Autres journaux


lundi 22 décembre 2025 à 03:38

Assurances : « taxe casseur », catastrophes naturelles…

Pourquoi les cotisations augmentent-elles en France mais aussi en Saône-et-Loire ?



 

Sécheresses à répétition, inondations localisées, violences urbaines ponctuelles, incendies d’immeubles, dérèglement climatique, terrorisme, etc. En France et donc en Bourgogne-Franche-Comté, et particulièrement en Saône-et-Loire, la question du coût des assurances devient un sujet de préoccupation croissante pour les ménages, les entreprises et les collectivités. L’adoption par le Sénat de la mesure dite de la « taxe casseur », dans le cadre du budget 2026, s’inscrit dans un contexte déjà marqué par une hausse continue des contributions obligatoires.

 

Il s’agit en l’occurrence d’une nouvelle « garantie nationale » dont les effets seront locaux. La « taxe casseur », votée par le Sénat, correspond à l’intégration d’une garantie obligatoire contre les dommages liés aux émeutes et violences urbaines dans certains contrats d’assurance, notamment l’habitation et les contrats professionnels. Son objectif est de renforcer l’indemnisation des sinistres liés à ces événements, dont le coût a fortement augmenté à l’échelle nationale.

 

Si la mesure est nationale, son financement repose sur l’ensemble des assurés, y compris dans des territoires comme la Saône-et-Loire, où les phénomènes d’émeutes restent ponctuels mais où d’autres risques, notamment climatiques, sont déjà très présents. Il s’agit d’une mutualisation à large spectre qui donc touchera tout le monde quels que soient les risques réellement existants sur le territoire concerné.

 

La région Bourgogne–Franche-Comté fait partie des territoires de plus en plus touchés par les effets du dérèglement climatique, exposés aux aléas climatiques. En Saône-et-Loire, les épisodes de sécheresse ont fortement marqué les dernières années, avec des arrêtés de reconnaissance de catastrophe naturelle répétés pour retrait-gonflement des argiles, affectant des milliers de logements individuels. Ces dernières années, le département a connu une succession de sécheresses exceptionnelles par leur durée et leur intensité, notamment en 2018, 2019, 2020 et 2022. L’année 2022 a été particulièrement critique avec un déficit pluviométrique historique durant l’été, aggravant la rétractation des sols. L’année 2022 a marqué un record avec 131 communes de Saône-et-Loire reconnues en catastrophe naturelle, incluant des pôles comme Chalon, Mâcon et Le Creusot. Près de 48 % du département présente une exposition forte au risque géologique, particulièrement en Bresse et dans la vallée de la Saône. Cette vulnérabilité des sols provoque des fissures structurelles sur des milliers de maisons individuelles, dont les fondations sont sensibles au retrait-gonflement des argiles. Face à ce sinistre de masse, le coût des indemnisations atteint des sommets, faisant de la Saône-et-Loire l’un des territoires les plus impactés de la région.

À cela s’ajoutent des inondations localisées, notamment dans les vallées de la Saône, de la Bourbince ou du Doubs, ainsi que des épisodes orageux intenses provoquant des coulées de boue et des dégâts matériels. Ces événements ont un impact direct sur le régime des catastrophes naturelles, financé par une surprime obligatoire intégrée aux contrats d’assurance.

 

L’année 2022 a marqué un record avec 131 communes de Saône-et-Loire reconnues en catastrophe naturelle, affectant des milliers de logements dans des pôles comme Chalon, Mâcon et Le Creusot. Près de 48 % du département présente une exposition forte au risque géologique, provoquant des fissures structurelles coûteuses sur les maisons individuelles, particulièrement en Bresse et dans la vallée de la Saône.

 

Pour compenser l’explosion de ces sinistres (3,5 milliards d’euros au niveau national en 2022), le taux de la surprime « CatNat » passera de 12 % à 20 % sur les contrats d’habitation dès 2025. Cette hausse historique, la première en 25 ans, représente un surcoût annuel moyen de 16 € à 20 € par foyer, alors que le coût des aléas climatiques pourrait doubler d’ici 2050. En Saône-et-Loire, le coût des réparations par maison oscille entre 15 000 € et 100 000 € pesant mécaniquement sur l’équilibre du régime et les cotisations des assurés de la région. Désormais, l’ordonnance de 2023 impose aux sinistrés d’utiliser l’indemnité perçue pour réaliser les travaux de consolidation réels, afin de préserver la valeur immobilière du parc départemental.

 

Dans le bassin minier de Montceau-les-Mines, la situation présente des particularités. Le parc de logements, souvent ancien, est plus vulnérable aux mouvements de terrain et aux désordres structurels, accentués par la sécheresse. Sur le plan économique, le territoire compte un tissu dense de petites entreprises, de commerces et d’artisans, pour lesquels l’assurance multirisque professionnelle est indispensable. Toute augmentation de cotisation, même limitée en apparence, peut représenter plusieurs dizaines, voire centaines d’euros supplémentaires par an, dans un contexte économique déjà contraint.

 

Les violences urbaines, du type de celles observées dans les grandes métropoles, n’ont concerné ponctuellement que certains secteurs, et sans commune mesure d’ailleurs. Bien entendu, elles rappellent la nécessité d’une couverture adaptée, tout en posant la question de la mutualisation des coûts. 

Sans entrer dans le détail des contrats, plusieurs éléments expliquent la hausse ressentie par les assurés locaux. Pour les particuliers, l’accumulation des taxes obligatoires alourdit la facture annuelle de près de 100 € pour un foyer moyen. La surprime « catastrophes naturelles » connaît une hausse historique au 1ᵉʳ janvier 2025, passant de 12 % à 20 % sur l’habitation (soit +16 € à +20 € par an) et de 6 % à 9 % sur l’automobile. À cela s’ajoute le relèvement de la taxe « terrorisme » (FGTI) à 6,50 € par contrat depuis juillet 2024, tandis qu’un projet de loi pour 2026 prévoit une nouvelle surprime « émeutes » d’environ 5 % pour mutualiser les dommages liés aux violences urbaines.

 

Pour les professionnels, l’impact est démultiplié avec une hausse moyenne de 9 % sur les contrats multirisques en 2025, poussée par l’augmentation des sinistres lourds et de l’inflation des coûts de réparation. Les secteurs du commerce et de l’industrie sont les plus exposés, subissant des majorations de primes de 8 % à 15 % selon leur zone géographique. Enfin, les tarifs de la Responsabilité Civile Professionnelle (RC Pro) augmentent globalement de 6 % pour compenser la hausse structurelle des indemnités versées aux tiers.

 

Les assureurs présents en Bourgogne–Franche-Comté rappellent qu’ils ne sont pas à l’origine de ces contributions obligatoires. Ils soulignent leur rôle d’intermédiaires entre l’État et les assurés, chargés de collecter et d’appliquer des décisions prises au niveau national.

Ils alertent également sur un risque de désaffection de l’assurance, certains assurés étant tentés de réduire leurs garanties pour contenir les coûts, ce qui peut s’avérer problématique en cas de sinistre majeur.

 

Les associations de consommateurs, actives dans le département, demandent davantage de transparence sur la composition des cotisations et une meilleure information des assurés. Elles plaident pour une prise en compte renforcée des situations locales, notamment dans les zones déjà fortement exposées aux risques climatiques.

Les élus locaux, confrontés aux conséquences concrètes des catastrophes naturelles et aux attentes des administrés, s’interrogent sur l’équilibre entre solidarité nationale et responsabilité de l’État en matière de prévention, d’aménagement du territoire et de gestion des risques.

 

En Saône-et-Loire comme ailleurs, la « taxe casseur » cristallise un malaise plus large : celui d’un système assurantiel de plus en plus sollicité pour financer des risques collectifs majeurs. Si la solidarité est largement reconnue comme nécessaire, la question de son financement, de sa lisibilité et de son équité reste ouverte.

Pour les habitants du bassin minier de Montceau-les-Mines, comme pour l’ensemble des assurés du département, l’enjeu est désormais de préserver un accès à l’assurance à un coût soutenable, dans un contexte où les crises climatiques, sociales et économiques tendent à se cumuler. Et ce n’est pas gagné d’avance, c’est appelé à durer. Il serait bon que les élus nationaux prennent en compte la réalité de terrain des habitants et des entreprises.

 

Gilles Desnoix

 

 

Sources : arrêté du 22 décembre 2023, arrêté du 21 décembre 2023, Ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023, projet de Loi de Finances (PLF) 2026 , arrêté ministériel IOME2308745A, arrêté ministériel
Portail Géorisques (BRGM), France Assureurs (2022-2023, Caisse Centrale de Réassurance (CCR),  Cabinet Facts & Figures / Addactis

gilles-221225

 

 



Laisser un commentaire

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.


» Se connecter / S'enregistrer