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vendredi 5 mars 2021 à 05:54

Assises de Saône et Loire

4ème journée du procès du meurtre d'Alain S à Montceau-les-Mines  : L’expertise médico-légale : il y a eu deux directions de tirs



 



 

« Il part avec des données tronquées puisqu’il n’y a pas de fusil(s). » La présidente parle de l’expert en balistique qui a déposé la veille au soir. À la barre, ce jeudi 4 mars, le professeur Irène François-Pursell, médecin légiste.

Elle dépose depuis le début de l’après-midi. Il est 19 heures, et les débats entre professionnels font rage autour de la question du tir ou des tirs. On repart pour un tour de piste, en ce quatrième jour du procès d’Auguste et Louis M., accusés d’avoir volontairement et avec préméditation, tué Alain S., dans la nuit du 29 août 2015 à Montceau-les-Mines.

Y a pas de fusils, y a pas de vêtements. Les acteurs impliqués à des degrés divers dans ce drame ont tous eu plusieurs heures dans la nuit pour se débarrasser de leurs armes et de leurs effets. « Ils ont tout brûlé dans des tonneaux », disait Charles S., frère de la victime, à la barre. Ça se peut, mais dans le même temps il soutient que son frère Alain ne portait aucune arme, et pourtant l’ADN de celui-ci est retrouvé sur la serpette et sur le manche du club de golf – « il y a eu contact », dit la présidente -, trouvés sur la scène de crime. Alors qui croire, que croire ?

 

Ne pas permettre la manifestation de la vérité, tout en disant la savoir

Y a ceux qui ne veulent rien dire, y a ceux qui racontent des craques, y a ceux qui parlent mais ne veulent pas répondre aux questions. On a un panel assez complet de toutes les façons de se taire ou de parler pour ne rien dire de vrai. Or une seule chose intéresse une Cour d’assises : ce qui permet la manifestation de la vérité. Partant de là, les experts sont maintenus à la barre très, très longtemps, on tente d’objectiver des faits, de sorte que les jurés aient quelques repères. Du coup, tout le monde regrette vraiment que l’expert en balistique et le médecin légiste n’aient pas été convoqués en même temps. Leurs savoirs auraient pu être complémentaires, allez savoir.

 

Photos du cadavre sur la table d’autopsie

 

Pendant que la professeur en médecine attaque sa sixième heure debout à la barre, revenons sur quelques éléments. La présidente a suspendu un moment l’audience pour permettre à la légiste de rassembler des clichés. Les parties civiles quittent la salle, quelques membres de la famille des accusés restent, mais baissent leurs têtes et ne les relèvent plus : sur les grands écrans télé installés de part et d’autre de la salle apparaît le cadavre d’Alain S. sur la table d’autopsie. Et le professeur François désigne à l’aide d’une longue baguette les différentes blessures que porte ce corps martyrisé (par les circonstances du décès).

 

Les plaies sont passées en revue

 

Les plaies des genoux : « Elles ne sont pas récentes, mais ça a vraiment frotté fort sur un terrain rugueux. » Les orifices causés par les plombs (sachant qu’il y en avait également à l’intérieur du corps) ; les deux plaies contrariantes puisque situées en dessous de la ligne d’épaule, sur la face postérieure ; l’estafilade par arme blanche sous le bras (causée lors de la scène à Saint-Sernin du Bois) ; « là, ça peut être des plombs qui ont circulé, ça se voit assez souvent », dit-elle en montrant une plaie non plus ronde (la plupart le sont) mais comme un trait ; gros plan sur la plaie au coin interne de l’œil ; gros plan sur une dent cassée ; des tas d’impacts sur le côté du cou et du crâne ; enfin, un hématome rectangulaire et long sur un côté du dos.

 

L’expertise médico-légale : il y a eu deux directions de tirs

 

D’où vient cet hématome ? « Il est récent, il a moins de 24 heures, les contours sont très nets et le bleu est vif. » Tout cela est propice à l’imagination mais l’on songe qu’avant la scène fatale à la vie d’Alain S., il y eut trois altercations et rixes, ce même jour. Ces hommes se sont battus, avant de peut-être chercher à s’entretuer. Quant aux impacts qui étaient déjà dits problématiques, lors de la déposition de l’expert en balistique, soit sur le côté et sur la tête : « C’est ce qui m’a fait penser qu’il y avait deux directions. » Réponse confortée par les blessures sur le visage : une partie sur la face, une partie sur le côté.

 

La blessure de Joseph à la tête : un coup violent

 

19h15, la présidente soumet au médecin légiste des photos, lui demande de les regarder et de dire ce qu’elle en pense. « C’est quelqu’un qui a pris un coup violent sur la tête, qui a fait éclater le cuir chevelu. C’est le genre de blessure qu’on voit quand il y a un coup de barre, par exemple. » Il s’agit de la blessure de Joseph, quand il a saigné à Saint-Sernin du Bois. David, fils d’Alain S. a reconnu lui avoir sauté dessus pour se battre, a toujours contesté lui avoir mis un coup de couteau ou de serpette, alors que circulait l’info selon laquelle il l’avait « coupé ». Il se pourrait donc David ait dit vrai, sauf qu’il faudrait maintenant savoir quel objet contondant a servi.

 

« Personne n’a de téléphone, même si ils en ont tous un dans les mains »

 

Au point où on en est, est-ce la priorité ? A 19h50 on appelle enfin Christophe Jolivot, enquêteur à la DIPJ de Dijon, et directeur d’enquête sur cet assassinat, à la barre. Il était de permanence judiciaire la nuit du 29 août. Il entend Charles S. au petit matin, « il était effondré ». Le policier synthétise aisément l’ensemble du dossier : « Je me trouve avec mes collègues devant un mur. Les gens ne veulent pas parler. Personne n’a de téléphone, même si ils en ont tous un dans les mains. Ils disent : `Des gens savent’…. Mais… » L’enquêteur n’a qu’une affirmation : un homme est mort, tué par deux cartouches de plombs différents, de 4 mm et de 6 mm.

 

Non, pas deux plombs différents…

 

Mais vers 22 heures, maître Pichoff. revient sur ce point : « Il n’y a qu’un type de plomb. L’expert l’a dit, un seul type de plomb. » L’enquêteur : « Je me réfère au procès verbal établi par mon collègue qui assistait à l’expertise balistique, qui dit : plombs de 4 mm et de 6 mm. » Maître Pichoff. se fait catégorique : l’hypothèse d’un tir unique est envisagée. Le directeur d’enquête précise qu’il n’a pas eu ces informations là au moment où l’expertise fut faite. « C’est ainsi que la Cour avance, dans l’oralité des débats », conclut l’avocat.

 

« En réalité on ne sait pas pas grand chose »

 

Disons qu’on avance surtout, à ce moment-là, en direction des jurés qu’il faut convaincre, et des plaidoiries qui ne vont pas tarder – ce vendredi 5 mars- et clore les débats. Maître Schwerdorffer ferme la marche (chaque avocat est intervenu). « Le seul témoin est monsieur X (la famille qui revenait de la fête foraine et qui est passée avenue des Alouettes pile au mauvais moment, ndla), sur le reste on n’a que leurs paroles et en réalité on ne sait pas grand chose. C’est ce qui résulte de l’absence de collaboration côté M., mais aussi côté S. »

 

La haine, et la crainte

 

Lors d’un procès, les témoins doivent prêter serments, ils doivent jurer de « parler sans haine et sans crainte ». Tous les silences dans cette affaire sont lourds de l’une ou de l’autre, voire des deux.

 

Florence Saint-Arroman

 

 

Photo d’archives de la Reconstitution du mercredi 23 mars 2016

 

 

 

 

 



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