Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire
"DERMATOSE NODULAIRE CONTAGIEUSE BOVINE : entre émotion légitime et responsabilité collective"
Communiqué :
« Nos campagnes vivent le doute depuis quelques semaines, partagées entre les informations officielles et les réseaux sociaux, entre les informations et les intox, entre la réalité de la nature et l’idéal que nous souhaiterions tous. L’histoire, que nos anciens nous rappellent, doit nous apprendre à faire la part des choses entre la gestion de l’émotion et la nécessité d’enrayer un virus destructeur avec les connaissances scientifiques du moment. Il nous semble nécessaire de synthétiser le contexte de la gestion de la DNC afin de mieux comprendre les décisions prises par l’État sur ce sujet. La DNC est classée maladie de catégorie A, tant au niveau européen qu’au niveau mondial. Un déclassement ne peut donc intervenir rapidement, alors même qu’il y a urgence à agir.
Ce classement permet, par ailleurs, l’indemnisation rapide – et, semble-t-il, équitable – des éleveurs afin de reconstituer leur troupeau. Y renoncer reviendrait à laisser les éleveurs seuls, face aux pertes engendrées par la maladie. La DNC, c’est 10 % de mortalité et 40 % de morbidité, elle ne se soigne pas. À l’échelle d’un élevage comme à celle d’un pays, cela représenterait une crise morale et économique majeure. Ne pas agir contre le virus ferait également perdre la confiance des autres pays et isolerait l’élevage français : plus d’échanges commerciaux d’animaux, de lait ou de fromages au lait cru, de semences ou de génétique. Même en France, l’exemple de la Manche où les organisations professionnelles et tous les syndicats agricoles ont appelé leurs éleveurs à ne plus acheter d’animaux dans les départements concernés par la maladie, il y a besoin de rassurer. Et si l’on faisait autrement ? L’abattage sélectif ?
Malheureusement, le virus n’est visible par l’éleveur que sur les animaux malades. Or, il est également transmis par des animaux dits « porteurs sains », sans symptômes et qui, silencieusement, continuent de propager la maladie. Aujourd’hui, les tests existants sont fiables uniquement sur les animaux malades et non sur les porteurs sains. Quant à la propagation constatée, dans l’attente des résultats définitifs des enquêtes épidémiologiques que l’on réclame depuis plusieurs mois, elle semble liée à quelques mouvements d’animaux dissimulés. C’est irresponsable pour ses collègues, pour ses voisins.
Le plus difficile est de prendre conscience du risque tant que l’on n’a pas subi les ravages de ce virus. Il est une douleur immense pour tout éleveur de perdre ses animaux, et ces décisions ne sont faciles pour personne, il est donc primordial de limiter au maximum le nombre de cas. Nous avons besoin des Groupements de Défense Sanitaire pour apporter des éléments techniques et scientifiques avec le regard d’éleveur et d’intérêt collectif. Être à l’écoute des préoccupations des éleveurs est indispensable et malgré nos demandes, le Ministère a manqué de communication et d’accompagnement humain dans la gestion des foyers de DNC, sous couvert d’attente de résultats d’enquête beaucoup trop longue.
De notre côté, en Saône-et-Loire, aucun cas n’est arrivé et les éleveurs ont participé, avec sérieux, à la vaccination. Les réunions publiques, dès le début, de la DDPP, du GDS et de la Chambre d’agriculture avec les éleveurs n’ont pas soulevé d’opposition au protocole, mais plus des questions sur « Comment peut-on s’organiser pour que la maladie n’arrive pas dans nos élevages ».
Revendiquer l’amélioration d’une situation est normal et ouvert à toutes les bonnes volontés, mais cela passe par le travail quotidien sur le fond des sujets et non par l’effet d’opportunisme politique. Le débat et la défense des éleveurs ne peuvent se faire par des insultes, des menaces et l’incitation à la haine. Les éleveurs méritent mieux que cela ! Je reste à l’écoute des Présidents de chaque structure syndicale départementale pour échanger avec respect.
Saluons le courage du monde de l’élevage savoyard, qui a été confronté en premier à cette situation : « Voir ses animaux souffrir et mourir les uns après les autres était devenu insoutenable, sans autre possibilité que de mettre fin à leurs souffrances ». Eux aussi ont connu le doute et la colère, et ils nous disent aujourd’hui que la rigueur du protocole les a débarrassés du virus. « Nous pouvons enfin envisager l’avenir ». Nos vétérinaires sont nos alliés, ils n’ont pas ménagé leurs efforts pour protéger nos élevages, merci à eux. Aujourd’hui, l’urgence est bien de maîtriser cette maladie avec les éléments techniques de toute une profession vétérinaire.
Toutefois, nous demandons à l’État, mais aussi aux instances européennes, d’anticiper ces crises sanitaires liées au dérèglement climatique, par une gestion plus humaine, plus rapide, mais aussi plus rigoureuse par rapport à quelques irresponsables qui font prendre des risques à toute une profession. Les éleveurs ont également besoin de visibilité sur l’avenir. Que faudra-t-il faire cet hiver, pendant l’hivernage des animaux, pour maîtriser ce virus avant de libérer nos animaux dans les prairies ?
Chers collègues, chers citoyens, si la nature est belle, elle n’est pas parfaite et ne fait pas de sentiment. Elle n’offrira aucun cadeau à ceux qui se trompent. Restons humains dans l’accompagnement de l’émotion, par la solidarité, mais restons aussi pragmatiques en n’offrant aucun cadeau au virus. Nous saluons l’ensemble de nos collègues plongés dans cette tourmente et restons engagés à leurs côtés, déterminés, à sortir rapidement et ensemble de cette situation. Nous resterons aux côtés des éleveurs. »
Le Président de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Luc JEANNIN


