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vendredi 4 janvier 2019 à 06:55

Alcool au volant à Montceau

.. 1 an de prison ferme avec mandat de dépôt et...



 




« Les faits sont simplissimes, expose la présidente Grosjean. Ça se passe le jour de Noël, il est environ 8 heures du matin. La police est appelée car un véhicule a perdu le contrôle rue de la Libération et a percuté un arbre, son conducteur a été transporté à l’hôpital. »

 

La police se rend à l’hôpital, le conducteur est dans un box de soins, « sans blessures apparentes, c’est une chance vu la violence du choc ».

 

 

Pas de blessures apparentes : ses blessures les plus anciennes sont toutes logées en creux dans ses addictions. Le prévenu a 28 ans, il est né à Saint-Vallier, et « actuellement je suis hébergé chez ma sœur à Montceau », « actuellement je suis sans emploi ». Les « actuellement » ne pèsent pas lourd au regard des boulets qu’il traîne : la drogue et un casier portant 14 condamnations. Casier ouvert en 2008 au tribunal pour enfants. Des conduites sans permis, des stups (usage, détention, transport), des vols, des dégradations, des outrages, des conduites sans permis. Ce jeune homme n’a jamais passé son permis de conduire.

 

 

Le 25 décembre il est placé en garde à vue pour conduite sans permis (il en découle forcément que la carte grise n’est pas à son nom et que la voiture n’est pas assurée), conduite sous l’empire des stupéfiants (test positif au THC et à la morphine, indice d’héroïne), sous l’empire de l’alcool en phase ascendante à 8 heures du matin (« j’avais bu de l’apéritif, mais beaucoup ») et in fine violence sur personne dépositaire de l’autorité publique. Quand l’adjoint de sécurité lui a demandé ses papiers, il s’est « excité, énervé » et lui a collé une mandale. « Un coup plutôt qu’une gifle, précise la présidente, car son visage fut marqué de deux contusions. » Le jeune homme ne se souvient de rien, son alcoolémie était supérieure à 2 grammes.

 

 

M. est en état de récidive légale, il est également suivi par un CPIP (conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation) pour un sursis mis à l’épreuve encore en cours. « Quelle est la première obligation de votre mise à l’épreuve ? – Me faire soigner en addictologie. – Non. – Travailler ? – Non, la première obligation est de ne pas commettre d’infraction. – Je suis conscient qu’en une nuit, j’ai gâché un an d’efforts. » C’est là que le bât blesse, car le juge d’application des peines considère qu’on a « atteint les limites du sursis mis à l’épreuve », alors qu’en même temps, maître Pereira le développe pour sa défense, il avait dit à son conseiller qu’il n’allait pas bien et qu’il avait « replongé ».

 

 

L’addiction à l’héroïne est la pire qui soit, dit-on. Sa franchise, et les entretiens qu’il a respectés, le mettaient en voie de « responsabilisation », une voie qui demande bien du temps quand on cumule, comme lui, les comportements délinquants, et qu’on perd sa jeunesse entre doses, recherche de doses, et incarcérations. Maître Pereira plaide l’inutilité et la dangerosité de la prison dans son cas, vu que « tout le monde le sait, on y trouve tout ce qu’on veut. Il risque de ne pas tenir le coup. » Le prévenu prend la parole en dernier et réutilise cet argument rationnel, mais en forme de pression, et ce n’est pas une bonne idée, mais c’est fait.

 

 

Maître Marceau souligne le sang froid de l’adjoint de sécurité en formation, âgé de 23 ans, de service le jour de Noël et qui reçoit ce coup, « se fait agresser ». Le vice-procureur, Charles Prost, requiert 2 ans de prison dont 1 an assorti d’un sursis mis à l’épreuve de 3 ans, avec mandat de dépôt. Le prévenu fait une mimique, qui semble dire « évidemment ». Placé en foyer, le petit garçon qu’il fut est passé par le Prado, puis par un foyer PJJ*, où il a fait une formation de boulanger, mais « j’ai pas eu le diplôme, et voilà ». La présidente s’étonne qu’il achète une voiture, alors qu’il n’a pas le droit de conduire… « Je l’ai achetée 500 euros, et en fait c’était pour la retaper et la revendre en faisant un bénéfice. »

 

 

M. soutient qu’il n’a pas touché à l’héroïne (« les traces de morphine, c’est mon traitement de méthadone, je le prends chaque matin. – Ah ? Dans la méthadone, il y a de la morphine ? Je ne sais pas du tout, dit la juge, mais l’infraction est constituée rien qu’avec le cannabis. »), reconnaît avoir fumé 2 joints pendant le réveillon. L’alcool accroît l’effet sédatif de la méthadone, ça peut expliquer la perte de contrôle du véhicule, en fait de « réveillon », il a commencé par s’assommer à coups de toxiques, puis s’est peut-être endormi au volant, puis sous l’effet de la peur (il savait, même ivre, ce qu’il risquait) est allé flanquer sa main sur un adjoint de sécurité.

 

 

Résultat : 1 an de prison ferme avec mandat de dépôt. Révocation de 6 mois de son sursis d’1 an. 2 amendes de 150 euros. Confiscation du véhicule. Interdiction de se présenter aux épreuves du permis de conduire pendant 2 ans. 300 euros d’indemnités pour le préjudice subi à payer à la victime, 300 euros pour ses frais de justice.

 

 

Pendant que la présidente lui lit la décision du tribunal, il fait à nouveau une moue, qui évoque la fatalité. Puis il se ressaisit, il regarde sa sœur dans la salle, il lui sourit, il lui fait signe qu’il sortira dans 7 ou 8 mois, et que pour les 6 mois révoqués il bénéficiera d’un bracelet électronique. Il lève son pied, montre sa cheville. Il a l’habitude, il comprend ce que la présidente lui dit, et, dégrisé, il a l’esprit assez clair pour ça. Il voudrait récupérer ses effets personnels qui sont dans la voiture. Il devra adresser une « requête aux fins de restitution au procureur de la République ». « Donc je fais une demande quand j’arrive en détention ? – Oui. »

 

 

C’était la première comparution immédiate de l’année 2019, ce jeudi 3 janvier. Elle est exemplaire de ce qu’on y juge le plus, et des peines qui y sont prononcées. Les alcooliques, toxicomanes, et conjoints violents en forment le contingent le plus important, pour ce qu’on y observe. Le corps social peut s’interroger, (c’est l’heure des vœux et des résolutions).

 

 

Florence Saint-Arroman

 

 

 

*PJJ : protection judiciaire de la jeunesse

 

 

tribunal 2208172






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