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vendredi 1 novembre 2019 à 05:50

Justice –Appartement “visité” à Bellevue

6 mois de prison dont 3 mois sont assortis d’un sursis pour le jeune homme





« Je tenais à m’excuser auprès des victimes, et… et… j’sais pas. » Il ne sait pas. Il a 18 ans, il est poursuivi en comparution immédiate pour une tentative de vol par effraction. Il est en état de récidive légale. Il a été jugé ce jeudi 31 octobre et ce soir il dort en prison.

Effraction d’un appartement

Dimanche dernier, le 27 octobre, un des habitants d’un immeuble du quartier Bellevue à Montceau-les-Mines entend des bruits au 6ème étage, pourtant inhabité, il appelle la police. Puis il voit quatre jeunes qui caltent, il les bloque. Il y a deux filles et deux gars. L’un d’eux lui dit de le laisser passer car il porte un bracelet électronique et ne veut pas retourner « à Varennes ». Le monsieur s’emporte et lui met un coup de tête, heureusement la police arrive et intervient pour mettre fin à la scène qui démarrait. Les policiers vont jusqu’au 6ème étage jeter un œil : la porte est fendue. On interpelle alors les quatre minots, les filles sont mineures.

Un garçon épuisé et malheureux

Dans le box, A. est tout seul pour répondre de ses actes. Il est tout seul également pour son jugement : nul n’est venu pour lui, sauf son avocate. Cette tentative de vol ? « Il voulait impressionner les filles », a dit en audition l’autre garçon du petit groupe. Possible. L’appartement était vide, il ne restait que de pauvres ampoules au bout des fils électriques, ils les ont brisées comme des gosses feraient les 400 coups. Maître Ravat-Sandre le plaidera, « une bêtise, il n’a pas réfléchi ». Ce n’est pas un jeune homme frondeur, c’est plutôt un garçon épuisé et malheureux, certainement capable à ses heures de défis et de provocations mais pas aujourd’hui. Il a l’œil éteint, même pas animé par quelques ébauches de sourire.

Le système socio-judiciaire, lui, n’est pas du genre à venir vous faire un bisou le soir

« Votre casier est lourd, c’est vrai, parce que vous êtes très jeune, dit le président Dufour. C’est votre première fois devant un tribunal correctionnel, c’est pas pareil, hein ? » Le jeune garçon acquiesce. Ce sera quasiment la seule reconnaissance de ce que lui vaut sa majorité. Pour le reste, il est traité en adulte, et le traitement est rude. Son profil, comme on dit, évoque hélas ceux d’autres gamins, pris très tôt dans les rets judiciaires et qui y restent. Ils y sont pris parce que finalement il n’y a que l’autorité judiciaire qui s’occupe d’eux, et même si les magistrats sont humains, le système socio-judiciaire, lui, n’est pas du genre à venir vous faire un bisou le soir, en vous bordant.

4 ans en foyer, « assistance éducative » et tribunal pour enfants

Ce garçon vit à nouveau chez sa mère mais fut placé en foyer de 12 à 16 ans, dans le cadre d’une assistance éducative. Il a 12 ans en 2013, le premier jugement par le tribunal pour enfant date de 2015. Ses années de foyer, dans un cadre éducatif, donc, se soldent par des vols, des dégradations, des condamnations pour usage de stups, et autant de condamnations. « Mesure de protection judiciaire », « mesure de réparation », « admonestation », puis la prison avec sursis, puis de la prison ferme. « Vous savez lire et écrire », dit le président. « Il a arrêté l’école en 5ème », précise maître Ravat-Sandre.

« A ma sortie de prison, j’ai jeté tous les papiers que j’avais avec moi »

Les adultes qui le jugent lui renvoient ce qu’on a fait « pour lui ». Nul ne doute que ça ne soit vrai, mais lui, comment peut-il le ressentir ? Il est habitué à dire oui, à entendre de la morale, et qu’il faut qu’il se responsabilise. Alors il dit « oui ». Il commence souvent par dire « je sais pas », mais le président n’aime pas cette réponse, elle n’a rien de satisfaisant. Parfois le garçon s’anime, mais c’est rare. Par exemple, on lui reproche de ne pas savoir par cœur les obligations et interdictions auxquelles il était soumis, ces derniers temps. Il se penche vers le micro pour dire très vite pourquoi, parce qu’il sait pourquoi, parce que certaines choses ont du sens, tout de même : « A ma sortie de prison, j’étais tellement pressé de sortir, que j’ai jeté tous les papiers que j’avais avec moi. »

Le bracelet électronique est « une marque de confiance »

Réponse : « Justement, ça montre que vous ne tenez pas compte des avertissements de la justice. » Une juge assesseur lui demande « que faut-il faire pour que ça s’arrête ? » Le très jeune homme, las, fatigué, laisse couler dans le micro : « Franchement, je pourrais pas vous dire, madame. » La substitut du procureur expose que « la gravité, finalement, relève surtout du contexte », qu’il est en état de récidive légale, qu’« il a commencé très tôt, il s’est véritablement ancré dans la délinquance ». Elle dit que « le bracelet électronique » est « une marque de confiance ». C’est possible, on sait surtout que c’est la poursuite d’une incarcération aménagée en milieu ouvert. N’empêche on explique au garçon que désormais on est en droit de lui reprocher, encore davantage, son comportement, à cause de cette confiance trahie. Elle requiert 6 mois de prison ferme et son maintien en détention.

Auteur d’infractions et victime d’un crime

Trahison pour trahison, maître Ravat-Sandre rappelle posément au tribunal qu’elle a assisté le prévenu alors qu’il était mineur et victime d’agression sexuelle, par un adulte, « dans un contexte assez pervers ». Le garçon a plongé la tête très bas devant lui, quand il la redresse il est rouge feu. « Il n’est pas remis, il a beaucoup de mal à en parler, et à s’en délivrer. » Le garçon est tout marbré de rose foncé. Sa confiance, la confiance qu’il pouvait avoir dans les adultes chargés de lui, la confiance qu’il pouvait avoir dans la vie devant lui, mise en charpie, explosée, trahie, une fois, deux fois, trois fois. Est-elle réparable ou lui faut-il avancer ainsi, dans cet état, à devoir rendre des comptes à une institution qui, puisque sa majorité le sort du cabinet du juge des enfants et le met dans la cour des grands, va se montrer encore plus exigeante et encore plus répressive ?

« Il a le sentiment qu’il ne va pas s’en sortir »

Son avocate conclut, réaliste : « Il va payer pour des faits pas graves en soi, mais inscrits dans un parcours. Il a le sentiment qu’il ne va pas s’en sortir, il est assez résigné. » Elle plaide donc pour, certes, une sanction qui rappelle la rigueur de la loi (le vol est interdit), et un aspect qui tiendra compte de sa vie, de ses démarches, « un début de quelque chose à encourager » dit encore l’ancien bâtonnier qui ajoute, « on dit souvent que pour avancer, il faut rencontrer les bonnes personnes ».

Maintien en détention

Le tribunal déclare le jeune homme coupable, le condamne à 6 mois de prison dont 3 mois sont assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. Obligations de soins (addiction au cannabis) et de se former ou de travailler. Le tribunal ordonne son maintien en détention.
 « Je tiens à vous signaler, lui dit enfin le président, que vous encourriez 20 ans de prison pour tentative de vol par effraction, en réunion (l’état de récidive légale double la peine encourue, ndla). On aurait pu vous condamner à 20 ans, mais on a tenu compte de votre situation. » Le jeune homme à l’enfance bafouée se lève. Il dit « au-revoir ». L’escorte pénitentiaire lui entrave les mains.

Florence Saint-Arroman

 

 

 



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2 commentaires sur “Justice –Appartement “visité” à Bellevue”

  1. kilukru dit :

    Quand je lis cet article si bien rédigé, j’ai mal au coeur !!! Un ancien bâtonnier trouve les mots juste « il faut rencontrer les bonnes personnes ».

    Je souhaite de tout coeur à ce môme de s’en sortir et de croiser le chemin de bonnes personnes, parce que celles qui l’ont conçu et jeté dans ce monde impitoyable EUX ne sont pas punis.

  2. Loulou1 dit :

    en réponse à Kilukru. Oui je suis d’accord l’entourage a vite fait de vous faire faire n’importe quoi si vous êtes un temps soit peu influençable. De plus à la lecture de l’article on note que ce jeune a vécu dans son enfance des choses plutôt dramatiques. MAIS ! il n’en n’est pas moins question de fermer les yeux et de le considérer plus en victime qu’un petit délinquant. si personne n’arrête les agissement de ce petit gars aujourd »hui demain il braquera pour acheter son cannabis c’est certain;l’isoler longtemps en prison ne servirait à rien si ce n’est qu’à lui faire connaître pire que ce qu’il est; Donc le mettre un peu au vert oui mais surtout toucher ou supprimer ce quoi à quoi il tient;et l’obligation avec un grand O d’œuvrer j’entends par là les TIG ( travaux d’intérerêt généraux) sans solde bien sûr pour au moins lui montrer ce qu’est le travail. Il en a d’ailleurs un tout trouvé : celui de réparé entièrement et de ses bras les dégâts commis pour pénétrer dans l’appartement. !