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jeudi 16 septembre 2021 à 22:12

Faits divers / Montceau

Violences réciproques sur fond de difficultés sociales et humaines importantes



 



Un enfant. Une enfant poussée dans un monde pas adapté à ses besoins, une gosse qui se débrouille, qui compose avec des trucs de grands, soi-disant.

On dit comme ça, mais est-ce que ce sont des trucs de grands, ou des trucs pourris avec lesquels on se débat, parce qu’il faut bien vivre. Tout cela l’a abimée, mais tout de même elle s’accroche. Son gars, elle l’a surveillé. Il buvait trop. Ses copains ne l’aidaient pas. Exit les potes en pente éthylique. Il boit un verre, ok, mais le deuxième elle va le verser dans l’évier. Avec ça, lui, il ne sombre plus comme avant.

 

Il dit l’avoir recueillie

Elle a 18 ans. Ils se sont trouvés, comme deux enfants perdus. Leurs parcours sont différents, c’est vrai. Et puis ils n’ont pas le même âge. Lui, il a 31 ans. Il a eu le temps de se forger un casier judiciaire un peu lourd, condamné pour des vols, des violences, et conduite sous l’empire de l’alcool. « Vous avez eu tout le panel de peines possibles », observe la présidente Lendemaine. Elle, sa mère l’avait fichue dehors, elle était alors tombée dans des trucs de grands qui se débattent dans des barils remplis d’un liquide si sombre qu’on ne sait plus ce qu’on doit voir. Lui, il parle d’elle comme d’un petit animal abandonné, effrayé, en danger, qu’il aurait recueilli pour le protéger de la misère du monde et de ses agressions.

 

9 mois de relation : 8 mains courantes et plusieurs interventions police-secours

Sauf que. Sauf qu’ils se disputent, souvent. Ils sont jaloux l’un de l’autre. Elle, comme une enfant, joue de sa jalousie à lui. Lui, comme un idiot, il marche, il court, il galope. Quand elle lui en fait trop voir, il se met en recul, il lui refuse un bisou, une tendresse. Alors elle appelle la police de Montceau-les-Mines, elle dit « il veut me tuer ». Police-secours met le gyro, fonce, court, galope. Mais c’était rien. Ou y avait quelque chose mais personne ne savait le dire correctement, parce que, si ça se trouve, être privée de tendresse ça pourrait la tuer. Et rebelote. Pour 9 mois de relation, on compte 8 mains courantes et plusieurs interventions police-secours… Le 27 mai dernier, des policiers l’ont trouvé, lui, avec le nez en sang, elle lui avait collé « des patates ». Il avait riposté, elle était partie chez un voisin. Elle raconte un peu ce qu’elle veut, ses versions ont changé à chaque fois qu’elle a eu à parler de sa vie commune, ou de la soirée du 27. Lui, il a toujours été constant : oui, il reconnaît l’avoir frappée mais c’était « pour me défendre ».

 

« Vous n’avez pas de protection judiciaire ? » Elle avait, puis elle a eu 18 ans

La présidente et la substitut du procureur lui opposent que répondre à de la violence par la violence, c’est alimenter la violence et c’est tout. Qu’il avait une alternative. Ça se peut, répond-il en substance, mais moi je ne le savais pas. Placés sous contrôle judiciaire à la suite des faits du 27 mai, ils ont dû répondre aux convocations de l’AEM et réfléchir un peu. Ils n’avaient pas le droit de se contacter, mais ils se voyaient là-bas, au siège de l’association, alors ils en concluent que désormais ils vont pouvoir reprendre leur vie ensemble. La présidente s’étonne que ces deux-là ne soient pas davantage accompagnés socialement. Et puis la fille… « vous n’avez pas de protection judiciaire ? » Elle avait. Elle a eu 18 ans. Elle n’a plus. Après la soirée du 27 mai, elle affichait deux hématomes sur le visage.

 

Violences réciproques

Elle fait « des crises », dit le jeune homme. Alors il réagit. Le 27 mai elle a tapé la première. Ils sont poursuivis pour violences, et chacun est victime de l’autre. Ils ne demandent pas de dommages et intérêts. Il raconte qu’il travaillait, jusqu’en 2018, qu’avec ses sous il s’est payé deux écrans plats drôlement chers, et que s’il ne quittait pas le domicile quand elle crisait, c’est qu’elle menaçait de tout casser. « Et comme je ne travaille plus, je n’aurais pas pu racheter. Mais maintenant je sais qu’il aurait fallu prendre le risque, et voir ensuite si je pouvais me faire rembourser par l’assurance. » L’écran plat qui énerve tout le monde quand ce sont des pauvres qui s’en paient, ultime symbole d’une société dont les signes de richesses sont partout et sont si importants, pour ceux qui ont des sous comme pour ceux qui n’en ont pas des masses, voire presque pas. A la maison, le soir, ça se regarde dans un écran plat. Et après on s’étonne.

 

« Couple pathologique »

Mais passons, car pour ces deux-là, le premier enjeu est de comprendre quelque chose à ce qu’ils vivent, et aussi à ce qu’on attend d’eux, et aussi comprendre ce qu’on leur dit. Ils ont reconnu les faits, guidés par une instruction aussi ferme que bienveillante, et voilà qu’Angélique Depetris, substitut du procureur, parle d’eux, avec des mots pas forcément accessibles, comme « couple pathologique ». Mais c’est pas grave. Eux, ils ont peur de la sanction. Elle requiert à l’encontre du gars, 10 mois de prison dont 6 mois seraient assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Et pour la fille, 6 mois intégralement assortis d’un sursis probatoire de 2 ans. Ils auraient les mêmes obligations et interdictions, mais séparément : interdiction de contact et d’aller chez l’autre, obligation de soins, de travailler, et d’intégrer le dispositif AIR (accompagnement individuel renforcé).

 

Difficile, douloureux, incompréhensible

Ils n’ont pas d’avocats. La présidente leur explique les peines requises. Ont-ils à dire pour leurs défenses ? « Moi, je trouve que m’envoyer en prison… » La jeune femme n’a pas compris. Lui, il dit que l’interdiction de contact, franchement, c’est pas bien. Le tribunal les déclare coupables et les condamne aux peines requises. Aménage les 4 mois ferme du jeune homme en détention à domicile sous surveillance électronique. Ordonne l’exécution provisoire pour le cadre des sursis probatoires.

Lui : « Mais ? On pourra quand même se voir à l’AEM ? » (« Non ») Elle : « Et moi aussi, j’aurai un bracelet électronique ? » (« Non »).

 

Florence Saint-Arroman

 

 



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