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vendredi 29 avril 2022 à 05:45

Faits divers : Saint-Berain-sous-Sanvignes 

« On a une photo de vous, monsieur, sur le toit, avec le soleil qui se lève »



 



 

 

C’est l’histoire d’un homme âgé de 30 ans qui a quitté Pézenas pour venir travailler au Creusot, dit-il, et qui va souvent voir un couple d’amis à Saint-Berain-sous-Sanvignes. L’autre nuit, il a fait galoper les gendarmes.

Calez vous dans votre fauteuil ou sur votre chaise. Ne fermez pas les yeux ! Mais ouvrez votre esprit et essayez de vous représenter les scènes comme si vous regardiez un film. Essayez aussi de ressentir ce que peuvent vivre des gendarmes lorsqu’ils interviennent de nuit, et qu’un homme ivre et sous l’empire des stupéfiants leur mène la vie dure. Les gendarmes sont armés, c’est entendu, mais enfin ils ne sont pas censés tirer sur tout ce qui bouge et d’ailleurs ne le font pas. L’homme est peut-être armé, potentiellement dangereux. Prêt à tout ? Nul ne sait dans l’instant. Alors, essayez de vous mettre dans la peau d’un gendarme, quelques minutes.

Cannabis, whisky, vodka. Une sacrée soirée

Le sujet n’est pas de les plaindre. Le sujet c’est plutôt de prendre conscience de ce que coûtent des comportements parfaitement privés et gratuits, en temps, en argent, en stress, etc. L’histoire commence le 27 avril, vers 4 heures du matin. Le futur prévenu a passé la soirée chez ses amis à Saint-Berain-sous-Sanvignes. Cannabis, whisky, vodka. Une sacrée soirée. Au point que la femme a prévu un matelas pour le copain. Pas question qu’il reprenne le volant. Mais les deux copains sont torchés au point de se battre. La femme appelle qui ? Les gendarmes, bien sûr. Puis elle ouvre la porte de la maison pour sortir prendre l’air frais, les deux lascars en profitent pour se glisser dehors et partent en voiture. Arrivant du Creusot, les militaires croisent en arrivant, leur véhicule, et les suivent pour les contrôler.

« On a une photo de vous, monsieur, sur le toit, avec le soleil qui se lève »

Le futur prévenu commence par se défiler : c’est pas lui qui conduisait. Sauf que c’était lui. Sur place, l’éthylotest est positif. On veut lui faire un dépistage salivaire de stupéfiants, et là, mais alors là ! L’homme refuse, s’énerve, insulte les gendarmes, et s’enfuit en courant, dans le noir. Il est entre 4h30 et 5 heures, les gendarmes n’ont pas le choix, ils le poursuivent. Ivre d’alcool et d’énervement, l’homme retourne dans la propriété du couple. On le retrouve perché sur le toit. La présidente Catala, ce jeudi 28 avril, à l’audience des comparutions immédiates, ne retient pas une pointe d’ironie : « On a une photo de vous, monsieur, sur le toit, avec le soleil qui se lève. » On voit le tableau, à l’aube. L’interpellation ne le calme pas. Insultes, menaces de représailles physiques, etc. Le futur prévenu « est virulent pendant des heures ».

Rapport festif à l’alcool ? « Festif mon c… ! » dirait Zazie*

Il refuse qu’on mesure son alcoolémie. Il refuse à 7 heures du matin de voir le médecin, et en profite pour insulter et menacer le corps médical. Le gars arrose gratis, comme on voit. A 11h20, impossible de refaire un éthylotest, il est toujours opposant. A 14 heures, il est un peu calmé. L’éthylotest est toujours positif. A 15h40, le test est enfin négatif. Le mis en cause devait être salement imbibé.
Interrogé sur son comportement dès avant l’aube et jusqu’à l’heure du goûter, il dit : « Je m’en suis excusé. J’ai dit des choses blessantes. » Les gendarmes lui ont raconté. Il ne se souvient de rien. Quel est son rapport à l’alcool ? « C’est festif ! » Ah ce mot dans la bouche de gens qu’on vient de démenotter et qu’on remenottera après l’audience, ce mot, « festif », est franchement décalé, et pourtant il semble consacré pour dire que sans alcool, la fête est moins chouette. La présidente y va d’un grain de sel : « Si c’est festif chaque semaine, c’est problématique. »

 

« Quand je fais n’importe quoi, il y a toujours de l’alcool »

 

Le prévenu est accro aux stups, il est très clair sur ce point. Célibataire, sans enfant, jamais incarcéré, il dit avoir un CDI intérimaire, et travailler, on l’a dit, au Creusot, « dans un périmètre de 50 km ». Il est hébergé chez un pote. Une condamnation pour conduite sous l’empire de l’alcool, deux pour conduite sous stupéfiants, un abus de confiance (jugé et sanctionné en Suisse, où il a vécu un temps), il a 9 mentions à son casier, et ça… « J’entends mon casier, et je me dis c’est pas moi ! »… Marie-Lucie Hooker, substitut du procureur, estime qu’il a eu « de la chance », « condamné à plusieurs amendes, mais aucun changement dans sa conduite. Il dit que ce sont des erreurs de jeunesse mais aujourd’hui il comparaît pour des faits identiques. » Elle requiert 9 mois de prison dont 6 mois ferme avec un mandat de dépôt.

« Quand je fais n’importe quoi, il y a toujours de l’alcool, mais je ne suis pas accro », expliquait encore le prévenu. Maître Duquennoy plaide en faveur d’une obligation de soins. « Le mandat de dépôt est inutile. » Le prévenu ajoute : « Je suis quelqu’un qui va travailler. Au final j’ai fait de la merde, j’avoue, j’accepte, mais un mandat de dépôt, c’est pas… » C’est pas festif ?

 

6 mois ferme aménageables si… et 2 ans de probation

 

Le tribunal le déclare coupable (conduite sous l’empire de l’alcool en récidive, refus des analyses, en récidive, et défaut d’assurance du véhicule), et le condamne à la peine de 12 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, obligation de soins en addictologie. Le tribunal aménage les 6 mois ferme en détention à domicile sous surveillance électronique, sous réserve que son hébergeur au Creusot accepte cette situation. Son permis de conduire est annulé, cette peine est de droit, il doit attendre 6 mois pour le repasser.

Les gendarmes n’ont pas retenu les outrages ni les menaces mais ils les ont subis. Ils ont cavalé pour interpeller un type saoul comme un cochon qui avait grimpé sur un toit. Que de temps et de stress dans la nuit, pour empêcher quoi ? Que les deux se tuent au volant, tuent un ou une ouvrière qui embauche à 5 heures, par exemple.

FSA

* Zazie dans le métro, Raymond Queneau

 

 

 



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