Autres journaux



mardi 6 juin 2023 à 06:23

Faits divers : Montceau-les-Mines

Retrait de l’autorité parentale à un jeune père



 

Il n’a pas aimé qu’elle soit allée voir sa tante. Il est allé la récupérer et l’a rentrée au domicile en la tenant par les cheveux. Il lui a donné une gifle. Le bébé pleurait. Le père l’a giflé aussi.

Pas de toutes ses forces ! Le médecin qui a examiné l’enfant âgé de 10 mois seulement n’a heureusement relevé aucune trace. N’empêche que ce n’était pas la première fois, a dit la maman. Le tribunal qui juge le jeune homme ce lundi 5 juin, selon la procédure de comparution immédiate, pour ça et des violences sur sa compagne, ordonnera que lui soit retirée l’autorité parentale.

Une histoire d’enfances arrachées ?

Ce 2 juin, la police de Montceau se déplace au domicile du couple. Ce n’est pas la première fois non plus mais la plainte pour violences de fin août 2022 fut classée sans suite. Ce 2 juin, le jeune homme est interpellé chez un ami, placé en garde à vue puis en détention provisoire. Il est né en 2002 à Tirana en Albanie, il est arrivé en France « dans l’espoir d’une vie meilleure » en 2020, il y rencontre une toute jeune fille. Elle n’a que 15 ans lorsqu’ils forment couple. Elle est mineure à la naissance du bébé. La sage-femme signale alors un environnement précaire et violent.

Vie bien compliquée 

Mais ces deux-là refusent tout ce qu’on peut leur proposer en soutien, en aide. Il faut dire que leur vie semble bien compliquée : le garçon est sans papiers, il espérait une régularisation de sa situation après la naissance de l’enfant (sauf qu’il a perdu ce jour le droit à l’exercice de l’autorité parentale), en attendant il ne peut pas vraiment travailler, il ne peut que se débrouiller. Le père de la jeune femme a pris ou a toujours eu, on ne sait pas, une place très importante, que ça soit pour héberger ces deux jeunes, voire subvenir à leurs besoins. Or le père a une relation avec sa fille qui dérange l’avocate qui intervient pour le conseil départemental de Saône-et-Loire en sa qualité d’administrateur ad-hoc pour le bébé, comme l’avocate de la défense.

Information préoccupante puis MJIE

« On a l’impression qu’elle hésite entre deux emprises, dit maître Ravat-Sandre. Celle de son père et celle de son compagnon. » « Le grand-père domine cette famille » dit maître Voirin en défense. Le tableau clignote au rouge. D’ailleurs l’administratrice ad-hoc présente à l’audience dit au tribunal qu’une information préoccupante date de novembre dernier, « mais il n’y a plus de suivi parce que la famille ne collabore pas ». Un juge des enfants a ordonné il y a quelques mois une MJIE : une mesure judiciaire d’investigation éducative*. Le rapport et ses conclusions ne sont pas encore rentrés mais il y a du monde au travail autour des difficultés de cette famille.

« C’est pas vrai. C’est monté pour me mettre en prison »

Dans le box, le prévenu, assisté d’un interprète se défend du début à la fin d’avoir commis la moindre violence. « Tout ça c’est pas vrai. C’est monté pour me mettre en prison. » La présidente Caporali sort au fur et à mesure des éléments de la procédure, des éléments à charge, mais il n’en démord pas. Pourtant un médecin a relevé sur le corps de la victime des traces de blessures récentes et moins récentes, dont une brûlure au poignet. Et même si elle s’est souvent rétractée, même si elle ne se constitue pas partie civile, le tribunal estime qu’il y a une base crédible à ses déclarations.

« Je vous informe qu’en France, une femme peut sortir comme bon lui semble »

La victime dit que son compagnon l’empêche de sortir librement. Il explique au tribunal qu’il est « jaloux » depuis qu’il l’a vue avec « un garçon ». La présidente (une femme, au greffe, une femme, au parquet, une femme, juge assesseur, une femme – seul le second juge assesseur représente la gente masculine) ne retient pas davantage ce qu’elle en pense : « Vous êtes venu en France, et je vous informe qu’en France, une femme peut sortir comme bon lui semble sans avoir besoin de l’autorisation de qui que ce soit. »

« Il le malmène quand il est énervé »

« Madame, qui est majeure depuis peu, est extrêmement ambigüe, c’est vrai. » Maître Ravat-Sandre rappelle sa position manifestement intenable entre son père et son compagnon. Puis : « On est inquiet pour l’avenir du bébé. Madame dit que monsieur lui a donné une gifle à trois reprises. Elle a dit ‘Il le malmène quand il est énervé’. Je pense que cet enfant vit depuis sa naissance des choses qui sont extrêmement destructrices. »

« Venir en aide au bébé et à cette jeune fille, ça passe par une décision de justice. »

Madame Saenz-Cobo, vice-procureur, rappelle, elle qu’à la sortie du commissariat, en août dernier, des policiers ont vu le prévenu bousculer et gifler la jeune femme alors qu’elle portait le bébé dans ses bras. Dans ces conditions, si monsieur est venu d’Albanie pour être violent, il peut y retourner, dit en substance la magistrate. « On se doit de venir en aide au bébé et à cette jeune fille, lui donner des clés d’accès à la maternité et au respect de sa personne, et ça passe par une décision de justice. » Elle requiert la peine de 10 mois de prison avec maintien en détention, et le retrait de l’autorité parentale.

La défense nuance la couleur du dossier

Maître Sandy Voirin estime que le dossier est tronqué. Elle se réfère à la procédure du juge des enfants, plaide que la jeune fille a déclaré en février dernier craindre de retourner chez son père, et puis s’est en effet rétractée plusieurs fois, a même reconnu « avoir menti pour se venger ». L’avocate demande la requalification de la poursuite pour violences habituelles en violences sur conjoint le 2 juin 2023 et que l’on ne retire pas l’autorité parentale au jeune homme, lequel a la parole en dernier : « Si je ressors de prison et que je ne peux pas retourner chez elle, la Préfecture va faire quoi ? »

10 mois en prison, interdictions de contact, perte de l’autorité parentale

Le tribunal requalifie en violences le 2 juin 2023, sur conjoint et sur mineur, déclare le prévenu coupable, le condamne à la peine de 10 mois de prison avec maintien en détention, lui interdit d’avoir tout contact avec sa désormais ex-compagne ainsi qu’avec son bébé, ordonne donc le retrait de l’autorité parentale.
Le jeune condamné ne comprend pas qu’il ne puisse plus voir son fils. Du haut de ses 21 ans et de son français sommaire, il appelle la présidente comme au secours : « Madame, moi j’ai pas d’argent, pas de travail ! » Il n’a aucune famille en France. Il est subitement perdu.

Florence Saint-Arroman

*http://www.justice.gouv.fr/justice-penale-11330/les-decisions-judiciaires-pour-les-mineurs-12123/les-mesures-dinvestigation-21091.html

 

 



Laisser un commentaire

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.


» Se connecter / S'enregistrer