Vétérinaire : profession charnière entre l’éleveur, la filière de transformation et le consommateur
Les vétos sont levés tôt
Dans la filière viande comme dans d’autres filières d’élevage, 3 domaines sont de plus en plus scrutés par les pouvoirs publics, les associations de protection et les groupements de consommateurs.
En ce qui concerne la sécurité sanitaire des aliments ( de la ferme à l’assiette) ce qui est visé ce sont les aliments remis au consommateur qui doivent garantir une innocuité et une salubrité incontestable, en 2006 la législation Européenne adaptée au droit Français a donné naissance au Paquet Hygiène.
Un domaine relativement nouveau mais primordial et faisant l’objet d’attaques en règles des associations de protection est le bien être animal. C’est une donnée supplémentaire et non des moindres qui pèse à la fois sur l’élevage mais aussi sur la filière de transformation,
le troisième dommage, au-delà de l’innocuité et de la salubrité est le combat des écologistes et des groupements de consommateur concernant les pesticides, les nitrates, les nitrites et la pharmacopée vétérinaire.
On ne peut mener une série d’articles sur l’agriculture et dans notre région l’élevage bovin est roi, sans compter les élevages porcins et ovins qui se développent de plus en plus soit en propre, soit en complément.
Il existe une profession charnière entre l’éleveur, la filière de transformation et le consommateur : vétérinaire
Il est vrai que dans la vision commune des français le vétérinaire de campagne a semble-t-il disparu au profit du veto d’animaux de compagnie. Pas si sûr que ça et surtout plus subtil que ça. Pour en avoir le cœur net, Montceau News a décidé d’en interviewer un pour avoir sa vision des choses et son expertise professionnelle. Précisons que ce docteur vétérinaires travaille aussi bien pour l’élevage que pour le particulier,
MN : Docteur Guy Chambon, qu’en est il de cette légende urbaine disant que les vetos ne soignent plus guère que les chiens, les chats, les Nacs et plus guère veaux, vaches, couvées ?
GC : Au sein de notre clinique, notre activité peut se diviser en 3 secteurs :
- Les soins aux petits animaux de compagnie, chiens, chats, NAC (nouveaux animaux de compagnie) qui représentent environ 40% de notre activité.
- L’activité rurale, en ferme, dans les élevages bovins, ovins, caprins, plus quelques volailles, lapins et porcs qui représente environ 55% de notre activité. Cette activité est saisonnière contrairement aux autres, la grosse majorité des actes se fait de novembre à mai.
- Les soins aux équidés de particuliers ou de centres équestres qui représentent environ 5% de notre activité.
Notre activité en ferme (dite « rurale ») est encore majoritaire même si son importance a diminué du fait de la disparition rapide de nombreux élevages ces dernières années.
MN : pour compléter le propos du Docteur Guy Chambon, constatons que sur le territoire national, les soins aux animaux de compagnie, représentent deux tiers de l’activité vétérinaire. Pourtant, comme le rapporte Guy Chambon, dans les zones d’élevage, comme la notre, le centre de la France ou le limousin, on est à peine à la moitié des soins.. Rappelons que le secteur emploie environ 13000 vétérinaires non salariés ainsi que 6000 vétérinaires salariés. Une bonne nouvelle, la profession s’est fortement rajeunie et féminisée ces dernières années. Pour autant tout n’est pas rose pour les vétérinaires : la diminution ou la concentration du cheptel pèse sur l’activité des vétérinaires ruraux qui travaillent majoritairement sur le cheptel bovin.
MN : est-ce vrai que les vétérinaires interviennent essentiellement sur les maladies les plus fréquentes des bovins allaitants, (vêlage et suites de vêlages difficiles pour les vaches, diarrhées néonatales et les omphalites) avec en plus . des pathologies respiratoires chez le veau et chez le jeune bovin en engraissement ?
GC : Dans le cadre de notre activité dite « rurale » nous intervenons en tant que médecin des animaux. Lorsqu’ils sont malades, nous établissons un diagnostic et nous prescrivons un traitement adapté et/ou éventuellement une chirurgie. En élevage allaitant charolais les pathologies les plus fréquentes se concentrent principalement autour de la mise bas (dystocie fœto-maternelle) et dans les premières semaines de vie du veau (gastro-entérites néonatales, omphalites, broncho-pneumopathies), tant que son système immunitaire n’est pas mature.
Notre mission en élevage ne s’arrête pas aux soins aux animaux. Elle comprend aussi d’autres volets tels que la prévention, la surveillance et la certification en élevage : au minimum une fois par an, nous établissons avec l’éleveur un bilan des pathologies de son élevage et nous lui proposons un plan de prévention antiparasitaire, vaccinale et nutritionnelle adaptée à son élevage et à sa conduite d’élevage.
Nous participons aussi à la surveillance des élevages et des animaux dans le cadre d’une mission de surveillance de certaines pathologies et de certification. En association avec les éleveurs que nous formons à la détection des maladies contagieuses, nous avons pour mission de détecter précocement ces maladies en réalisant des prélèvements sanguins et/ou par une veille sanitaire permanente des élevages que nous suivons.
MN : subsidiairement, chez les autres animaux d’élevage, chez d’autres races, rencontrez vous des problèmes identiques et aussi prégnants ?
GC : Afin de limiter les coûts et les pertes liés au stress secondaire à une mise bas difficile beaucoup d’éleveurs raisonnent mieux les accouplements. D’autres se tournent vers d’autres races dites plus rustiques nécessitant moins de surveillance et de soins.
MN : vos interventions sont contrôlées par les services vétérinaires d’état lorsque les troupeaux sont examinés et sans doute ensuite tout au long de la transformation, En quoi votre métier et votre manière de l’exercer a changé du fait de l’évolution des législations et maintenant des pressions d’associations de protection et des groupements de consommateurs.
GC : Notre activité était autrefois principalement axée sur la pathologie individuelle et les soins aux animaux. Elle doit intégrer aujourd’hui les notions de pathologie de troupeau, de prévention, de biosécurité, de surveillance sanitaire, de bien-être animal et de préservation de l’environnement.
MN : re question subsidiaire : pourquoi devenir vétérinaire et pourquoi ou comment continue t on malgré les mutations et les mises en cause ?
GC : Notre métier reste avant tout un métier passion. Très chronophage et avec une rentabilité horaire faible, ce métier a l’avantage d’être très diversifié, sans routine, en perpétuelle évolution, lorsque l’on accepte de soigner de la souris à l’éléphant.
En 30 ans, les évolutions ont été spectaculaires tant au niveau technique qu’au niveau de la complexité administrative. Une clinique vétérinaire est une petite entreprise. Le vétérinaire doit être à la fois la cheville ouvrière, le gestionnaire des ressources humaines, le PDG, le technicien informatique, l’homme à tout faire, etc. tout en ayant un vrai engagement financier sur ses fonds propres, et en continuant à se former pour être performant dans l’exercice de son cœur de métier.
De plus en plus de vétérinaires préfèrent ne pas s’engager financièrement, ne pas avoir à gérer la partie administrative de l’entreprise et rester salariés de groupes financiers ou rejoindre l’industrie pharmaceutique.
Le métier de vétérinaire libéral, même s’il est envahissant, chronophage et mal valorisé reste passionnant par la diversité des activités, les contacts humains, l’ouverture intellectuelle et la remise en question permanente qu’il engendre pour ceux qui l’exercent en tant que métier passion.
MN : Ce que dit le Dr Chambon avec sa pudeur et sa retenue habituelle cache parfois, derrière les difficultés liées au métier, un réel malaise d’une partie de la professions. Un bilan inquiétant est ressorti d’une étude menée pour le compte de l’association Vétos-Entraide et du Conseil national de l’ordre des vétérinaires (CNOV), auprès de 3 244 praticiens (près de 18% des vétérinaires). Le professeur Didier Truchot, professeur en psychologie sociale à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, a dirigé cette étude. Il s’est montré très étonné des résultats contrairement aux membres de la profession. L’étude démontre que les vétérinaires se suicident trois à quatre fois plus que la population générale. Des exemples sont cités par exemple au niveau de la charge émotionnelle car les vétérinaires sont exposés à la souffrance des animaux et des propriétaires. Et autre facteur cité, la pratique de l’euthanasie, soit pour abréger des souffrances, soit par mesure sanitaire : David Quint, vice-président du syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral explique « Je ne connais pas un vétérinaire à qui ça ne fait rien [,,,] Il y a quelques années, j’ai euthanasié un troupeau de vaches intoxiquées par un feu. J’avais à côté de moi l’éleveur qui pleurait à chaudes larmes, Vous êtes marqué à vie par ces situations-là ».
Et nous ne parlerons pas des épisodes de grippe aviaires… Ce qu’il faut constater c’est que sur le bassin minier des cliniques vétérinaire ont fermé et que le recrutement des vétérinaires marque le pas, 15 % des vétérinaires décrochent de la profession au bout de cinq ou dix ans d’exercice, « Il existe un manque annuel de 150 à 200 professionnels par an » explique Rémi Gellé, vétérinaire associé gérant au sein du réseau VPLUS,
Remercions le Dr Guy Chambon de nous avoir éclairé sur un domaine peu connu du grand public.
Gilles Desnoix
https://agriculture.gouv.fr/conditions-dexercice-de-la-profession-veterinaire-en-france
https://www.interfimo.fr/blog/detail/veterinaires-comment-pallier-les-difficultes-de-recrutement,769