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jeudi 4 mars 2021 à 18:07

Assises de Saône et Loire

Procès du meurtre d'Alain S. à Montceau-les-Mines  : Un expert judiciaire en balistique et munitions devant la Cour



 



 

« Sur l’angle de tir, on est certain. Le tir provient obligatoirement du côté droit, c’est-à-dire du garage Mazda. » Bernard Lucas, expert judiciaire en balistique et munitions, a déposé mercredi 3 mars, de 21 heures à minuit, devant la Cour d’assises de Saône-et-Loire, au procès de Louis et Auguste M., accusés d’avoir tué Alain S., fin août 2015. 
 

 
Le garage Mazda, avenue des Alouettes à Montceau-les-Mines, n’existe plus. Il était situé à peu près en face du numéro 47, et c’est sur son parking que Louis M. avait tourné pour stationner son Iveco, son camion-benne. L’autre accusé, Auguste M., avait arrêté son utilitaire Berlingo vers la pharmacie. Chacun d’un côté de la route, et la présence sur les lieux de Charles S. et de son frère Alain. 
 
Quatre hommes, un mort. Quatre hommes ou cinq, si l’on en croit Charles, dit Bichette, qui maintient que dans le Berlingo, « ça parlait ».  On nage dans les incertitudes quand l’expert vient dire : le tir qui a touché Alain S. provient du côté droit de l’avenue des Alouettes, quand on la monte. 
 
 
L’expert judiciaire commence par un exposé didactique à la Cour, pour les jurés qui courageusement  enquillent leur dixième heure d’audience. Bernard Lucas précise ses conditions de travail, lesquelles conditionnent à leur tour le cadre au sein duquel il va rendre ses conclusions. « Intervenant 10 jours après les faits, je ne disposais pas de la procédure, je n’avais pas assisté à l’autopsie, je n’avais pas le rapport d’autopsie. »
 
 
Il constate que la Yaris de Charles S. est « constellée », à l’intérieur, du sang du blessé. C’est normal, Charles a transporté son frère à l’hôpital.  A Montceau, sur la scène de crime, les policiers trouvent une serpette sous un grand panneau perpendiculaire à la route, sur le côté gauche (en montant), celle d’Alain S. disent les accusés. Ils trouvent un tee-shirt, sur le côté droit, celui de Louis M. Sous ce grand panneau, une gerbe en pointillé : les impacts de plombs. 
En marchant vers l’intérieur de la zone, un buisson. « La végétation est intéressante, car quand un plomb casse une branche, la cassure est très caractéristique du plomb. » Il n’y trouve que deux traces, « c’est insuffisant ».  Sur la boîte aux lettres installée sous le panneau, de nombreux impacts : les plombs sont arrivés perpendiculairement à la boîte. 
 
 
La gerbe « est l’élément principal au plan balistique ». Quand la cartouche est tirée, si elle a un concentrateur, ça fait un « effet balle » au départ, sur 3 à 4 mètres, puis plus le contenu de la cartouche avance dans son vol, plus il s’écarte. Cela peut aider à indiquer une distance. Ici, l’expert l’estime « entre 10 et 20 mètres », il estime donc que le tireur pouvait se trouver à environ 15 mètres de sa cible, avec un angle de tir de 15 degrés environ, cela le situe en gros sur la piste cyclable.
 
 
Sur la façon dont il a atteint Alain S. : la victime a pris une partie de la gerbe, le reste est passé sur le côté. Blessé sur la face avant du buste, sur le bras droit (et pas le gauche), au visage, au cou, et, plus intrigant, sur le dessus du crâne. Du coup la Cour parle « posture », car l’expert dit que si la victime se tenait penchée, le crâne dans l’axe horizontal, alors ça peut expliquer les impacts. Maître Rollet relève le mystère de la plaie numéro 4 : au coin interne d’un oeil… Bernard Lucas raconte un peu les plombs qui ricochent, qui glissent, et qui peuvent causer des impacts a priori incompréhensibles et qui pourtant s’expliquent. 
 
 
Il est en effet difficile pour l’expert de penser que la victime aurait reçu deux tirs. Cela expliquerait pourtant plus facilement les blessures sur le crâne. On pourrait alors avancer l’hypothèse que le premier le frappe de face, qu’il tombe ou se plie en deux, et qu’au second il est blessé sur le dessus du crâne. Mais voilà ce qui coince : le nombre d’impacts total sur la scène. Sur le corps il relève 75 plaies (sachant que certains plombs ont pu causer 2 orifices), et sur place il compte 60 à 70 impacts, cela ne correspond pas à deux tirs. Le nombre d’impacts correspond donc à une gerbe, sans qu’on puisse pour autant être absolument affirmatif.
 
 
En effet, une cartouche « classique » chargée de 36 grammes de plombs* n°2, contient 115 à 130 grains. Un seul tir justifie les impacts relevés, voilà pourquoi l’expert avance qu’un seul tir a pu avoir lieu, « cela n’exclut pas des tirs de semonce » qui pourraient, eux, corroborer les témoignages qui parlent de 2 voire 3 détonations. Les deux cartouches Winchester, de calibre 12, retrouvées dans le camion de Louis M., sont fabriquées sous licence en Italie. On a trouvé avec, deux cartouches de défense, Gomm Cogne.
 
 
En résumé : la police trouve la serpette d’Alain S., pense-t-on, au sol devant le panneau sous lequel subsistait une gerbe en pointillé. Le tireur était placé du côté droit de la route, il a tiré avec un angle de 15 degrés, et atteint sa cible, de nuit, à environ 15 mètres. 
Pour les avocats de la défense, ces constatations excluent Auguste M. comme tireur potentiel. C’est sans compter les déplacements possibles sur la scène. A quel témoignage se fier dans cette affaire ?
 
 
Florence Saint-Arroman 
 
 
* On apprend au passage que les cartouches françaises sont réputées être parmi les meilleures productions mondiales. Les poudres françaises sont produites par la SNPE, « ce groupe dépend du même programme que celui de la fusée Ariane, en tous cas à l’époque », dit Bernard Lucas.
 
 
 
 
 
 
meurtre 3008152
 
 
Le lieu du drame
 
 


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