Le hasard des rencontres renforce l’humanité en nous
La peine des autres doit être partagée, même incidemment, mais sincèrement
Ce mercredi et ce jeudi ont été pour moi l’occasion de vivre une expérience humaine particulière chargée d’émotions intenses.
En couple nous parcourions le boulevard de ceinture des Gautherets quand un homme est sorti de sa parcelle pour nous demander de l’aide.
Sur le moment l’émotion de la personne nous a surpris, puis nous avons avisé un jeune homme d’une trentaine d’années derrière le volant d’une voiture garée de vant l’entrée du jardin de l’habitation. Un chagrin incommensurable l’agitait d’avant en arrière et des pleurs abondants ruisselaient sur son visage déformé par une peine infinie. En tournant la tête vers l’endroit indiqué par l’homme qui nous a interpellés nous avons vu un chien couché sur le côté avec la langur sortant de la gueule. Pas besoin de grandes explications, le jeune homme dans la voiture se ravageait de chagrin parce que le chien, en fait la chienne, était mort.
Les explications vinrent ensuite, hachées, douloureuses, en proie à une sidération insurmontable. Le père et son fils avaient besoin d’aide pour charger le cadavre de la chienne dans la voiture.
Le maître de la chienne L. répétait « elle allait bien, elle jouait, elle était heureuse de jouer, puis un quart d’heure après elle était étendue comme ça ». Et tout indiquait que la pauvre bête était heureuse, tonique, musclée, en pleine forme. J’ai émis l’idée de la mettre dans un sac. Le jeune maître de L. a été révolté par l’idée « pas dans un sac, non pas dans un sac ». Son père est allé chercher une couverture et le jeune homme et moi y avons déposé avec douceur L. que son jeune maître caressait encore. Nous portâmes ce macabre colis dans le coffre de la voiture du jeune homme. Je voulu recouvrir L., mais son maître avec une infinie douceur découvrit sa tête et plui parla avec une douceur infinie.
Le père aussi sidéré que son fils nous raconta que lui aussi avait perdu deux chiens dans sa vie, l’un mort subitement et l’autre empoisonné. Un chagrin immense unissait les deux hommes dans l’instant présent, l’un se souvenant de son chagrin ancien, l’autre se remémorant l’amour que L. lui avait donné pendant ses 8 ans d’existence à ses côtés.
Nous avons continué notre promenade puis sommes rentrés. Aux feux devant Intermarché de la saule nous avons vu le véhicule du jeune maître, hayon arrière levé, sur le parking de la clinique vétérinaire. Face à l’ouverture le maître de L. qui semblait soit se recueillir, soit lui parler, soit être tellement terrassé par la peine qu’il n’arrivait pas à emmener L. pour un examen. Avant que nous arrivions devant chez son père, il avait téléphoné au vétérinaire pour lui demander un examen afin de connaître le motif de la mort de cette chienne qu’il aimait tant.
Du coup ce jeudi après midi je suis repassé voir le père chez lui pour prendre des nouvelles. Le chagrin était encore à fleur de paupière, dans les lèvres qui tremblaient et prêtes à céder à l’expression du chagrin. Diagnostic du vétérinaire : crise cardiaque. La sidération toujours car même un tel verdict ne peut expliquer à notre pensée cartésienne comment L. pouvait jouer à fond sur la pelouse et mourir subitement comme ça.
Nous avons une énorme peine pour L., son maître et le père de celui-ci. Voila une rencontre improbable qui me prouve si besoin en était qu’il y a toujours quelque chose de bon, de généreux et de simplement humain chez nos concitoyens. Un chien c’est un membre de la famille et le chagrin de sa perte ne doit pas être pris à la légère.
Toute notre amitié à cette famille, je suis heureux d’avoir pu faire quelque chose, même de très minuscule, pour eux et d’avoir été l’interlocuteur de leur peine portée à blanc..
Gilles Desnoix
Un commentaire sur “Le hasard des rencontres renforce l’humanité en nous”
Bravo pour humanité, Monsieur. Cela fait chaud au cœur. Je vous félicite. Jocelyne.