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samedi 15 septembre 2012 à 03:05

Colloque sur l’élevage Charolais à Jalogny

Malgré l'embellie des prix de la viande, va-t-on vers une diminution des troupeaux ?



Comment profiter au maximum de l’embellie sur le marché de la viande bovine et de la hausse des prix ? Tous les responsables énoncent une évidence : il faut maintenir en France, un troupeau important et trouver des hommes pour les élever. Ce qui, à l’examen, ne va pas de soi…

 

La ferme expérimentale de Jalogny, gérée par la Chambre d’agriculture et présidée par M. Dominique Vaizand, de St Germain-en-Brionnais, est un lieu de formation inégalable pour les éleveurs bovins de la région… Pourtant ceux-ci ne sont pas très nombreux aux colloques très intéressants qui y sont organisés sur les problèmes de leur profession. Jeudi 13 septembre, le colloque sur les marchés émergents pour la viande bovine a attiré plus d’élèves en agriculture que d’éleveurs.

 

 

L’aubaine des nouveaux marchés à l’export

 

 

Actuellement, le marché de la viande s’est mondialisé et les perspectives sont favorables à la production de viande bovine en France, du fait d’une demande intérieure soutenue et de l’ouverture de nouveaux marchés à l’exportation qui tirent les prix vers le haut. En effet, outre l’Italie, l’Espagne et la Grèce, pays traditionnels d’exportation pour les éleveurs français, d’autres pays se mettent depuis deux ans à importer de la viande : les pays du Maghreb, mais surtout le Liban et la Turquie.

 

 

 

 

La France qui a le premier troupeau bovin européen doit donc d’abord veiller sinon à le développer du moins à le maintenir. Mais rien n’est évident à ce sujet. Certes, entre 2000 et 2011, le troupeau français est globalement resté stable, la baisse du nombre de vaches laitières (-7%) a été compensée par l’augmentation du nombre de bovins à viande comme la race. Mais un fléchissement est apparu l’an dernier car, tant au plan national qu’en Bourgogne, le troupeau bovin a diminué de 2%. « Est-ce une amorce de décapitalisation ?  » s’interroge Sylvie Brouard, une spécialiste de l’Institut de l’Élevage.

 

 

Sécuriser les éleveurs en développant la  contractualisation

 

 

Dans les années à venir, à quelles conditions l’élevage des bovins allaitants (à viande) restera-t-il attrayant aux yeux des agriculteurs et plus particulièrement aux yeux des jeunes qui s’installent ? Les problèmes de transmission des exploitations ne sont pas minces. Le monde de l’élevage ne cesse de perdre des effectifs et sa restructuration continue profite aux grandes structures. Le nombre de troupeaux de plus de 80 vaches augmente, ce qui pose des problèmes de transmission des exploitations. Les jeunes doivent mobiliser de plus en plus de capitaux ce qui leur fait peur, à juste titre. Les banques ne suivent plus. Une récente enquête auprès des chefs d’exploitation en acticité a révélé que 45 % disent ne pas savoir s’ils pourront transmettre leur exploitation et que 13 %, prêts à partir à la retraite, disent ne pas avoir de successeur…

Si l’on ne veut pas voir l’activité d’élevage captée par de grands groupes, et préserver les exploitations familiales traditionnelles, il faut « sécuriser les jeunes éleveurs qui investissent » souligna-t-on durant le colloque. Comment leur activité peut-elle être sécurisée ?

Les responsables agricoles veulent développer la contractualisation d’une part entre les éleveurs et les groupements commercialisant et abattant les animaux, et d’autre part entre ces groupements et la grande distribution, qui est aujourd’hui sensible au mouvement « consommer local » ou « consommer français » que l’on voit poindre actuellement dans l’opinion. Mais la contractualisation est un exercice délicat car il y a une part de risque pour le groupement qui n’est pas sûr de vendre l’animal plus cher que le prix garanti à l’éleveur. En raison de ces risques financiers, Jean-Pierre Fleury, le vice président de la Fédération Nationale Bovine, reconnait lui-même qu’il est « difficile d’envisager de garantir 100 % de la production ».

 

 

Maintenir les petits abattoirs

 

 

Les responsables agricoles veulent aussi diversifier les débouchés en ouvrant de nouveaux marchés à l’exportation, en reconquérant la restauration collective qui se fournit beaucoup en viande importée et en développant les circuits courts (directement du producteur au consommateur). Mais pour développer les circuits courts, encore faut-il que les collectivités locales acceptent de mettre aux normes les petits abattoirs locaux qui disparaissent les uns après les autres. Le dernier en date ayant fermé en Saône-et-Loire est celui de Louhans dans lequel personne n’a voulu investir.

D’autre part, ils pensent qu’il est possible d’abattre sur place, en Saône-et-Loire, bien davantage d’animaux, de façon que la filière profite de la valeur ajoutée de ces activités. Actuellement, 15 000 vaches sortent chaque année de Saône-et-Loire vivantes et sont abattues ailleurs.

 

 

 

 

    

 

 

L’engraissement butte sur le prix des céréales

 

 

Enfin, les responsables agricoles répètent que l’engraissement des animaux sur place peut être avantageux pour une part non négligeable des élevages. Traditionnellement, le bassin Charolais est majoritairement orienté vers la production de « broutards » (veaux de 9 à 12 mois) maigres, élevés au pré, sous la mère. Ils sont vendus vivants pour être engraissés avant d’être abattus. Plus de la moitié des broutards français (53%) sont élevés en Bourgogne et 8 sur 10 sont exportés, essentiellement en Italie et en Espagne.

Hormis les broutards, le bassin Charolais fournit aussi des taurillons maigres (vendus pour être abattus entre 15 et 18 mois) et des jeunes bovins (13% de la production française). La production de bœufs a pratiquement disparu.

Mais avec l’engraissement, on touche à une difficulté importante : l’augmentation du prix des céréales absorbe quasiment tout le bénéfice tiré de la hausse des prix de la viande. C’est pourquoi les éleveurs demandent qu’on modifie la réglementation européenne actuelle pour leur permettre de cultiver eux-mêmes les céréales dont ils ont besoin pour leurs troupeaux. Ils souhaitent ainsi progresser vers l’autonomie alimentaire. Au nom de considérations environnementales (la préservation du bocage), la réglementation européenne interdit aux éleveurs de retourner une fraction de leurs prairies pour cultiver ces céréales. Ils sont donc obligés de les acheter aux cours mondiaux qui sont très instables et qui ne cessent de grimper en raison du réchauffement climatique. En 2011, la hausse des coûts des concentrés a représenté un coût supplémentaire de 4800 à 8000 € par élevage, selon les conduites alimentaires adoptées. Enfin, il faut noter que la matière première qui permet d’élaborer ces concentrés alimentaires vient parfois de l’autre côté des océans… Bonjour l’écologie !

 

 

Le grand progrès de la génomique

 

 

 Enfin, lors de ce colloque on a entendu plusieurs intervenants répéter que « l’on peut gagner beaucoup d’argent avec la génétique. » La ferme de Jalogny, avec ses ventes de reproducteurs testés, incite les éleveurs à porter beaucoup d’attention à la génétique qui permet des gains importants de rentabilité. De plus, maintenant que l’on apprend progressivement à lire le génome des bovins (science de la génomique), on peut espérer dans les prochaines années sélectionner de bons animaux en étant beaucoup plus sûrs des performances de leur descendance.  

 

Texte et photos : Jean-Pierre Laveder

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 






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