Musée de la Maison d’Ecole de Montceau-les-Mines
Aujourd’hui : LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
Aujourd’hui :
LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
LA TUBERCULOSE, PERIL NATIONAL :
Voilà un fléau dont on ne parle plus guère, mais qui, cependant, a mis en émoi le milieu scolaire pendant plus d’un demi-siècle.
Responsable de la mort de plus de 150 000 personnes annuellement en France, la tuberculose, en 1902, est devenue un péril national et le Ministre de l’Instruction publique prescrit les mesures à prendre dans les établissements d’enseignement quant à la contagion.
Il importait de promouvoir une bonne hygiène individuelle, la salubrité du milieu scolaire, voir domestique, d’assurer l’éloignement des malades atteints de « lésions contagieuses de tuberculose », qu’ils fussent des élèves, des enseignants ou des personnels des écoles. L’éviction des maîtresses et des maîtres était prévue jusqu’à guérison prouvée par examen médical. Une affiche devait être apposée à un mur de l’école, elle prévenait contre la transmission de la tuberculose par diffusion d’un microbe contenu dans les crachats, dans le mucus nasal ou dans la salive. Des mesures disciplinaires furent du reste explicites en matière de comportement favorisant la contagion, en voici un exemple :
Recommandations affichées dans toutes les écoles (collection musée)
Pour les élèves d’internat, une « fiche sanitaire individuelle » devait permettre de contrôler leur développement physique et leur état de santé. Cette fiche perdura longtemps dans les écoles, notamment lors des départs en classe transplantée. Il était demandé aux familles de remplir un questionnaire permettant de connaître les antécédents des élèves. Elle fut supplantée par le carnet de santé, véritable outil de suivi de la santé des enfants.
Favorisée à Paris par la promiscuité en des logements exigus, mal éclairés, la tuberculose ne pouvait manquer de menacer la population scolaire. Le professeur Grancher eut le mérite de s’en rendre compte et de prendre le problème à bras le corps en s’efforçant d’y apporter remède. Fin 1903, début 1904, au sein de la population parisienne laborieuse de moyenne aisance, dans le XVème arrondissement, il put examiner ou faire examiner par 12 médecins, collaborateurs de bonne volonté, les élèves de deux écoles primaires , l’une de garçons, l’autre de filles. Le 21 juin 1904, ce fut « au milieu de l’émotion générale » qu’à l’Académie de Médecine, il communiqua les résultats de l’enquête : au total, sur 896 enfants, garçons et filles, 141 étaient en état de tuberculose latente, ganglio-pulmonaire, soit 14% de garçons et 17% de filles. Surtout, parmi eux, « 46 garçons et 28 filles sérieusement atteints. »
Qu’est-il advenu de ces malheureux ? Combien furent sauvés grâce à l’initiative du professeur Grancher ? Que proposait-il ? Sous surveillance médicale, suralimenter certains, dans leur famille, ou permettre aux autres d’avoir, à la campagne, des activités de plein air « judicieusement associées aux études, surtout éviter à beaucoup un contact familial tuberculeux, enfin courir la chance de guérir « la plupart d’entre eux », aux moindres frais. Sans doute entendu des pouvoirs publics, il réussit à créer, dès 1905, un placement familial, dans des maisons de paysans sains, pour de tels jeunes de trois à treize ans et dépassant souvent cet âge. Son œuvre de bienfaisance réduisit la mortalité par tuberculose à moins de 1 pour 1000, alors qu’en 1912, elle allait encore atteindre, à Paris, 3,34 pour 1000 habitants.
Extrait du Bulletin de l’Instruction Publique de juillet 1906 (collection musée)
Désormais, de plus en plus, les pouvoirs publics ou bien des organismes privés menèrent la lutte contre la tuberculose. Ainsi l’état ouvrit en 1906, pour ses institutrices et ses instituteurs, le sanatorium antituberculeux de Sainte-Feyre dans la Creuse, qu’un bulletin de l’instruction publique présentait comme « construit selon les principes les plus récents de la science moderne ».Par la suite, il devait être réservé aux instituteurs, tandis que le sanatorium de Saint-Jean d’Aulphe en Haute-Savoie était affecté aux institutrices. Au surplus, dans la première moitié du XXème siècle au moins, toujours en recherchant des sites aérés, ensoleillés et salubres, on accueillit de plus en plus et au mieux, dans des préventoriums ou des écoles de plein air, comme celle de Cruzille en Saône-et-Loire, les personnes, en particulier les enfants, atteints d’une forme initiale de tuberculose non contagieuse (primo-infection). En des sites semblables et bien protégés des vents, des sanatoriums permirent de soigner aux meilleures conditions, des malades atteints de tuberculose déclarée, parfois des enfants. Publics ou privés, ces établissements se multiplièrent en France et ils finirent par y dépasser, après 1945, le nombre de 170.
En 1945, en faveur des écoles, les plus efficaces mesures préventives furent prises. Un contrôle y fut rendu obligatoire, de la santé des élèves âgés d’au moins six ans et de celle de leurs maîtres ou maîtresses si souvent victimes de la contagion, comme des « personnes se trouvant en contact habituel » avec des enfants. Ces visites médicales eurent lieu dans des centres médico-sociaux scolaires, organisés pour dépister, surtout chez le personnel, des maladies contagieuses. La tuberculose était toujours sous-entendue. Ainsi pouvait-on en découvrir chez tel écolier ou tel enseignant une simple menace plutôt que la maladie, comme naguère, arrivée à un stade hélas trop souvent irrémédiable.
« Sciences appliquées », manuel de classe de Fin d’Etudes Primaires, Chabanas et Renault, 1949 (collection musée)
Vers 1950, les vaccinations obligatoires permettaient de prévenir, dès l’enfance, non seulement les principales maladies épidémiques et contagieuses (variole, diphtérie, tétanos, typhoïdes), mais aussi la tuberculose. Organisée contre celle-ci, à l’école même, la vaccination des enfants par le B.C.G était obligatoire quand il présentait une cuti-réaction négative à la tuberculose. Parfois, au contraire positive, la cuti-réaction permettait de déceler des élèves menacés, et même assez souvent un foyer familial d’infection auprès d’eux. La protection de la société était donc bien organisée autour de l’école même.
Toujours vers 1950, une grande victoire fut remportée sur l’agent de la tuberculose : la découverte du rimifon (ou isoniazide) contribua très efficacement à le tuer. Peu à peu, on allait apprendre à ne plus redouter la terrible maladie d’autrefois, à condition toutefois de rester vigilant à une disparition complète du fléau d’antan. On ne peut pas reprocher à l’action sanitaire de ne pas avoir tout mis en œuvre autour du dépistage et de la prévention et malgré cela, en 1979, en Saône-et-Loire, on compta 18 décès par tuberculose, survenus à des personnes trop isolées ou nomades. Rien n’est jamais acquis.
En guise de conclusion, l’idée de l’ « envoi à la campagne » et au grand air des enfants malades de tuberculose au début du XIXème siècle fut reprise en 1938 par le mouvement J.P.A (Jeunesse en Plein Air) de la bien connue F.O.L Fédération des Œuvres Laïques (à l’origine F.N.O.L.V.E.A Fédération Nationale des Œuvres Laïques de Vacances d’Enfants et d’Adolescents) à l’initiative de Georges Lapierre secrétaire général adjoint du Syndicat national des instituteurs, encouragé par Jean Zay (deux personnages cités dans un article précédent) et Léo Lagrange. Une souscription lancée auprès des écoliers de France permettait de financer, par la vente de timbres et de cartes dont chacun se souvient, des départs en vacances pour les enfants issus de familles modestes.
Timbres de la campagne J.P.A (collection musée)
Article extrait de la publication du Musée de la Maison d’Ecole : « Cent ans d’Ecole », disponible au musée.
Patrick PLUCHOT
Président de la Maison d’Ecole
Collection Ecomusée de la CUCM-Musée de France