Tribunal de Chalon
Montceau-les-Mines : C’est l’histoire d’un homme qui est allé voler son propre frère
Une histoire courte et triste. En janvier dernier, un buraliste de Montceau-les-Mines se fait voler pour un peu plus de 16 000 euros en cartouches de cigarettes.
L’auteur du vol : son propre frère. Celui-ci se tient à la barre de l’audience d’homologation des CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité). Il ne fait pas le malin du tout. Il est triste : depuis les vols qui entraînent un préjudice considérable du côté de la victime, il n’a plus de contact avec son frère et visiblement il en souffre, sincèrement.
Mais quelle mouche l’a piqué d’en prendre pour 16 000 euros ? L’audience ne dit pas si tous les paquets sont partis en fumée, ça en fait un tel nombre ! En tout état de cause la marchandise est perdu puisqu’il dit avoir une dette de 16 000 euros envers son frère. Le prévenu assure qu’il s’est engagé à rembourser son frère, mais à ce jour il n’a rendu que 100 euros…
« C’est pas juste pour me rassurer, c’est pour ma banque ! »
C’est que le buraliste est présent aussi et trouve que son frangin pousse un peu trop le bouchon : « 100 euros par mois, c’est … ça fait pas beaucoup ! » L’homme demande à être reconnu partie civile. Il ne demande rien d’autre que « mon remboursement ».
Le prévenu intervient : « Il ne reste que 13 mensualités à verser pour mon crédit à la consommation. Quand le crédit sera passé, je verserai une somme plus grosse. » La juge lui souffle de faire une reconnaissance de dette, « c’est un document qui vous lie et ça peut rassurer votre frère ».
Ledit frère rectifie : « C’est pas juste pour me rassurer, c’est pour ma banque ! »
« Il est bien conscient d’avoir trahi la confiance de son frère »
Maître Bernard précise la situation du prévenu : « Monsieur est envahi de remords. Il est bien conscient d’avoir trahi la confiance de son frère, et il va s’employer à restaurer cette confiance, petit à petit. »
Pendant que l’avocate parle, les deux frères sont côte à côte à la barre, le frère victime tourne ostensiblement son visage de l’autre côté pendant que l’auteur du vol contient difficilement sa vive émotion.
« Monsieur gagne 1500 euros par mois, il paie un loyer de 600 euros, il a un crédit à la conso à finir de payer et il héberge un enfant majeur à sa charge. Il a volé par facilité. »
Ce dossier nous a poussé à regarder le prix d’une cartouche de cigarettes : pour 10 paquets de Marlboro, par exemple, ça fait 125 euros. A ce tarif, il est clair qu’il faut de bons revenus pour porter une telle dépense.
« Votre frère doit faire une reconnaissance de dette »
La juge homologue la peine proposée par le procureur de la République : 70 jours-amendes à 10 euros (soit la somme de 700 euros à payer, tout jour non payé est convertible en jour de prison).
Il est probable que la victime ne comprenne pas que son frère ne soit pas condamné à rembourser le préjudice causé. La juge doit expliquer à plusieurs reprises que la sanction pénale et « la dette » c’est deux choses différentes.
« Monsieur vous êtes reconnu partie civile mais votre frère a cette dette à rembourser. Il faut s’armer de patience. On ne peut pas faire plus, aujourd’hui. Votre frère doit vous faire une reconnaissance de dette et s’il ne paie pas, vous pourrez revenir. »
Des larmes coulent des yeux du prévenu.
Les petits revenus sont très vite dans la mouise, c’est vrai des deux côtés de la barre.
FSA


