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vendredi 18 octobre 2019 à 05:32

JUSTICE

Le SPIP a 20 ans et sa mission principale est de prévenir la récidive



 



 

Le SPIP a 20 ans. Au service pénitentiaire d’insertion et de probation de Saône-et-Loire, installé rue Pierre Deliry à Chalon, on a marqué l’occasion en ouvrant les portes ce mardi 15 octobre, aux « partenaires » car ils sont très nombreux à travailler conjointement à la mission principale : prévenir la récidive. Alexandrine Borgeaud, sa directrice, nous a reçu un moment.

Pour bon nombre de citoyens, il n’est pas de peine valable en dehors de la prison (du moins, tant que ça concerne les autres, ndla) alors que des analyses montrent que dans plusieurs situations les peines de probation sont souvent plus efficaces. La tâche d’assurer le suivi des probations revient au SPIP, le service pénitentiaire d’insertion et de probation, souvent nommé dans les articles « justice », puisqu’il a en charge, via ses conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) tous les condamnés à d’autres peines que des amendes, d’une façon ou d’une autre.

Les CPIP sont formés à l’école de l’administration pénitentiaire

La première peine de probation digne de ce nom date de 1958, dans le cadre de la réforme Amor(1). Une ordonnance crée le sursis mis à l’épreuve, le SME, qu’on voit également très souvent dans les articles d’audience puisqu’il complète en général une peine ferme (quoiqu’il puisse exister tout seul également). A cette époque, le suivi en « milieu ouvert » (le « milieu fermé » désigne la prison) vivait grâce à beaucoup de bénévoles, et tout cela a bien changé. Les CPIP (les conseillers) et les DPIP (les directeurs) sont tous agents de l’administration pénitentiaire, formés à l’ENAP (L’école nationale d’administration pénitentiaire) située à Agen.

Des visées sociales qui datent de 1945

En 2009, grande étape sous l’impulsion de la refonte de la fonction publique. Les pouvoirs publics traquent les dépenses, or une peine d’incarcération coûte entre 150 euros et 400 euros (les très longues peines exécutées en centrales) par jour, une peine de probation et/ou le port d’un bracelet, quelques dizaines d’euros. C’est mathématique : on va développer les peines en milieu ouvert (2). Voilà pour les logiques d’administration, mais tout repose sur une conception de l’homme et des visées sociale qui datent de 1945 et mettent l’accent sur « l’amendement et le reclassement social du condamné ».

La France a du retard en criminologie

Le SPIP se dote donc de ses propres outils, et petit à petit se forge sa propre culture. Il faut attendre 2008 pour connaître les premières « doctrines métier », c’est dire si c’est récent. Alexandrine Borgeaud est intarissable sur les courants de pensée qui ont influencé les esprits et les orientations. Elle retient un point principal : il n’existe pas en France de cursus exclusivement dédié à la criminologie, alors qu’au Québec c’est institué au point que de nombreux outils de travail viennent d’outre atlantique, comme le programme « Parcours ».  Ce mardi, les CPIP animaient des ateliers d’information sur le bracelet électronique, le TIG (travail d’intérêt général), le programme Pass Sport Santé, sur le travail du SPIP au centre pénitentiaire, etc.

Repérer les « facteurs pré-disposants » à la récidive

L’évaluation est le premier travail d’un conseiller qui rencontre une personne condamnée. Les outils du SPIP permettent un travail plus précis et plus efficace. On repère les « facteurs pré-disposants » à la récidive, et on travaille dessus. « Il faut du temps, il faut bien les 2 ou 3 ans de durée habituelle des SME, pour que quelqu’un ait pu identifier le nœud de son problème, ait envie de le traiter, et qu’il ait intégré quelque chose d’utile pour affronter autrement ce le précipitait dans le passage à l’acte ». Les approches comportementales et cognitives suffisent pour la majorité des prévenus, car le gros des comportement délinquants est une sorte de flux de gens surtout marqués par des représentations et croyances jamais interrogées.

En Saône-et-Loire, la porte d’entrée principale à l’infraction : les délits routiers

Du coup la dynamique de groupe est irremplaçable « pour confronter les croyances et les représentations. Ce qui vient d’un pair sera mieux entendu et compris que si ça vient d’un professionnel ». Groupe de sensibilisation aux violences, à la citoyenneté, aux délits routiers, aux infractions à caractère sexuel, etc. Un chiffre : « En Saône-et-Loire, la porte d’entrée principale à l’infraction et au délit à hauteur de 40 %, c’est les délits routiers, dont bon nombre d’entre eux impliquent la consommation de psycho actifs. Les fameuses conduites sous alcool ou stupéfiants, ainsi que les contentieux réglementaires qui y sont associés (conduite sans permis, sans assurance, etc). »

Des pratiques spécifiques de prise en charge des condamnés

La représentation de la délinquance a elle aussi évolué, il est acquis que tout le monde va, au cours de sa vie, transgresser telle ou telle loi. La plupart le fait en sachant qu’elle le fait, et en étant prêt à en assumer les conséquences au cas où. La représentation de la prison est plus fine également : l’enfermement est d’abord une peine qui doit faire mal, être ressentie comme douloureuse, mais on sait qu’elle peut renforcer l’opposition à la société, « la réactance », parce qu’elle désocialise. C’est une mesure de sûreté parce qu’elle écarte et isole : autant la réserver à des nécessités.
Le savoir en criminologie ne cesse d’affiner les analyses sur les actes délinquants, le SPIP se nourrit de ce savoir pour bâtir des pratiques spécifiques de prise en charge des condamnés, qui ont non seulement du sens mais qui font leurs preuves. Le mandat judiciaire pose un cadre contraint, voire coercitif, même en milieu ouvert.

« Le travail important que nous menons sur les pensées et les croyances »

Le public était nombreux au rendez-vous anniversaire pour se familiariser davantage avec ce monde si particulier qui parle aussi de nous tous, sous certains aspects. « Tant qu’ils (les personnes condamnées) sont dans des justifications de leurs passages à l’acte, ils restent sur le terrain glissant de la récidive, d’où le travail important que nous menons sur les pensées et les croyances : il permet de sortir d’une zone à risque, de reprendre pied, et d’aller de l’avant. »

Florence Saint-Arroman

(1) 1945 Réforme dite « Amor », du nom du nouveau directeur de l’administration pénitentiaire, qui institue une politique d’humanisation des conditions de détention afin de parvenir à l’amendement et au reclassement social des condamnés. Parmi les quatorze points de la réforme, figurent les principes de la modulation de l’exécution des peines en fonction de la conduite des détenus et du travail comme obligation et comme droit.

(2) C’est à nouveau le cas maintenant puisque le législateur envisage la création d’une peine de détention à domicile (développement de l’usage du bracelet électronique).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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