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vendredi 11 février 2011 à 05:15

Décrochage scolaire : la solution se trouve à l’école

Par Nicole Eschmann, vice-présidente du Conseil régional de Bourgogne en charge des lycées




14,4% des jeunes européens de 18 à 24 ans sont en situation d’abandon scolaire : ils ont quitté le système scolaire au niveau du premier cycle de l’enseignement secondaire, voire avant, et ne poursuivent ni études, ni formation. La commission européenne, inquiète, préconise de descendre ce taux en dessous de 10% : réduire le taux d’un point permettrait à l’économie européenne de disposer chaque année d’un demi-million supplémentaire de jeunes travailleurs qualifiés potentiels et aurait un impact direct sur le chômage des jeunes. Elle propose de prévenir le décrochage en instaurant plus de pré-scolarisation, un meilleur soutien linguistique pour les enfants issus de l’immigration, moins de ségrégation à l’école et des parcours éducatifs flexibles.


Le président de la République a donc fait de la lutte contre le décrochage scolaire une priorité nationale : « Nous allons mener une guerre sans merci contre le décrochage scolaire ».  En organisant le « renforcement général des conditions de fichage des élèves décrocheurs » sous la responsabilité des chefs d’établissements, avec « une interconnexion des différentes bases de gestion interne pour améliorer le repérage »  et demandant aux collectivités territoriales le fichage des apprentis. En souhaitant « construire une meilleure coordination locale pour accompagner les jeunes sortant de formation initiale sans diplôme » tout en précisant « le fonctionnement de cette coordination devra par ailleurs apporter des précisions sur les modalités de partage et d’échange régulier d’informations ». En proposant de soutenir les expérimentations locales de prévention et de traitement des sorties précoces de formation initiale sous forme d’appels à projets.


Décrochage scolaire, ce discours est inacceptable :


Le terme de décrocheur scolaire renvoie à des représentations liées à la notion de dangerosité sociale et d’inadaptation à la vie en société propre à certains jeunes, et donc au contrôle de ces populations à risque. Le décrochage scolaire est une construction politique et administrative justifiant un travail de contrôle de ces populations.


Ce qui est ici en jeu, c’est en réalité la capacité du système éducatif à intégrer l’ensemble des élèves dans le processus de démocratisation, quelque soit leur origine sociale. Ce qui conduit au rapport entre échec scolaire et inégalités sociales, entre échec scolaire et disqualification sociale. Le décrochage scolaire réduit l’échec scolaire aux situations d’abandon scolaire, dont l’élève est seul responsable, en occultant les conditions sociales de cet échec scolaire (précarité, pauvreté) et en oubliant ceux qui sont en grande difficulté d’apprentissage mais assidus dans les établissements.


Mais surtout, il dédouane le système éducatif de sa responsabilité dans la production de cet échec scolaire. En ajoutant à l’institution scolaire des dispositifs divers, adaptés aux différentes situations de décrochage, on permet simplement au système de fonctionner sans remise en cause profonde.

Décrochage scolaire,  la solution se trouve à l’école

A-t-on instauré plus de pré-scolarisation ? NON, la première année de maternelle est déjà supprimée, la seconde année ne va pas tarder.  A-t-on mis en place un meilleur soutien linguistique pour les enfants issus de l’immigration et oeuvré pour moins de ségrégation à l’école ? NON, on a supprimé la carte scolaire et renforcé la compétition entre les lycées, accordant des primes obscures aux recteurs et aux proviseurs. A-t-on organisé des parcours flexibles ? NON, on a supprimé les allocations familiales pour absentéisme.


Construire des internats d’excellence d’un côté et des établissements pour enfants décrocheurs de l’autre est provocateur, démagogique et populiste, car le gouvernement n’assume pas ses responsabilités minimales en matière d’éducation comme permettre à tous les élèves d’avoir un enseignant en face d’eux (suppression de 335 postes à la rentrée 2011 en Bourgogne).


Pour lutter contre l’échec scolaire, il faut arrêter immédiatement la casse de l’éducation nationale et lui redonner les moyens humains nécessaires, pour assurer le suivi de chaque jeune à l’intérieur de l’institution et le cas échéant dès le premier jour de rupture, afin de ne pas l’abandonner à une errance de 31 mois en moyenne avant son retour à la porte des missions locales pour tenter de se reconstruire.



Nicole Eschmann, Vice-présidente du Conseil Régional en charge des lycées



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