« Écologie, cancer et société à nous de nous impliquer »
Par Jérôme Perret
« Lorsque l’on m’a contacté afin d’écrire des articles sur l’écologie, je me suis dit que l’environnement ce n’était pas que les petites fleurs et la destruction de la « nature » mais qu’avant tout c’était une perception du monde. Presque un état d’esprit.
Longtemps, je n’ai pas fait le lien entre la défense de la « planète » et les impacts sur la vie des hommes. Qu’il puisse y avoir un lien entre la pollution de notre environnement et les soucis qui frappent les gens ne me paraîssait pas aller de soi. En écrivant cette phrase, je me rends compte à quel point l’on peut avoir le nez sur quelque chose de simple et pourtant ne rien voir d’évident.
Vous souvenez-vous de cette phrase « Ils ne mouraient pas tous , mais tous étaient frappés », c’est en commençant ce premier article que sa signification m’est apparue. Cette phrase issue d’un texte de Jean de LA FONTAINE parlait de la Peste, désormais il suffit de remplacer ce mot Peste par Cancer pour que chacun se sente concerné. « Ils ne mouraient pas tous du Cancer mais tous étaient frappés » , directement ou indirectement.
J’ai moi-même été frappé indirectement, via mon oncle et sa femme qui en sont morts, elle avait la cinquantaine. Lui est mort quelques années plus tard du chagrin qui le détruisait de l’intérieur, du vide que laisse l’être disparu et qui vient amplifier une tendance à boire que vous aviez auparavant. Ensuite un cancer diagnostiqué trop tard par une équipe médicale qui met chacun de vos maux en relation avec votre propension à boire. Une opération qui ne se passe pas comme prévu et c’est fini, fin de partie.
Le cancer est à ce point répandu qu’il ne doit plus y avoir grand-monde qui ne se sente pas menacé par lui, les campagnes de « lutte contre le cancer » sont nombreuses et beaucoup d’argent est récolté afin de mieux soigner et aider les malades. Aider la recherche afin d’éviter que ceux qui sont malades ne meurent, voilà une noble ambition qui apporte immédiatement l’adhésion de beaucoup d’entre nous.
Notre système de protection sociale permet aux malades d’être soignés à coup de chimiothérapie et de traitements efficaces et utiles. Ceux qui sont soignés le sont avec toute la puissance de notre médecine, les coups financiers impliqués pour soigner le cancer sont colossaux et nécessaires, mais du coup d’autres domaines de notre santé ne sont plus ou mal remboursés.
Cette maladie c’est l’image de notre mort future, elle nous fait tellement peur que l’on ne veut pas en parler. Lorsque j’ai commencé à m’y intéresser suite au décès des membres de la famille, je me suis rendu compte à quel point je touchais à un interdit.
Cette peur nous empêche de réfléchir et donc de comprendre. Il faut dire que notre société aime à cacher tout ce qui nous rappelle notre fragilité. Les vieux, les handicapés, les malades vivent dans des lieux où nous allons peu au quotidien, les vivants en bonne santé vivent entre eux et finissent par se croire immortels.
Dans la répétition des jours et des activités nous trouvons la vie éternelle, nous vivons dans une boucle infinie et gare à celui ou celle qui viendrait à nous rappeler que nous sommes mortels donc vivants. Un téléphone portable remplace un ancien téléphone portable, une nouvelle voiture remplace aussitôt l’ancienne. Nos jours de travail se ressemblent sans que quoi que ce soit ne vienne gripper la machine.
La maladie apparaît alors comme ce fléau qui s’abat sur quelques uns, il faudra donc bien les soigner et éviter certaines questions. « Cachez moi vite ce corps afin que tout continue comme avant ». Aussitôt frappé par le sort, nous sommes « pris en charge » et l’on met en place un suivi personnalisé du patient.
N’ayant pu éviter que la personne ne tombe malade, il s’agira de bien s’occuper d’elle et lorsque l’on essayera de comprendre ce qui a bien pu amener cette personne à développer cette maladie. On pensera avant tout à des comportements et prédispositions individuelles. Mangeait-elle bien 5 fruits et légumes par jour, faisait-elle du sport, avait-elle des prédispositions génétiques à développer un cancer, avait-elle des « conduites à risques » comme fumer ou boire.
Les causes individuelles ont quelque chose de rassurant, elles signifient « circulez il n’y a rien à voir » continuez vos vies, tout cela est normal. Il ne se passe rien auquel vous devriez vous intéresser, la victime s’est mal comportée, elle avait des défaillances. Elle n’a pas eu un comportement adapté et/ou son corps présentait des défauts. Le châtiment infligé est terrible mais ne croyez pas que ce qui lui est arrivé est arrivé par hasard, elle y est pour quelque chose.
Nous voilà rassurés, il suffit de se comporter correctement suivant les conseils que l’on nous donne quotidiennement. Il suffit de bien surveiller son corps par des examens réguliers afin de détecter la moindre défaillance. Si l’on se conforme à toutes ces injonctions, le paradis nous attend mais gare à celles et ceux qui refuseraient de se comporter telle qu’il est prescrit. Ceux-là ne devront s’en prendre qu’à eux-mêmes et ne pas venir se plaindre s’ils tombent malade.
Pourtant les causes sont-elles vraiment « individuelles », une personne qui mangerait des produits biologiques quotidiennement mais vivrait dans un mobil-home au milieu d’une décharge à ordures ne peut pas rester saine. Une personne qui travaille dans une usine dans des conditions déplorables, luttant chaque jour pour sa survie et niant chaque jour ses aspirations pour une vie digne ne peut rester intacte. Comment s’étonner alors qu’il ou elle se mette à boire ou à fumer. Comment s’étonner de les voir atteints de maladies.
Rappelez-vous ce qui arriva aux Indiens d’Amérique ou aux Esquimaux qui privés de leur mode de vie ancestrale par les colonisateurs se mirent à boire et à avoir des comportements parfois violents.
Il est un peu facile de venir ensuite culpabiliser des personnes parce qu’elles n’ont pas les bons comportements ou parce-que leurs corps seraient défaillants. Un corps soumis à des pesticides, des molécules chimiques, à des polluants dans l’air, les peintures, les sols pendant des années ne peut rester indemne.
Les êtres humains vivent dans une société où les lois de l’efficacité, de la rentabilité et de l’utilité écrasent nos vies au point de n’en faire que des survies. Il y a quelques années, des scientifiques ont fait une expérience. Constatant que les chiens tournaient sur eux-mêmes avant de se coucher, ils les ont dressés et ont ainsi obtenu une génération de chiens dociles qui ne perdaient pas leur temps inutilement. Des chiens plus efficaces en quelque sorte.
Par la suite la moitié d’entre eux sont devenus dépressifs et l’autre moitié agressifs. Voilà ce que nous acceptons de subir quotidiennement. Comment dans un tel monde rester sain et se comporter comme il faut ? Comment ne pas avoir de « conduites à risques » ?
Faute de se poser ces questions, nous risquons de voir l’emprise du cancer sur la société augmenter encore. Nous devons nous occuper de nos affaires et ne pas attendre que l’État s’en occupe car c’est de notre vie dont il est question. Nous ne sommes plus des enfants et nous ne devons pas patienter tranquillement jusqu’à ce que « Papa l’État » règle les problèmes.
Chaque jour, nous nous occupons de choses très concrètes, « de quelle couleur sera la chambre de la petite dernière », « est-ce que nous irons en vacances cette année », « il faut que nous invitions les amis à la maison », « et si on achetait une nouvelle télé » mais si nous ne sommes pas capables de passer ne serait-ce qu’une soirée par semaine à nous occuper des affaires des « grands de ce monde ». Comme si nous, nous étions des gamins ! Il ne faudra pas s’étonner que le monde vienne frapper à notre porte et nous présente une note bien salée. »
PERRET Jérôme
2 commentaires sur “« Écologie, cancer et société à nous de nous impliquer »”
Votre constat parait objectif, mais que pouvons nous y changer ?
Nos intérêts individuels sont parfaitement contradictoires, les uns par rapport aux autres.
Exemple : nous sommes outrés par ce qui est arrivé aux ouvrier(es) du textile du Bangladesh….mais n’oublions pas que nos commandes apportaient des possibilités de survie à des personnes sans ressources….
Actuellement, même en France, nombre de personnes sont soumissent au dur choix de la compromission…. ou de la déchéance.
Pratiquement toutes les projections montrent où nous allons…. Mais nous allons jusqu’à nier les faits avéré.
Dernier Science et Vie : depuis 2004, notre espérance de vie en bonne santé aurait baissé de 2 ans…..
Pouvons nous échapper au destin que nous font organiser nos cerveaux avides ?
Amitiés
Excellente analyse qui pose une fois encore la même question : L’homme est-il rationnel ?
Depuis que nous sommes sortis de « l’animalité » , nous
les « humains » , n’avons eu de cesse de pourrir notre environnement et de gâcher systématiquement nos chances de survie , au regard de tout ce que la planète nous offrait pour nous assurer un « confort » serein et pérenne !
Mais …. de nos jours , nous pillons les océans pour transformer le fruit de cette pêche en « farines » servant à « nourrir » des poissons « d’élevage », par simple soucis « économique » !!
Quand on sait qu’il faut utiliser 3 tonnes de pétrole pour fabriquer 1 tonne de farine …… où va donc se loger la rationnalité !!
Pourtant , de tous temps , des voix se sont élevées pour nous mettre en garde … Je pense en particulier à « Paul Valéry » qui dès 1935 dans son « Bilan de l’intelligence » pressentait déjà le cahos , je pense aussi à « René Dumont » , éminent économiste qui tirait la sonnette d’alarme devant l’explosion démographique ( triplement de la population mondiale en 80 ans) , je pense également à « Théodore Monod » , à « J.Y. Cousteau » , à « Louis Leprince-Ringuet » , au professeur « François Jacob » ( mort le mois dernier dans l’indifférence générale) , à « Pierre Rabhi » , à « Haroun Tazieff » , et tant d’autres …..
La liste est longue de gens dont le discours rationnel s’est heurté au mur de l’imbécilité ambiante savamment orientée vers la frénésie consommatrice !
Chaque année , dans notre pays , 70 000 individus meurent d’un cancer ou d’une pathologie pulmonaire liées au tabac !
Cette « drogue légale » rapporte 13 milliards d’euros/an au ministère des finances alors que dans le même temps , elle en coûte 47 au ministère de la santé …
Est-ce bien rationnel ?
Faut-il jeter la pierre au comportement individuel du fumeur qui noie son mal de vivre dans des volutes de fumée , ou bien à l’incapacité totale de l’Etat à prendre soin de la santé de ses citoyens ….?
…..A en croire la campagne de « victimisation » engagée actuellement en faveur des « dealers patentés » …. la solution à ce récurrent problème n’est pas encore pour demain !!
Sommes-nous victimes de la « fatalité » ou simplement devenus des « cartésiens désabusés » ( je pense , donc je suis ….mais j’m’en fous !!) ?
L’optimisme et la confiance que je place dans l’activité humaine me porte à croire le contraire , mais néanmoins , je reste persuadé que l’action individuelle sera inopérante si elle n’est pas fortement motivée par une volonté et des décisions politiques collectives sans failles et sans compromissions !
Espérons que nous n’aurons jamais à paraphraser l’ami « Georges » , disparu hier ……
…….Pendant que nous gâchions vos vies …..
…….Le temps s’en est allé …..
…….Il est trop tard ….
Bien cordialement !