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jeudi 26 mai 2022 à 09:25

Montceau-les-Mines

Jalousie maladive, famille intrusive et dominatrice, mauvais cocktail



 



 

« Ces deux jeunes gens se sont beaucoup aimés et très mal aimés. Il a une jalousie maladive. » Maître Lépine plaide en faveur du prévenu, né en 2000. Nous sommes en comparution immédiate, ce jeudi 25 mai. Le tribunal a ordonné un huis-clos partiel : seule la presse peut assister à l’audience.

Un huis-clos peu habituel, soulignera Anne-Lise Peron, substitut du procureur, puisque la victime est majeure et qu’il n’est pas question de faits à caractère sexuel. Mais la jeune femme, âgée d’une vingtaine d’années, a peur de la famille du prévenu, une famille au fonctionnement tribal, intrusif et dominateur. Interpellée dès son arrivée au tribunal, la jeune femme, affolée, « a été mise à l’abri dans un des bureaux du tribunal » explique maître Trajkovski lorsqu’elle fait la demande de huis-clos. « Elle ne se sent pas la force de se présenter à votre audience, elle a très très peur. » Comme pour lui donner raison, un homme assis dans la salle intervient à voix haute, on le fait taire. « Elle ne se sent pas d’affronter la famille du prévenu. »

« Il a quelque chose qui ne tourne pas rond »

Le tribunal ordonne un huis-clos partiel, les membres de la famille, venus assez nombreux, doivent sortir, et l’atmosphère devient immédiatement paisible. « On début qu’on était ensemble, on s’entendait bien, dit le prévenu. Mais c’est quand la jalousie… » « Jalousie maladive » entend-on de chacun des acteurs au jugement. « Il a quelque chose qui ne tourne pas rond », dit à sa façon la victime. Une toute jeune fille déjà maman, qui parvient à dire des réalités bien difficiles d’une façon tempérée.

Cette jalousie qui le travaille même la nuit

En résumé : ils s’aiment, ça se passe bien, puis ils entament une vie commune, il devient jaloux, il l’insulte, il la frappe (coups de poing, sur les bras, sur les jambes, elle en porte encore les traces ce jour). Elle finit par quasiment ne plus sortir, « à cause de son attitude menaçante ». « Il se rend malade, il ne sort plus, il a arrêté le foot, il ne travaille plus : à cause de cette jalousie qui le travaille même la nuit. »

« Je veux que mon enfant soit en sécurité dans un milieu sain, sinon c’est pas possible »

Le père du prévenu frappe sa femme. Les parents se sont « embrouillés », dit leur fils, et, il y a trois mois, la mère débarque au domicile des jeunes, s’y installe, prend le commandement. Sa belle-fille devient « une bonniche », récure et nettoie. La belle-mère contrôle son téléphone, l’engage à quitter les réseaux sociaux. Une femme abusée qui se comporte abusivement, hélas c’est fréquent. Mais c’est odieux, et ce qui va sans doute pousser la jeune femme à aller déposer plainte, c’est son enfant. « Je veux que mon enfant soit en sécurité dans un milieu sain, sinon c’est pas possible. » Elle a un endroit pour l’héberger.

L’ouragan qu’est une comparution immédiate

Elle ajoute ne pas avoir peur de son compagnon. Sa plainte est enregistrée le 23 mai, elle n’aurait jamais cru possible de se trouver à la barre deux jours plus tard. Elle rapporte des violences régulières que le prévenu reconnaît. Pourtant il n’est pas poursuivi pour ça : pour des « violences habituelles » il faut un certificat médical et une ITT fixée. Au commissariat, on a dit à la fille : « on a des photos, c’est suffisant ». Ce n’est pas suffisant pour le parquet. La substitut du procureur le dit lors de ses réquisitions.

« Vous semblez particulièrement immature »

« Oui je l’ai insultée, je l’ai frappée, il y a eu de la violence. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je suis désolé pour elle de ce qu’elle a vécu pendant 4 ans, pour elle c’était un enfer. J’espère qu’elle pourra me pardonner. » Il sourit. Cela heurte le tribunal. « Pourquoi vous souriez ? » « Je suis content de la voir. En garde à vue, je ne pensais qu’à elle et à ma fille. » Le président Madignier lui fait part de son sentiment : « Vous semblez particulièrement immature, comme si vous viviez sur une autre planète et pas dans la vraie vie. »

« Il semble détaché, qu’est-ce qui fait sens, chez lui ? »

Cette impression est partagée par tous. C’est un gosse, amoureux, incapable de prendre ses responsabilités, dévoré par une jalousie pathologique et maintenu sous le joug d’une famille qui dévore ses membres ou les rejette. Il consomme du shit depuis 6 ans, environ 5 joints par jour, ce qui fait « un peu beaucoup ». Maître Trajkovski demande une interdiction de contact pour protéger la jeune femme des violences et abus, s’interroge sur ce que le garçon donne à voir : « Il semble détaché, qu’est-ce qui fait sens, chez lui ? »

Dossier de violences intra-familiales « particulier »

Anne-Lise Peron, substitut du procureur, récapitule ce dossier de violences intra-familiales « particulier » en raison du huis-clos qui dit bien le climat de pressions du clan, le jeune âge du couple, l’immaturité du prévenu, et un nombre de faits important (mais impossibles à poursuivre, il fallait d’un certificat médical, poke le commissariat de Montceau). Elle requiert une peine de 12 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire (le prévenu n’a pas de casier).

« Le huis-clos est bon pour lui aussi »

« Le huis-clos est bon pour lui aussi, plaide maître Lépine. Il a pris conscience de son comportement. » L’avocate revient sur la présence de la mère au domicile : « Il n’y avait pas de place en foyer d’hébergement d’urgence pour elle. Il est difficile de dire à sa mère de dormir dehors. » Son jeune client dit vouloir prendre des distances avec le clan, mais, tout père de famille qu’il soit déjà, il ressemble plus à un oisillon tombé du nid : il ne travaille pas, n’a aucune ressource matérielle pour se débrouiller seul.

12 mois assortis d’un sursis probatoire

C’est bien pourquoi le tribunal, le condamnant à la peine de 12 mois de prison assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, met dans ses obligations d’intégrer le dispositif AIR (accompagnement individuel renforcé). Il devra en outre travailler ou se former, suivre un stage de sensibilisation aux violences intra-familiales, suivre des soins psychologiques et addicto. Il a l’interdiction de tout contact avec sa compagne ainsi que celle de paraître à son domicile. Il est dit entièrement responsable des préjudices causés à la victime.

Le suivi renforcé sera une aubaine pour lui

« Vous ressortez libre de cette audience. Vous n’avez pas de casier et vous avez reconnu les faits, c’est le tout début d’une prise de conscience » lui dit le président.
Le ventre du palais de justice recrache le jeune sur le trottoir d’une rue perpendiculaire, quelques minutes après l’audience. Il est très attendu. Le suivi renforcé sera une aubaine pour lui, « il a besoin de rencontrer d’autres interlocuteurs, aidants » disait maître Lépine. S’émanciper de tels systèmes familiaux, c’est s’arracher à un clan, le prix en est toujours très lourd. Le plus difficile commence à cet instant.

 

 

Florence Saint-Arroman

 

 



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