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vendredi 6 juin 2025 à 06:47

Tribunal de Chalon

Saint-Vallier : Un homme muré en lui-même, sauf quand il s’agit d’insulter sa femme



 

 

« C’est pas mon téléphone, mais la puce, si. » Que c’est triste. On a vu cet homme être jugé et condamné en octobre 2024, le voici à nouveau, pour avoir enfreint, de la prison où il exécute une peine, une interdiction de contact avec son épouse.

C’est triste essentiellement parce que ce prévenu, né à Saint-Vallier, s’est enfermé dans un discours dont il ne sort pas. Il est donc doublement enfermé, en prison et dans son disque. Et un disque, ça tourne sur soi-même.

11 condamnations à son casier, essentiellement pour des menaces et des violences. En octobre 2024, une très lourde peine, ramenée à de plus justes proportions par la Cour d’appel en février dernier, mais toujours, et c’est normal vu le contexte, une interdiction de contact avec son épouse et deux de ses enfants, inscrite comme peine complémentaire.

En tout début d’audience, ce jeudi 5 juin, la présidente dit au prévenu qui se tient debout, qu’il peut s’assoir. Et le lui dit deux fois mais l’homme reste debout. Il souffre d’une sclérose en plaques qui grignote du terrain, il a du mal à marcher, mais il reste debout et demandera s’il peut s’assoir, au moment des réquisitions. On lui avait dit de le faire, donc on lui dit oui, évidemment.

Les téléphones en prison font fi de toutes les annonces politiques martiales, on dirait

L’association France victimes a signalé à la juridiction que monsieur envoie des mails à madame, de sa cellule. On ordonne une fouille de sa cellule, on y trouve 3 téléphones dont 2 en fonction. Comment ça se fait ? « En prison, à la promenade, on vous conseille fortement de garder des téléphones, en échange on a le droit de s’en servir. » Mais, cette interdiction de contact ? Le prévenu soutient avec assurance, qu’il ne savait pas, qu’il n’avait pas compris, qu’il avait oublié, qu’il ne comprend pas tous les termes juridiques.
« Interdiction de rentrer en contact », c’est de la langue courante, ce n’est absolument pas du vocabulaire spécialisé, dira la procureur.

Des extraits des mails mais le prévenu botte en touche

La présidente monte au créneau avec énergie et obstination, jusqu’à lire des extraits de ces mails, l’un débordant d’insultes crasses, l’autre où il demande à son épouse, « d’arrêter avec ce cinéma d’interdiction ». Evidemment, ça coince un peu. « Je suis perdu, je suis perdu, je suis perdu, là, je suis complètement perdu. »

Muré

L’audience est pénible parce que l’homme remâche les mêmes trucs, ses 18 ans de vie conjugale, leurs 5 enfants, cette foutue maladie qui l’a frappé, encore jeune. Aujourd’hui il a 50 ans et il continue, et aucune des objections qui lui sont faites ne font mouche. Muré.
La présidente appelle la victime par son nom de jeune fille, le prévenu s’offusque et la reprend plusieurs fois en lui demandant d’appeler sa femme par son nom de femme mariée. C’est ainsi que l’audience navigue d’un bord à l’autre, comme à chaque fois qu’il comparaît.

« Je me suis pas filmé sur tik-tok, hein »

« Monsieur, les téléphones en prison, c’est interdit. – Mais oui ! Mais allez prendre tous ceux qu’il y a, vous n’y arriverez pas, vous le savez ! Et puis, je me suis pas filmé sur tik-tok, hein. » Le fait est que les publications sur les réseaux sociaux postées par des personnes détenues sont légion. Mais le prévenu repart, ça y est, sur « pourquoi pendant 18 ans ça s’est bien passé ? » On lui oppose des éléments qui écornent cette vision lisse des choses, il n’entend rien, ne veut rien entendre, ça peine, à force, parce que forcément c’est comme s’il se tirait une balle dans le pied à chaque fois.

« Rien ne limite ses débordements »

La procureur prend le temps d’expliquer des choses à un homme qui n’écoute pas tout, parce qu’il veut encore rester muré, ou parce qu’il ne peut pas faire autrement que de l’être, c’est possible aussi, on ne sait pas.
« Si une interdiction de contact est prononcée, c’est pour protéger madame. On protège la victime par la loi. Dans ce dossier, on ne sait pas quelle est la position de madame, mais ce n’est pas madame qui a envoyé monsieur en prison, c’est la loi. Or, monsieur n’entend pas la loi. Je suis très inquiète car depuis 2011 il est régulièrement condamné et rien ne limite ses débordements. Sa maladie, c’est dramatique, mais ce n’est pas elle qui le rend asocial. J’ai expliqué calmement le respect de la loi mais… « Elle requiert la peine de 1 an de prison avec maintien en détention.

« C’est celui qui est condamné qui a l’interdiction, mais je trouve ça un peu pervers, car… »

Maître Grebot plaide d’une part la faiblesse physique de son client, mais aussi la question de l’interdiction de contact (c’est vrai que les victimes parfois ne les respectent, ne sont pas poursuivies parce que ce ne sont pas elles qui ont été condamnées, pour autant elles ne sont pas exemptes de responsabilité, ndla).
« C’est celui qui est condamné qui a l’interdiction, dit l’ancien bâtonnier, mais je trouve ça un peu pervers, car madame l’appelle. Que peut faire cet homme quand elle l’appelle ? Il y a la loi, le jugement, et puis il y a la vie. On ne sait pas comment madame se situe ? On sait qu’elle ne veut pas que son mari soit en prison, elle ne veut lui poser aucun problème, elle n’a pas voulu être entendue, elle ne veut pas déposer plainte, et elle a pris contact. Comment voulez-vous que son époux ne réagisse pas ? »

Inquiétant quand même

Ça se comprend en effet, mais quand on songe au niveau de violence exprimée dans les extraits lus à l’audience, où l’homme parle à cette femme de sa « gueule » et encore ce n’est pas le pire… Il dit qu’ensuite il s’est excusé, ça se peut, mais il y a quelque chose qui ne va pas du tout dans son rapport à cette femme, il rappelle trop souvent qu’elle est arrivée en France « sous mon nom » pour que ça ne soit pas l’indice de quelque chose d’arrimé à lui, et en effet c’est inquiétant.

« Je vous remercie énormément de m’avoir accueilli aujourd’hui »

Le prévenu a la parole en dernier : « Je vous remercie énormément de m’avoir accueilli aujourd’hui, car j’ai enfin compris que moi, je n’ai pas le droit de parler à ma femme, mais qu’elle, elle a le droit de me parler comme elle veut. Je vous garantis qu’aujourd’hui je ne rentrerai plus en contact avec elle. La détention, c’est très difficile. »

1 an de prison et une interdiction de paraître, très étendue

Le tribunal le déclare coupable et le condamne à la peine de 12 mois de prison avec maintien en détention, ainsi qu’à une interdiction de paraître au domicile et sur le lieu de travail de madame, interdiction étendue à toutes les communes de la communauté urbaine de Le Creusot-Montceau.
Peine complémentaire : interdiction de tout contact avec madame pendant 3 ans.

« Vous avez des questions ?
– Oui. Comment on enlève l’interdiction de contact ?
– Elle prendra fin dans 3 ans.
– Votre réponse est parfaite. J’ai tout compris. »

FSA

 

 

 



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