Montceau, le petit Guichet : la reine garçon
Un chant à trois temps : « toi, moi, la métamorphose en accords vibrants."
Noustoutes du bassin minier a invité le public à venir rencontrer, applaudir au Petit Guichet Floé et Delphine, un couple d’artistes : « La Reine Garçon ».
Une soirée qui fait suite à la résidence de la compagnie « Grosse Pièce » qui traitait déjà du thème de transition. Une soirée où l’humain transcende les questions de genre par amour, par la conscientisation des choix de vie et des vies de choix.
Floé et Delphine forment un couple talentueux de musiciens et chanteurs, mais surtout un couple en continuelle construction au travers de leurs différentes vies, de leurs projets artistiques, de leur transition à tous les deux.
Un des battements du cœur commun activait la circulation d’un corps masculin et il le fait maintenant dans un corps de femme. Une femme vivait son amour pour un compagnon qui est devenu sa compagne et elle aussi effectue un nouveau chemin pour aller vers cette autre qui reste son amour. « Tout renaîtra différente »
Expliqué en pur béotien comme ça, la poésie ne trouve pas sa place et pourtant elle existe, elle est là dans les mots, les chants, l’empathie mutuelle, les paroles des chansons, le courage de surmonter les épreuves, de se surmonter soi-même, de vaincre les peurs, les préjugés et d’affronter le regard de ses enfants. Et le chemin est long, difficile, chaotique et tortueux. En fait c’est comme une renaissance de son vivant, une métamorphose… pour les deux.
Le public ne s’y est pas trompé, on ne lui a pas vendu une belle histoire avec tour de chant, non, on lui a offert une occasion unique de pénétrer un monde où la réalité humaine dépasse les simples étiquettes sociales. Un film de 20 minutes a été projeté avant le tour de chants et là le couple a expliqué son cheminement, l’improbable, l’imprévu, l’irrémédiable qui aurait pu faire exploser leur amour, leur vie, détruire leur famille. Et chaque mot, chaque regard, chaque instant d’une profonde humanité et d’une humilité non feinte, chaque seconde du film a touché le public qui a compris qu’ils ne se donnaient pas en spectacle ces deux êtres, mais qu’ils offraient par leur exemple des outils de compréhension, des pistes pour mieux appréhender, mieux comprendre, mieux accompagner ceux qui sont dans ce qui est appelé scientifiquement et de manière un peu barbare en dysphorie de genre. Et leurs chansons sont à l’unisson ; elles tissent une tapisserie de bayeux de leur combat.
Dans un monde où la tolérance est volatile, où l’assignation est de mise et où la différence appelle souvent la réprobation et la répression, Floé et Delphine s’imposent, sans doute à leur corps et cœurs défendant comme des symboles, des marqueurs pouvant aider les autres, pouvant indiquer que leur cheminement peut être celui de tous ceux qui se reconnaissent en eux et qui connaissent les mêmes épreuves qu’eux.
Et en dehors même de cette spécificité de couple, c’est un duo talentueux dont les messages sont à méditer. Ils en sont à leur 3ème album.
Une très belle et profonde soirée. A souligner que ces artistes de renom ont travaillé au chapeau, c’est-à-dire sans demander de cachet. Ce geste aussi est à souligner.
Noustoutes et Christine Germain peuvent s’enorgueillir d’avoir proposé à Montceau un spectacle de qualité en même temps qu’un instant vibrant d’une rare intensité.
Le petit guichet ne pouvait qu’être le temple de ce moment avec son duo de direction : Marine et Jean François. Ils animent ce tiers-lieu avec une grande sensibilité culturelle et sociale parce que ce sont des artistes très engagés.
A écouter absolument
Gilles Desnoix