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vendredi 20 octobre 2023 à 05:01

Dis-moi qui tu crois, je te dirai qui tu hais

Ou le règne de l’assignation  



 

Bizarre et malheureuse époque où toute pensée devient binaire. Tout doit être blanc ou noir. Non, je retire mes propos qui peuvent être considérés comme racistes par une partie de la population. Disons que tout doit être pour ou contre. D’ailleurs « Pour » peut passer pour véléitaire, « Avec » serait mieux.

 

 

Avec, le mot magique : de Matthieu 12:30 qui rapporte que Jésus aurait dit, « Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui ne rassemble pas avec moi disperse » à Bénito Mussilini « Messieurs, il faut être pour ou contre nous. Ou fasciste ou antifasciste. Qui n’est pas avec nous est contre nous. », « Discours aux maires des communes d’Italie rassemblés dans Rome le 23 mars 1924 pour le cinquième anniversaire de la fondation des Faisceaux » ; en passant par George W. Bush « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes. »,  discours du 20 septembre 2001 ; ou encore de la bipolarisation d’affrontement  lors de la guerre froide (conceptualisée par les doctrines Trumann et Jdanov) qui amène tous les États à choisir leur camp, à travers la conclusion de pactes ou de traités d’amitié. 

« “Il faut choisir son camp”, crient les repus de la haine », déplorait Camus.

 

AVEC, le mot rassembleur qui en fait divise, exclut, bannit, ostracise.

 

Cela s’appelle de l’assignation, on nous assigne à prendre parti car il ne peut y avoir d’entre deux. Pro ou anti, forcément. Et forcément voué aux gémonies par l’autre camp. Et forcement menacé, poursuivi et liquidé par l’autre camp.

Pas que maintenant, non, cela depuis la nuit des temps. Pour des raisons ethniques, politiques religieuses, de genre, d’apparence, de couleur… et même pour dissemblance, ou par bêtise humaine.

 

Ça commence par une petite musique douce : « dis moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es » de Victor Hugo, ça continue quasi hédoniquement, avec un rien de soupçon existensiel,  par « dis moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » pour finir furioso par un « Dis-moi qui tu crois (ou en qui/quoi tu crois), je te dirai qui tu hais (ou qui haïr) ». Il faut comminatoirement décliner son appartenance à une case pour que l’on vous y enferme et que l’on vous intime l’ordre de ne pas en sortir.

Ah oui, sinon vous êtes un traître, un parjure, un sans dieu/conviction/esprit démocratique ou un goinfre qui se fout de la lutte végane ou anti spéciste.

Je suis claustrophobe, donc je ne supporte pas les cases ; je suis un peu Dys de tout, donc je ne supporte ni contrainte ni canon de la pensée, ni complexité. Un drame, je n’adhère à pas grand-chose car je ne suis d’accord avec pas grand chose totalement, globalement, durablement, idéologiquement, aveuglément et  à tout ce qui se termine en Isme, Ment et autres.

 

L’actualité terrible que nous vivons actuellement, sur notre sol, au proche, moyen ou lointain orient, à l’Est appelle son lot d’adhésion sans réticences aucunes. Nous sommes sommés d’être pour un camp ou l’autre. Et chaque fois, parce que le camp d’en face est celui du mal, bien entendu le mal absolu. L’actualité terrible, donc, amène aussi nos représentants à montrer leurs pires profils, inclinations et détours partisans et politiques. Ce qui conduit beaucoup de gens, dont moi, à se désinteresser de ce cirque médiatico politique, partisan, sectaire, souvent sans fondements réels ou philosophiques. Je préfère encore la compassion, la commissération de certains. En fait ce qui m’intéresse c’est faire preuve d’humanité, ne pas trier dans les victimes, ne donner aucun satisfécit aux bourreaux et rappeler que personne n’est immortel et que de toute manière notre finitude est la mort, alors pourquoi la donner si passionnément, si ardemment, au lieu de vivre en bonne intelligence ?

 

Donc, par pité, ne me dites pas qui, ou en quoi, vous croyez parce que je suis incapable de vous dire qui haïr. Navré

 

Gilles Desnoix

 

 

 






Un commentaire sur “Dis-moi qui tu crois, je te dirai qui tu hais”

  1. Clairière dit :

    Mais comment se désintéresser du brasier puisque tous concernés ?
    Rappel émouvant :
    « Quand les hommes vivront d’amour
    Il n’y aura plus de misère
    Les soldats seront troubadours
    Mais nous nous serons morts mon frère » , chantait Félix Leclerc .