Martine Aubry, la fille de Jacques Delors a appris à la France, la mort de son père ce mercredi 27/12/2023. Cet ancien président de la Commission européenne, ministre français, homme politique de gauche a marqué son époque. Nous n’allons pas faire un panégyrique mais nous allons tracer sa route qui a toujours été indépendante, novatrice et humaniste. S’il fut compagnon de route de François Mitterrand c’est avec Jacques Chaban Delmas, dont il fut un proche conseiller, qu’il émergea en politique.

Cet homme né en 1925 au sein d’une famille catholique, adhéra à la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne). Il entra en 1944 à la Banque de France au bas de l’échelle et en sorti en 1962 membre du cabinet d’un directeur général. Son indépendance d’esprit joua plusieurs fois au cours de sa carrière politique. 1945 adhésion au  MRP (Mouvement républicain populaire), départ assez rapide, puis en 1950 adhésion à la  Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), devenue ensuite la Confédération française des travailleurs (CFDT).

 1953 adhésion à  La Vie nouvelle un  mouvement catholique de gauche où il crée le club Citoyens 60.

1960 il co fonde avec Rocard Le PSU (Parti socialiste unifié) qu’il quittera ensuite car il ne supportait pas les atermoiements et discussions stériles du  socialisme utopique.

1963 Michel Rocard veut réunir  Citoyens 60 avec le PSU, Jacques Delors rejette fermement cette proposition.

1965 il rejoint l’équipe autour de  François Mitterrand, candidat à la présidence de la République contre le général de Gaulle, là encore un refus, celui de s’intégrer dans la Fédération de la gauche (futur PS), il rallie la Convention des institutions républicaines

1969 Jacques Delors, secrétaire général du comité interministériel de la formation professionnelle est appelé par Jacques Chaban Delmas comme conseiller à Matignon. Tout en refusant d’adhérer à l’UDR (Union des démocrates pour la République) il rédige pour le 1^er ministre une note portant sa vision de « nouvelle société ». Reprise dans le discours d’investiture de Jacques Chaban Delmas, l’idée connaît immédiatement un vrai succès et assoit son installation à Matignon.

Rappelons que Jacques Delors fut le père des contrats de progrès et du droit à la formation permanente pour les salariés.

1972, renvoi du gouvernement Chaban Delmas, Jacques Delors devient professeur associé à l’Université de Paris-Dauphine. Il y crée   le centre de recherche Travail et Société.

1973 il entre au conseil de la Banque de France.

1974 il adhère  à la section socialiste du XIIe arrondissement de Paris.

1975, publication chez Stock d’un livre de conversations avec le journaliste Claude Glayman : Changer.

1977, il refuse de se présenter aux municipales à Créteil, (un panier de crabes socialistes se dévorant entre eux) et aussi à Roanne.

1978,  refus de se présenter aux législatives en Corrèze.

Cette indépendance vis-à-vis des appareils politiques et la lutte de terrain on la retrouve le 11 décembre 1994 (à 69 ans) lors de son interview par Anne Sinclair, « Comme beaucoup le savent, je n’ai jamais organisé ma vie en fonction d’une carrière à réaliser ou de postes à conquérir. J’ai toujours essayé de choisir de travailler et de militer là où j’estimais être le plus utile pour les valeurs que je défends, pour la société et pour mon pays [.] J’ai décidé de ne pas être candidat à la présidence de la République. Ce n’est pas une décision qui fut facile à prendre, [.] Je vais atteindre 70 ans. Je travaille sans relâche depuis 50 ans. Il est plus raisonnable dans ces conditions d’envisager un mode de vie plus équilibré entre la réflexion et l’action »

1981 Jacques Delors. se retrouve au ministère des Finances avec sous sa responsabilité le ministère du Budget attribué à Laurent Fabius. Pierre Mauroy, premier ministre, nationalise à 100% alors que son ministre des finances, Jacques Delors, préconisait une prise de contrôle progressive des entreprises concernées. Octobre 1981 première dévaluation du franc arrimant ce dernier au Système monétaire européen.

1982 deuxième dévaluation, blocage des salaires et des prix, virage de la rigueur et à l’austérité. La France réussit à réduire l’inflation, son déficit commercial.

Jacques Delors y gagne une stature au niveau des partenaires Européens car la France, à leurs yeux, a respecté ses engagements internationaux. Les citoyens et JP Chevènement en ont parfois jugé autrement.

 

1985 – 1995 il présidera la Commission Européenne.

Jacques Delors restera pour les français comme pour les Européens, et sans doute encore plus pour ces derniers, le père du Marché Unique, dont il a lancé l’idée le 14 janvier 1985, devant le parlement Européen.

1988 au sommet de Bruxelles de février est adopté le « paquet Delors ». Il s’agit par ce document de tracer pour 5 ans  les contours économiques de l’Europe, d’élaborer un « plan Marshall » destiné aux régions les plus défavorisées.

1991, fondé sur les convictions profondes de Jacques Delors concernant  la construction européenne, est  signé le traité de Maastricht.

1er janvier 1993, le marché unique devient réalité.

1992 il fonde son club Témoin.

1996,  création de  la fondation Notre Europe devenu  l’institut Jacques-Delors

2017 l’institut Jacques Delors se dote d’un organisme de formation, « l’académie Notre Europe ».

Jacques Delors a aussi présidé le Conseil de l’emploi des revenus et de la cohésion sociale (Cerc).

Il écrivait ses mémoires.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a résumé simplement les choses ainsi : « L’œuvre de sa vie (…) a façonné des générations entières d’Européens, dont la mienne ».

Il est vrai qu’en plus de ce que nous avons énuméré chronologiquement il faut citer les réalisations européennes dues au travail et à la vision de Jacques Delors : marché unique, signature des accords de Schengen, Acte unique européen,  programme Erasmus d’échanges étudiants, réforme de la politique agricole commune, mise en chantier de l’Union économique et monétaire aboutissant à la création de l’euro…

Une œuvre, une vie, et ce grand serviteur s’est éteint dans sa 89^ème année comme vient de le dire sa fille Martine Aubry.

Condoléances à la famille, aux amis et compagnons de route.

 

Gilles Desnoix