Paris et atteignaient la place de la Nation dans une ambiance bon-enfant après des actions musclées lors d’une «nuit de la détresse« dans le courant de l’été. Car les dirigeants syndicaux ont pris conscience de l’effet négatif des débordements de violence et cherchent à inventer un autre modèle, plus positif. Comme ce 23 juin 1990 où le Centre National des Jeunes Agriculteurs (CNJA), aujourd’hui Jeunes Agriculteurs (JA), transforme les Champs-Élysées en un immense champ de blé. Un événement qui rappelle l’inventivité joyeuse et pacifiste des protestataires du plateau du Larzac dans les années 70. Telles ces brebis peinturlurées du slogan «Nous sauverons le Larzac» broutant les pelouses du Champ-de-Mars à Paris ou cet essaim d’abeilles lâché en plein bal des officiers à La Cavalerie.
8 février 1999, saccage et dégâts dans le bureau de Dominique Voynet, les prévenus disent à leur procès : «du désordre et du chambardement»
1999, Démontage du McDo de Millau par José Bové et ses collègues de la Confédération paysanne.
2009, plusieurs milliers d’éleveurs français enclenchent une grève européenne du lait. L’Association des producteurs de lait indépendants (Apli) proteste contre la baisse depuis un an des cours du lait et elle remet en cause le système syndical chargé de représenter la base des agriculteurs. Elle accuse même la FNSEA de trahison.
2012, suite à une étude menée en collaboration avec Santé publique France (SPF) qui amis en exergue une surmortalité des exploitants agricoles en activité par rapport à la population générale, entre 2008 et 2010, la Mutualité sociale agricole s’engage depuis à évaluer la mortalité par suicide de l’ensemble de sa population
8 mars 2014, États généraux de Bretagne à Morlaix, l’agroalimentaire et les paysans se joignent au collectif « Vivre, décider, travailler en Bretagne » avec les 60 comités locaux des Bonnets rouges. Au départ crise de l’écotaxe.
2016, vive prise à parti de François Hollande au Salon de l’Agriculture. Crise de l’élevage dans l’Ouest de la France. 2016 année noire, Crise du lait, de la viande, mauvaises récoltes. Crise des revenus agricoles « 50 % des agriculteurs recevront moins de 350 euros par mois », Stéphane Le Foll
Octobre 2019, « agribashing », la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles et les Jeunes Agriculteurs organisent des manifestations devant les préfectures pour protester contre cet état d’esprit qui fait de l’agriculteur un bouc émissaire.
2019/2020, pandémie de Covid, et mauvaises conditions météorologiques font baisser à la fois la production et la richesse produite, moins 8,4%
2021, « La Bio à Poil », agriculteurs biologiques se photographient nus dans leurs champs pour protester contre une définition des pratiques agroécologiques ambiguës.
2022, année noire pour l’agriculture. Retour de la chine dans l’économie mondiale, Guerre en Ukraine, aléas climatiques sévères, épizootie de grippe aviaire, Inflation, pénurie de matières premières et d’engrais, problèmes de main-d’œuvre. Ça préparait bien 2023 et janvier 2024-01-29
Novembre 2023, manifestations en Lorraine pour dénoncer les contraintes subies par la profession .dans le cadre de la semaine nationale de mobilisation en France, depuis le 20 novembre, organisée par des représentants de la profession agricole. Crise de la noix, crise de la filière viti-vinicole, l’agriculture biologique, grand oublié du « quoi qu’il en coûte »
Janvier 2024, ce que l’on vit actuellement.
Pour conclure on peut citer Ernest Ferroul, maire de Narbonne en 1907 répondant à l’ultimatum de Clemenceau : « Monsieur Clemenceau, depuis le commencement de nos manifestations, nous a considérés comme de grands enfants, bons garçons, mais inconscients de leurs actes. Il est de ceux qui pensent que dans le Midi tout finit par des chansons ou des farandoles. Il se trompe grandement, il ne nous connait pas»
Gilles Desnoix