Saint-Vallier – Conférence sur l’IA
Philippe Cazeneuve : « L’intelligence, c’est le propre du vivant »
Mercredi 8 octobre, à l’ECLA de Saint-Vallier, une trentaine de personnes ont assisté à une conférence animée par Philippe Cazeneuve, spécialiste des cultures numériques. Avec humour et clarté, il a proposé une réflexion profonde sur l’intelligence artificielle et la place de l’humain face à la machine.
Le spectacle est vivant, ponctué de scènettes, d’humour et de nombreux échanges avec le public. Philippe Cazeneuve interpelle souvent la salle, invite à réagir, questionne les usages de l’IA au quotidien. Une trentaine de personnes, toutes d’un certain âge, participent activement : certains posent des questions techniques, d’autres s’interrogent sur les conséquences sociales ou environnementales de ces nouvelles technologies.
Après avoir ouvert la séance par une petite scènette avec un robot, Philippe évoque 2001, l’Odyssée de l’espace le film de Stanley Kubrick avant d’introduire son propos : selon lui, l’intelligence artificielle n’est ni intelligente, ni artificielle. Elle repose sur des données bien réelles, matérielles, stockées dans des « data centers », et son intelligence n’est que celle qu’on lui donne. Ancien concepteur multimédia et sociologue de formation, Cazeneuve met en avant une vision humaine et sociale du numérique. « L’intelligence, c’est le propre du vivant. Les machines, elles, jusqu’à preuve du contraire ne sont pas vivantes. »
Il revient ensuite sur les grandes étapes de l’IA, de Deep Blue à AlphaGo. Ces programmes ont battu les meilleurs joueurs d’échecs et de Go, mais en rejouant des stratégies humaines déjà existantes. ChatGPT, lui, ne crée rien de nouveau : il réorganise des idées, de la connaissance déjà existante. Pour Cazeneuve, l’IA est avant tout un outil de productivité, pas de pensée. Et si elle peut être utile, elle reste limitée à ce qu’on lui apprend. « C’est efficace quand on sait juger la réponse, mais dangereux quand on ne connaît pas le sujet. »
Philippe Cazeneuve alerte également sur le coût environnemental du numérique : une requête sur ChatGPT consomme dix fois plus d’électricité qu’une recherche sur Google. Extraction de minerais, travail d’enfants, consommation énergétique record… « Des réacteurs nucléaires vont naître un peu partout pour faire tourner des algorithmes. Dans l’état actuel de la géopolitique ça semble assez risqué » s’inquiète t’il.
Autre sujet sensible : l’attachement émotionnel aux IA. « Le danger, c’est de personnaliser le robot, de lui dire bonjour ou merci, comme s’il nous comprenait. » Pour des personnes déjà fragiles, cette illusion de présence peut renforcer l’isolement.
Cazeneuve évoque aussi l’impact sur l’éducation : « Certains élèves font leurs devoirs avec ChatGPT. Il faut clairement apprendre à bien utiliser ces outils » En fin de conférence, il partage une vidéo du biologiste chercheur François Taddéi, militant de l’innovation dans l’éducation : « On n’apprendra pas au XXIᵉ siècle comme on a appris pendant les siècles précédents. » Et de conclure : « Les machines seront toujours plus fortes pour calculer ou mémoriser. À nous de faire ce qu’elles ne savent pas faire : réfléchir ensemble, créer, apprendre. Réinventons les manières d’apprendre, de faire de la recherche, d’enseigner. »
Jusqu’au bout, Philippe Cazeneuve s’adapte à son public. Avec humour et humanité, il aura su rendre accessible un sujet complexe, rappelant que l’enjeu n’est pas de craindre la machine, mais de préserver ce qui fait de nous des êtres vivants et pensants.
Nicolas Gidaszewski
