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mardi 18 février 2020 à 06:35

TRIBUNAL DE CHALON

X de Montceau,12 mois de prison pour de multiples délits



 

 



Avec son cousin (mineur, jugé bientôt), ils ont quitté Montceau sur le scooter « en libre-service » de leur quartier. Virée de décembre. Arrivés sur Collonge la Madeleine, panne d’essence. Dans la cour d’une ferme, une Citroën, les clés sur le contact. Les deux garçons repartent en voiture.

Début janvier, sur la commune d’Ouroux, des gendarmes contrôlent cette Citroën. Le jeune conducteur leur dit directement : « Je n’ai pas de permis de conduire. » Les gendarmes vérifient, trouvent la plainte pour le vol du véhicule. Le garçon est placé en garde à vue. Il avait fumé deux joints la veille, les analyses lui valent une autre prévention. Il est en état de récidive légale pour tout : la conduite sans permis, le recel (scooter – les véhicules en « libre-service » dans les quartiers sont volés), le vol (voiture), et la conduite sous l’empire de stupéfiants.

 

Il n’a pas d’avocat

C’est un tout jeune homme. Stature d’homme et visage de minot. Il a 18 ans, il vit à Montceau. Le 20 janvier dernier le tribunal l’a placé sous contrôle judiciaire c’est pourquoi il comparaît libre ce lundi 17 février à l’audience de comparution immédiate. Il n’a pas d’avocat. Il dit qu’il a fait une demande d’aide juridictionnelle « avec la dame de l’AEM », mais que son dossier n’est pas encore passé en commission, du moins c’est ce qu’il a compris. Alors voilà, il va être jugé sans avocat parce qu’il ne justifie pas d’avoir fait cette demande d’AJ, et que « le tribunal considère que vous avez été négligent ».

 

Le tribunal et le parquet vont le bousculer

« Vous n’avez jamais passé le permis de conduire, qu’est-ce qui vous fait penser que vous savez conduire ? » Le garçon bredouille, « je ne sais pas ». Le président Dufour hausse le ton : « Pas de ‘je ne sais pas’, je déteste ça ! » Le tribunal et le parquet vont le bousculer, le confronter au sens des responsabilités qu’on exige des personnes majeures, et c’est son cas, même si plusieurs interlocuteurs le décrivent comme « immature ».

 

Etat de récidive légale, versus des bases à bâtir

On sait bien que les enfants, c’est comme les salades : ce n’est pas en tirant dessus qu’on les fait pousser. Mais, lorsqu’un jeune majeur est jugé en état de récidive légale pour un cumul d’infractions graves, on recherche une prise de conscience, quelque chose qui le fasse grandir. Clémence Perreau, substitut du procureur, prendra ses réquisitions dans ce sens. Elle va parler pour lui, s’adresser à lui, et lui exprimer le plus clairement possible pourquoi la justice s’inquiète de ces récidives mais en quoi elle prend aussi en compte ses possibilités à lui de se sortir de cette ornière sans futur habitable.

 

L’enjeu : qu’il tienne la rampe

Le président s’y emploie durant toute l’audience, alternant des moments d’autorité et des moments de compréhension, car, y a pas : personne ne pourra à la place de ce jeune homme faire le chemin. Il faut qu’il s’y engage, et surtout qu’il tienne. L’enjeu est là : qu’il tienne la rampe, qu’il s’arrime à la vie sociale, à sa propre vie. Cela a commencé lors du contrôle judiciaire, organisé avec un accompagnement individuel renforcé (AIR, mené par l’AEM, association enquête et médiation). La mission locale était déjà dans le coup, et son rôle a pris une importance capitale car le jeune homme a intégré le dispositif « Garantie jeunes », un moyen pour lui d’aller se former, de trouver un métier, puis de gagner sa croûte, et son autonomie. Il le voit bien ainsi.

 

Son kif absolu c’est la climatisation

« Vous avez été placé, enfant. Vous savez pourquoi ? – Pas vraiment. – A quel âge ? – Je ne sais pas, j’étais petit. » Il avait 8 ou 9 ans, à 16 ans il retourne chez ses parents, « au début ça a été dur, il faut se réhabituer ». Il était engagé dans un CAP serrurier mais il a lâché, « ça ne m’intéressait pas ». Non, lui, son kif absolu c’est la climatisation. « Mais j’étais en 3ème SEGPA, alors ce n’était pas possible. » Il devait intégrer l’école de la 2ème chance au printemps dernier, mais il fut écroué (d’où l’état de récidive légale aujourd’hui). Désormais, il reste la Mission Locale, autant dire qu’il semble y tenir. Il va faire un stage en mécanique, mais, « sinon, j’aimerais me former dans la climatisation ». Son kif. Stable et constant.

 

La drogue en prison

Le point shit. « Je consommais un peu, et puis à Varennes (au centre pénitentiaire), c’est monté, mais là ça va mieux. » Le président le constate, car c’est un fait, mais sur un ton qui indique que ce fait n’est pas tout à fait cohérent avec la raison d’être d’une prison, si l’on peut dire. « Ben oui ! Y avait des stupéfiants en prison, bien entendu. Il faut arrêter définitivement, poursuit-il, car ça coûte et ça ne rapporte que des condamnations. » Sans compter, précisera la substitut du procureur, que « la consommation de stupéfiants multiplie par 12 le manque de réflexe au volant. »

 

« Ça m’a plus, ça m’a vraiment plu »

La période de contrôle judiciaire a permis au garçon d’exécuter des travaux d’intérêt général auxquels il fut condamné en septembre 2019 : « ça m’a plus, ça m’a vraiment plu ». Il dit avoir des relations compliquées avec son père, mais ce dernier est présent, pour le coup. Il l’emmène en voiture pour lui faciliter certains déplacements, pour que ça aille, pour que ce garçon-là ne retourne pas en prison. Il est au fond de la salle, il se fait un sang d’encre pour son fils. Comme quoi rien n’est linéaire, comme quoi rien n’est jamais gagné ni perdu d’avance.

 

« A l’avenir, occupez-vous bien de vos affaires »

La voiture volée sentait « la vache », alors les cousins l’ont nettoyée et briquée, le propriétaire l’a retrouvée plus propre. On en sourirait presque. « A l’avenir, occupez-vous bien de vos affaires, monsieur. Pas de celles des autres, des vôtres. » Parole parentale. Le parquet requiert une peine qui soit aménageable. L’accompagnement individuel se passe bien, « c’est un processus encourageant qui ne doit pas être brisé ». Elle demande 10 mois de prison. Il a déjà un sursis mis à l’épreuve, jusqu’en août 2021. Le jeune homme n’a parlé que d’une voix basse, parfois presque cassée, souvent à la limite de l’audible. Il présente des excuses, il dit qu’il regrette.

 

Une sanction : 8 mois de prison
Un objectif : qu’il tienne la rampe

 

Le tribunal le condamne à une peine de 12 mois de prison dont 4 mois seront assortis d’un sursis mis à l’épreuve. Il devra se soigner, travailler ou se former, et indemniser la victime (une partie civile, pour le vol du scooter). Le suivi renforcé avec l’AEM est reconduit. Le sursis mis à l’épreuve se prolonge donc encore un peu plus loin : tout est fait pour l’aider à tenir la rampe.

« Si vous commettez une autre infraction, monsieur, je vous garantis que vous dormirez à Varennes, et que tout ça sera fichu en l’air, de votre fait. »

 

 

Florence Saint-Arroman

 

 

 

 



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