« Hommage à mon Papy »
De sa petite-fille à un homme assez exceptionnel !
Un texte qui n’est pas de notre fait et qui a commencé par ces quelques lignes d’introduction à un tres bel hommage à un homme que l’on aurait aimé connaître. Mais voici ce texte que l’on qualifiera d' »introductif ».
« Voilà qu’aujourd’hui, je me permets de vous envoyer un texte en hommage à mon grand-père Edmond SPYCHAJ. (Ca se lit Spichai ou Spiraï en polonais). »
Texte qui se poursuit ainsi et qui sest avouez-le assez poignant et évocateur de la personnalité de cet « immigré » qui doit donner à chacun d’entre-nous l’obligation de porter un autre regard sur l’immigration en général et là nous voulons faire allusion au drame syrien ou irakien !
« Il nous a quitté ce vendredi 1er janvier 2016. Il était né à Walzum (un village polonais annexé par l’Allemagne lors de la première guerre mondiale et qui n’existe plus) le 12 octobre 1918. Ses parents sont venus de Pologne pour travailler dans les mines de charbon du Pas de Calais. A l’époque, les immigrés polonais n’avaient pas le droit de broncher, sinon c’était retour dans le pays de naissance. A l’âge de 13 ans, il a commencé sa carrière de mineur dans les mines de Bruay en Artois.
Il est arrivé en Saône et Loire pendant la seconde guerre mondiale. Il aurait dû se battre comme soldat allemand dans la Wehrmacht étant né allemand. Mais, à l’époque, il a triché sur sa nationalité….
En tant que soldat, il était en poste sur la ligne de démarcation (vers Pouilloux) non loin des Moulins. Il venait s’approvisionner en nourriture dans la ferme de mon arrière grand-mère Marianna. C’est là qu’il a connu ma grand-mère Edwige. Ils se sont mariés en 1945.
C’est dans le bassin minier de Montceau qu’il a continué sa carrière de mineur : à Plichon, St Amédée et enfin Rozelay, là où il a terminé sa carrière en 1973, après 42 ans de bons et loyaux services. Il a été le premier immigré polonais à devenir chef de poste à la mine….
Avant de partir en résidence sur Chalon au mois de Mars dernier, il avait vécu au 199/2 Rue Denis Papin, aux Gautherets, là où je suis née.
Un sacré bonhomme avec un foutu caractère, qui avait toute sa tête, nous ont encore fait remarqué les aides soignantes de la résidence, il n’avait pas sa langue dans sa poche…. mais on l’adorait !
Un dernier adieu lui sera donné ce mardi 5 janvier…..«
Un avant-propos suivi de ces lignes
« Papy,
Ce soir de Réveillon 2015, lorsque j’ai franchi le seuil de ta chambre d’hôpital, j’ai posé mes affaires et me suis installée à tes côtés.
Ta main était froide, mais chacune de tes inspirations, faisaient vibrer le lit où tu te reposais.
Tu n’étais pas prêt pour partir.
Alors j’ai remis une couverture sur toi, et j’ai pris ta main, pour te réchauffer.
Cette main qui m’avait donné ton nom avant que papa et maman ne scellent leur union.
Cette main, qui, lorsque j’étais enfant m’impressionnait : quand à la fin du repas, tu t’assoupissais devant la télé, la main tenant ton menton, ou tes doigts tapotant régulièrement la table de la salle à manger. Ou bien encore, lorsque tu prenais une pièce de 1 franc, entre le pouce et le majeur, et que tu nous apprenais à la faire virevolter sur la table.
Cette main qui mettait en route le poste de radio et le poste de télévision, pour écouter jouer l’équipe de Gueugnon, tout en regardant le match de foot à la télé.
Ces mains qui cultivaient les oignons, les poireaux, les pieds de patate, les tomates, les petits pois, la rhubarbe, les fraisiers. Et moi qui jouais à t’asperger avec le tuyau d’arrosage.
Cette main qui me cueillait des groseilles à maquereaux, pour ne pas que je me pique les doigts aux buissons.
Cette main qui rapportait cette bourriche, débordante de poissons pêchés du côté de Marnay, de la Darce de St Marcel ou de l’Etang du Rousset. Cette friture que tu vidais dans l’évier de la cuisine et que Mamie s’empressait de nettoyer.
Cette main qui rapportait des champignons des prés, ou des cèpes.
Cette main, qui me donnait une pastille blanche et jaune de Solutricine vitamine C, à l’heure du coucher.
Cette main qui tenait le frein à main de la 405 dans la rue qui monte en face du Mammouth.
Cette main qui avait tenu pendant 42 ans, les outils de la mine. Un sacré labeur. Un métier, un vrai, pas un truc de tapette. Que tu as d’ailleurs encore évoqué pas plus tard que le lendemain de Noël avec nous, pour mon 43ième anniversaire.
C’était le 26 décembre. Ce jour là, à la résidence, après avoir partagé l’opłatek, tu as expliqué à ta descendance, ton ancien métier de mineur : les petits wagonnets, le briquet, la couronne, le parment, la chandelle, la galerie, les coups de grisou. Ton papa qui était mort de la silicose…. Tes feuilles de blessure que tu refusais….sauf une fois, pour ta jambe ! Les enfants étaient impressionnés, et auraient voulu un guide comme toi au Musée de la Mine de Blanzy.
Cette main qui a rencontré celle de Noélie, Justine, Léo-Paul, Jules et Martxelin. Pour eux tu étais leur Grand-Papy, Grand Pépé, Papy Pote ! Tes yeux pétillaient de joie lorsqu’ils venaient te rendre visite. Ca te faisait tourner la tête dans tous les sens. Ton sourire en coin en disait long.
Un bonheur simple sans arrière-pensée.
Cette main, j’ai voulu te la tenir encore une dernière fois, pendant les premières heures de la nouvelle année. J’ai encore évoqué avec toi la sortie au Parc des Biches et l’après midi passé au bistrot du coin. C’était vraiment chouette.
Cette nuit-là, j’ai voulu te rassurer. J’ai prié Notre Père et Marie. Je t’ai dit de ne pas avoir peur. Que là-haut, ils sauraient te prendre par la main. Qu’il y aurait du monde pour t’accueillir. Edwige, Gérard, Stanislas, Anna, Casimir,…..
Ton visage a semblé me dire non, que ce n’était pas encore pour maintenant.
Je me suis assoupie parce que ta respiration était régulière. Et puis, une petite voix intérieure m’a dit : Isabelle, va rejoindre ton mari. J’ai lâché ta main. Bizarrement, elle était chaude.
J’ai caressé ton front. Je l’ai embrassé, comme quand on rassure un enfant apeuré ou sur le point de s’endormir. Et puis je suis rentrée chez moi, en toute sérénité……
Aujourd’hui, j’ai lâché ta main pour de bon. Sans peur ni tristesse. Apaisée. Les souvenirs seront encore présents en ma mémoire.
Alors, de là-haut, si vous m’entendez, prenez bien soin de mon Papy. Il l’a bien mérité. »
Isabelle, ta petite-fille
9 commentaires sur “« Hommage à mon Papy »”
Quel bel hommage!
A travers celui-ci, à travers cet Amour que l’on sent profond, je suis sûr que d’autres petits enfants se sont reconnus dans la relation avec leur grand père, en tout cas c’est mon cas.
Et puis, bravo pour ce texte très bien écrit qui a dû s’en faire serrer des gorges!
Je sais que votre courage est grand mais je vous souhaite quand même d’être forte pour continuer de faire « vivre » votre grand père »
JML
Michel Delpech par ci, Michel Delpech par là, on n’en a pas fait autant pour le grand Guy Béart, alors votre magnifique témoignage remet les choses à leur juste place ! Votre grand-père, mineur de fonds, méritait bien celà ! Et anonymement, il avait certainement autant de mérite que n’importe quel chanteur !
Avec tout le respect que je dois à ces trois personnes….
A la lecture de ce superbe hommage qui m’a ramenée bien des années en arrière,je ne peux que vous dire une chose,Madame:respect
Très bel hommage plein d ‘espérance, c’est votre papy qui continuera à veiller sur votre famille.
J’adresse mes profondes condoléances à Isabelle et sa famille… Avec la mort de ces anciens, c’est une immense bibliothèque de mémoire qui disparaît.
Le trajet d’Edmond Spychaj d’Allemagne à Montceau semble peu banal; Isabelle accepterait-elle de me contacter pour me l’expliquer plus en détail ?
Gérard Soufflet – rédacteur du site http://www.respol71.com
(contact gerard.soufflet@free.fr)
J’ai l’impression de m’ entendre quand je lis cet hommage à vôtre grand-père, pour moi c’était il y a cinq ans lors du départ de ma grand-mère, une partie de moi est partie avec elle mais que de beaux souvenirs qui resteront toujours en nous. Toutes mes sincères condoléances à vous.
Isabelle,
Je vous présente toutes mes condoléances.
Que dire pour vous consoler, que vous avez bien de la chance d’avoir eu un grand père comme ce Monsieur.
(Nous sommes encore nombreux dans la région a avoir les mêmes souvenirs…).
Si je peux me permettre, vous devriez aller voir le travail que réalise M. Soufflet, sur nos ancêtres venus de Pologne.
Encore toutes mes condoléances et respect pour votre vrai talent d’écriture.
Et avant tout gardez le morale c’est ce qu’ils auraient voulu !
Bien amicalement.
TF
Très bel hommage rendu a votre Papy
il veille sur vous !
bon courage
Merci Madame pour cet hommage vibrant à votre grand-père, j’en ai pleuré d’émotion, je me suis revue avec mon propre père, qui avait la même origine, la même personnalité et le même parcours…