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lundi 6 janvier 2020 à 06:06

Montceau-les-Mines

Portrait.s : Jeunes Montcelliens, que deviennent-ils ?



 



Que se passe-t-il lorsque l’on est jeune et montcellien ? Nous vous proposons et vous présenterons de manière régulière des portraits de « jeunes montcelliens ». Ont-ils du partir pour leurs études ? Sont-ils restés à Montceau pour entrer dans le monde professionnel ? S’impliquent-ils localement ? Veulent-ils s’impliquer ? Une galerie qui permettra certainement de comprendre que la catégorie « jeune » obéit à une multitude de vérités. Ainsi, existe-il un profil du « jeune montcellien » ? A priori, non.

Selon les histoires, les constructions, les chances ou les malchances, les parcours de vie sont tantôt linéaires, tantôt escarpés voire chaotiques. L’intérêt est de présenter des histoires de vie qui permettront peut-être aux jeunes lecteurs de s’identifier, de se projeter, de se rassurer. Etre jeune n’est pas une fatalité. Etre montcellien n’est pas une fatalité. Etre jeune montcellien ne doit certainement pas être une fatalité.

Concernant la méthode, il ne s’agit pas d’une interview classique. La rencontre se déroule dans un café montcellien ou au domicile des personnes mises en lumière et se place dans un perspective plus sociologique. Un entretien mis en page qui permettra donc de mettre en relief les ambitions, parcours, questionnements, colères de ces « jeunes » et de s’interroger sur « leur identité monctellienne » mais surtout de laisser entendre leurs discours.

 

Lucile est actuellement en dernière année à l’école de journalisme de Science Po Paris. Elle est née le 4 janvier 1996. Nous avons demandé à Lucile, au-delà de son parcours, de nous parler de ce qu’il restait de « Montceau » lorsque l’on entre à Science Po Paris, école prestigieuse qui ambitionne de former les « futures élites de la France ».

 

 

Lucile, pouvez-vous nous présenter votre parcours scolaire, de vie jusqu’à vos 18 ans ?

 

Je suis née à Saint-Vallier, mon père a été ouvrier et paysagiste et ma mère a commencé comme secrétaire et au final elle a grimpé les échelons au fur et à mesure de sa vie, elle est maintenant formatrice. 

Ecole primaire et maternelle au Bois du Verne, collège à Saint-Exupéry et Lycée Parriat. Le collège a été une période décisive, avec des profs qui m’ont montré que j’avais du potentiel et qui ont crû en moi. Des profs d’anglais, français, histoire, c’est là que je me suis dit peut être qu’un jour je deviendrais journaliste, je ne sais pas si c’est ma mère qui m’a mis ça dans la tête ou alors les profs…en tout cas c’est une idée qui a germé. À côté de l’école, je faisais de la danse au club « Dancing Girl » de Sanvignes, qui m’a permis de voyager à travers les championnats à Chalon, vers Paris… Après je suis allée au lycée Parriat où j’ai entamé le parcours ES. J’aurais pu finir en L mais je me suis faite avoir par l’argument ; « ça t’ouvres des portes »

 

Vous avez réussi votre bac ES avec mention très bien et félicitations du jury et vous avez été prise à Sciences Po Paris via le dispositif particulier dont bénéficie le lycée Henri Parriat, une année de terminale pleine de succès. Vous avez un sentiment d’accomplissement à la fin du mois de juin ?

 

Ma famille, ils étaient comme des fous, mais moi je n’aimais pas le dire. Je n’ai jamais dit mes notes, j’avais honte d’être une bonne élève, parce que dans le regard des autres je voyais que j’étais « l’intello » et je détestais ça, pendant très longtemps. J’ai eu une prise de conscience avant de savoir que j’allais être prise. Quand tu fais l’atelier Sciences Po, tu visites l’école et…c’est grandiose. Tu sors du métro t’es dans les beaux arrondissements de Paris, le cadre et l’école sont exceptionnels…Moi je rêvais de Paris…et là je me suis dis…c’est très loin de ma réalité. Après le bac, on a eu une espèce de journée de formation où on nous forme à la méthodo Science Po, et là on nous dit que ça va être difficile.. On nous a fait un mini cours sur la Révolution Française, et je me suis rendu compte que je ne connaissais aucun des personnages de cette période ! Enfin, je savais qui était Robespierre, mais je ne connaissais pas son histoire, je ne savais pas qui étaient les girondins. Ils nous ont donné une liste d’une vingtaine de livres et des ouvrages à ficher…C’est là que je me suis dit que je rentrais dans quelque chose de différent, qu’il faudrait s’accrocher.

Vous êtes rentrée par un dispositif particulier et on vous le fait bien comprendre, bien sentir ? 

Voila, en tout cas je l’ai ressenti comme ça mais peut être que d’autres ne l’on pas ressenti comme ça.

 

L’ambition en Terminale, c’était de partir de Montceau ? 

 

Ouais, je voulais partir c’est sur. De toute façon il n’y avait pas d’offre qui me convenait. Mais je fantasmais sur Paris, même si Lyon était une possibilité…

 

L’objectif principal n’était pas de partir le plus loin possible ? 

 

Non, ça me faisait rêver parce que c’était la capitale.

 

Quand vous entrez à Science Po Paris, considérant le prestige de cette école et les « Grands noms » qui y sont passé, avez vous un sentiment de classe (sociale), de revanche ? 

 

Oui je pense, le sentiment de classe je l’ai toujours eu. Parce que quand j’arrive à Science Po je suis déjà pas mal politisée, je comprends ce qu’il se passe. Mais au début je cherche à m’intégrer et ça se passe bien, on m’accepte. Je sens que c’est dur, que je galère scolairement, mais j’ai la moyenne, j’ai 10, 11,12. Simplement, je ne suis pas tant habituée à des notes moyennes. Aussi, on nous demande de prendre la parole lors des exposés qui sont l’exercice phare à Science Po. Et je comprends que je n’ai pas l’habitude de parler comme les autres car contrairement à eux, je n’avais quasiment jamais fait d’exposé au lycée. Alors je suis mal à l’aise, je deviens rouge, les profs me le disent, ma voix qui déraille… Mais c’est formateur. Mais c’est bien plus tard que j’ai compris que j’ai eu un retour de bâton et que j’ai compris que Sciences Po restait un milieu bourgeois, même si j’étais intégrée et qu’on m’avait acceptée. 

 

Science Po Paris c’est un milieu bourgeois ? 

 

Oui, définitivement.

 

Vous êtes donc la « prolétaire qui débarque en milieu bourgeois » ? 

 

Oui mais, encore une fois ce n’est pas ce que mes camarades m’ont fait ressentir, j’ai eu de la chance. Je l’ai compris plus tard avec de l’analyse. 

 

Racontez nous votre scolarité à Science Po Paris 

En première année, les cours sont plus généraux avec de l’histoire, du droit constitutionnel comparé, de l’économie… Mais dès la seconde année, on peut choisir les cours à la carte. Moi j’ai pris des cours sur le Moyen-Orient, j’ai continué l’Histoire, je me suis éclatée. La troisième année elle se déroule à l’étranger et j’ai choisi de faire des stages, ce qui n’est pas très répandu, mais que je conseille. Je suis donc partie à Londres, à Prague et à Beyrouth pour des stages dans le domaine du journalisme qui m’ont permis d’intégrer l’école de journalisme de Sciences Po ensuite. Je rentre en étant persuadée que je veux faire de la presse écrite mais je découvre le TV et ça me plait. On bosse beaucoup et je me dis que j’aime bien être derrière une caméra, même si le goût pour l’écriture demeure. Après une année de césure, j’ai réintégré cette année l’école en master 2 en alternance pour le média Usbek & Rica, un média d’anticipation qui explore le futur. Je suis spécialisée en image, c’est-à-dire qu’à l’école je travaille beaucoup l’écriture télévisuelle (en tant que journaliste reporter d’images) alors que dans le cadre de mon alternance, je réalise des vidéos pour le web. C’est super formateur. 

 

Pendant tout ce parcours très chargé, quel est votre rapport à Montceau ? 

 

Au fur et à mesure de mes études je me suis rapprochée de Montceau. Parce que je pense que quand tu t’éloignes tu as envie de revenir. Déjà parce qu’il y a la famille. Et pour moi c’est très très important. La vie va très vite à Paris, mais quand tu rentres à Montceau, tu te rends compte de l’importance de ton entourage. J’essaye de revenir une fois par mois. Et puis j’ai développé un goût plus affirmé pour la nature. Petite, j’allais souvent me balader dans les bois…j’ai des souvenirs, j’aime bien être dans la campagne. Et le fait d’aller à Paris m’a donné envie de redécouvrir les paysages du coin, à Uchon, à Toulon, au Plessis pour se poser et boire un coup…J’avais envie découvrir des coins de Bourgogne que je ne connaissais pas, c’est une très belle région et je me suis dit que j’avais envie de plus la découvrir en priorité. 

 

Quand vous rencontrez des gens, qu’ils vous demandent d’où vous venez; vous dites que vous êtes de Paris ou de Montceau ? 

 

Montceau ouais; on me demande souvent « tu viens de Paris ? », ben nan, je viens de Montceau. 

 

Cela reste une identité ?

 

Oui je le dis, je le revendique oui. 

 

Vous le revendiquez ? 

 

Ouais bien sur, parce que je suis pas parisienne. C’est important de dire d’où l’on vient, pourquoi je dirais Paris ? Je ne vais pas mentir, il y a des gens qui le font mais bon…

 

Pour vous, existe-t-il quelque chose de particulier à Montceau ? Une aura ? Une spécificité ? 

 

Ça m’étonne toujours quand je vois ma génération, notamment mes amis, revenir à Montceau ou revendiquer une fierté de venir d’ici. Il y a une vrai fierté, on aime bien parler de notre région, on la vend. Peut-être que ça ne concerne que ma bande de potes, qui pourtant n’était pas destinée à la vendre comme ça parce qu’on a toujours rêvé de se barrer d’ici… Mais on en est fiers. Au delà de ça, je pense que Montceau reste une ville assez pauvre, et immigrée. Et ces deux caractéristiques forgent les réalités d’ici. Montceau m’a apporté quelque chose d’un point de vue de l’immigration. Ma famille est italienne…ils ont du partir pour la France…et ils ne sont pas les seuls. À Montceau il y a pleins de familles comme ça, des gens déchirés qui ont du partir…Beaucoup de montcelliens ont dans leur famille ces histoires, ces déchirures. Ce n’est sûrement pas propre à ici, mais connaître ces réalités et vivre dans une ville multiculturelle est un très bel avantage. Quand j’arrive à Paris avec ça, ça t’ouvre à des façons de voir le monde. Montceau n’est pas une ville fermée, c’est une ville avec du un terreau multiculturel grâce à cette tradition de l’immigration. 

 

Quel est votre regard sur l’évolution de Montceau ? 

 

Pour bien répondre il faudrait être impliquée ici et je le suis peu mais…. Je dirais que globalement, Montceau a beaucoup de potentiel mais souffre d’un manque de moyens, surtout dans le domaine éducatif et culturel. Mais ce n’est pas spécifique à Montceau, ce sont les villes moyennes de ce type qui connaissent toutes des difficultés alors…J’aurai aimé m’impliqué plus, mais en fait il faut que je fasse le choix, tu prends du temps et tu t’impliques ici, mais c’est un luxe que je ne pense pas pouvoir me permettre, mais j’aimerai vraiment…

 

Cela vous intéresserait d’agir au local ? 

 

Ouais grave, je disais à ma mère à table. Par exemple, j’aimerais beaucoup faire des ateliers sur l’actualité dans des collèges et lycées. Il faut du courage pour faire quelque chose ici. On ne te laisse pas forcément la place. Et puis quand t’es parti et qu’on t’a donné une certaine vision de la réussite, revenir chez soi je ne sais pas comment ça serait perçu. J’aurais envie de faire des choses, de prendre un an pour m’investir dans des assos mais comment ça serait perçu ? C’est difficile de justifier ce genre de choix dans le monde professionnel. Alors, on repousse un peu…

 

Il y a quand même une envie d’agir ici ? 

 

Oui, il y a une envie de donner à voir ce que j’ai pu voir ailleurs aux gamins d’ici parce qu’ils le méritent autant que n’importe qui. Mais il y a des gens qui le font déjà très bien, il ne faut pas que ce soit du « parachutage »…Pour moi à Montceau ça manque de personnes qui sont là pour faire du lien, des « incubateurs »…juste des gens qui sont là pour créer du lien et donner la parole… 

 

Il y aurait des censures à Montceau ? des auto censures ? 

 

Ouais, je pense qu’on ne nous donne pas à voir la multiplicité des parcours qui peuvent exister.

Il faut nous donner à voir des exemples de personnes qui aiment ce qu’elles font mais aussi des exemples insolites, en fait je ne pense pas que ce soit en donnant à voir des gens de Sciences Po qu’on aidera les gens. Il y a pleins de métiers qu’on ne soupçonne pas, par exemple travailler dans des labels, tous les métiers autour du montage vidéo, de la gestion de projet… Donner à voir des parcours différents, montrer que la scolarité n’est pas toujours linéaire. La mienne l’est, mais ce n’est pas le cas de tout le monde, et ça j’y crois beaucoup, d’avoir des figures auxquelles se rattacher. 

 

 

 

 

 

 

 

 






Un commentaire sur “Montceau-les-Mines”

  1. domini75 dit :

    Quand on est jeune mieux vaut fuir Montceau les Mines. Une ville qui ne propose aucun avenir pour les jeunes. Voilà pourquoi la population diminue et que c’est une ville qui vieillit et qui s’enlise. Les élus depuis des générations n’ont jamais rien fait pour dynamiser la ville. Pas d’emploi, beaucoup d’assistanat.