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mardi 4 février 2025 à 04:39

Le robinet qui donne le cancer ? Un futur scandale sanitaire ?

La contamination des réseaux d’eau au chlorure de vinyle monomère en question



 

Pour le moment il y a des alertes, des articles de journaux et magazines, mais rien au niveau des autorités sanitaires, rien au niveau des grands distributeurs des réseaux d’eau, rien au niveau de la communauté scientifique… à part une étude de Gaspard Lemaire, doctorant en science politique à la Chaire Earth de l’université d’Angers qui commence à faire du bruit. Surtout grâce à son auteur et aux recours qui ont été déposés depuis.

Qu’est-ce donc que le chlorure de vinyle monomère (CVM) et en quoi est-il cancérogène ?

Le CVM est un gaz issu de la dégradation du PVC classé cancérigène, une partie des canalisations des réseaux d’eau a été posée en tuyaux PVC. Au fil du temps et des usages le VCM est venu polluer l’eau transitant par ces canalisations. C’est   le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) qui a classé cancérogène ce gaz de dégradation depuis 1987.

Comment le problème est-il apparu publiquement ? Le 16 janvier dernier,  une étude sur la contamination des réseaux d’eau au chlorure de vinyle monomère a été publiée par Gaspard Lemaire.

Cette publication a suscité un certain intérêt, car elle portait sur un gaz issu de la dégradation du PVC classé cancérigène. Devant le silence des autorités, des plaintes ont été déposées suite à la mise en ligne d’une plateforme pour recueillir les recours des particuliers concernés. (https://www.mon-recours-cvm.fr/).  D’après Gaspard Lemaire et Me Gabrielle Gien qui a lancé la plateforme, des « centaines de milliers » de Français et de Françaises sont confrontés à ce risque.

Y a-t-il des endroits plus concernés que d’autres ? A priori, ce sont les petites communes rurales qui semblent les plus susceptibles d’être concernées car l’eau y circule moins vite dans les canalisations que dans les gros réseaux urbains. Mais cela n’est pas réductible à ce seul type de lieux, parce que des canalisations PVC anciennes, voire très anciennes, il y en a eu de posées partout en France il y a des décennies, surtout pour la distribution secondaire au niveau domestique. La pose des canalisations PVC a été interdite en France en 1978, les canalisations en place le sont restées, sauf à des endroits où des remplacements ont été réalisés. En  2011 a été lancée la première campagne de surveillance du CVM en France sur la base du seuil réglementaire fixé par l’Union européenne à 0,5µg/l en 1998. Elle faisait suite à une alerte et à une estimation en 2010 de l’institut de veille sanitaire.

Des liens avérés existent-ils entre exposition au CVM et cancers du foie ? Aucune étude disponible ne le démontre, mais « les preuves de la bonne absorption du CVM par ingestion chez l’animal confortent la conclusion qu’il est également cancérogène par ingestion pour l’Homme ».

S’empoisonner simplement en buvant l’eau du robinet ? « On estime que 600.000 personnes pourraient être exposées en France au chlorure de vinyle monomère  alors que seuls quelques milliers sont effectivement informés par l’agence régionale de santé ou leur distributeur d’eau », avance maître Gabrielle Gien.

Le CVM est un gaz classé cancérogène par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) depuis 1987. Il est issu de la dégradation des tuyaux en PVC, comme dit plus haut. Ces tuyaux ont été interdits en 1978, mais les canalisations déjà posées sont, elles, restées en place. Et ce n’est qu’en 2011 que la première campagne sur la surveillance du CVM a commencé en France, avec le seuil réglementaire  fixé par l’Union européenne à 0,5µg/l en 1998.

En décembre 2011 l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de ’environnement et du travail (Anses) a publié un rapport expliquant que « Bien qu’aucune étude ne soit disponible pour la voie orale permettant de démontrer le caractère cancérogène du chlorure de vinyle chez l’Homme, les études par inhalation et par ingestion disponibles chez l’animal et les preuves de la bonne absorption du chlorure de vinyle par ingestion chez l’animal confortent la conclusion que le chlorure de vinyle est également cancérogène par ingestion pour l’Homme. ».

Depuis ? Une étude de faisabilité du ministère de la Santé de 2017 explique que « le recueil de données a sûrement manqué d’une recherche active » », et ce pour trouver et prouver les liens avérés potentiels ou avérés entre exposition au CVM et cancers du foie. Gaspard Lemaire met en avant que s’il n’y a pas eu d’étude épidémiologique diligentée, il existe des preuves empiriques avec des études toxicologiques sur des animaux qui ont des systèmes digestifs proches du nôtre et qui développent des cancers.

Qu’en est-il actuellement ? Pas grande évolution. Il n’existe aucune cartographie précise permettant d’évaluer les expositions par territoire. Pourtant, le chercheur indique que de nombreuses régions sont concernées comme la Nouvelle-Aquitaine, la Normandie, les Pays-de-la-Loire, mais de nombreuses données manquent aussi en Île-de-France et en Occitanie. Les recueils de données des analyses pratiquées par les distributeurs, des indépendants et des particuliers tendent à le prouver.

Sans être complotiste, les demandes d’information se heurtent à une opacité, peut-être concertée, sur les données des taux de CVM dans l’eau potable. Il convient de noter que les quelques communications qui existent restent pour le moins parcellaires.

La presse soucieuse d’élucider ce problème n’a pas pu obtenir plus de précision du ministère de la Santé qui s’est défaussé avec une formule bateau : « des campagnes de mesures, réalisées en complément du contrôle sanitaire réglementaire, ont pu être programmées par les ARS, dans les zones identifiées comme étant potentiellement concernées par la présence de CVM dans l’eau ». C’est la réponse reçue par le quotidien 20 minutes.

Pour le moment, il y a 2 semaines que l’affaire est lancée, la plateforme lancée par Me Gabrielle Gien à reçu une vingtaine de dossiers de recours contre les fournisseurs d’eau et le ministère de la Santé pour négligences fautives, en omettant de contrôler le taux de CVM et/ou d’informer le public de non-conformité en temps et en heure.

En mai 2023, une association, Comité citoyen d’habitants exposés de la Sarthe, a fait réaliser des analyses au robinet de la cuisine d’une habitante de Saint-Georges-de-la-Couée. Elle n’avait reçu aucune information de son fournisseur ou des autorités sanitaires. Et pourtant les résultats de l’analyse pratiquée chez elle montrent un taux de  0,82µg/l de CVM pour les 0,50 µg/l réglementaires dans l’UE et pour les 0,30 µg/l de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Concluant, non ?!?

Oui, sans doute, car après des purges de nuit, en juillet 2023, des analyses ont été réalisées à Saint-Georges-de-la-Couée et le taux était redescendu à 0,15µg/l. Mais comme le souligne l’habitante en question, « Il n’y a pas vraiment eu de suivi depuis cette date, je n’ai aucune garantie que les purges soient efficaces. Ce n’est pas vraiment une solution de mettre l’eau dans le caniveau. Et malheureusement, je suis en pleine campagne, alors d’ici à ce que les tuyaux soient changés… »

Il s’agit donc là d’un problème sanitaire qui concerne beaucoup de Françaises et de Français et qui risque, maintenant que le lièvre est levé, de constituer à court ou moyen terme un nouveau scandale sanitaire après celui du traitement illégal des eaux minérales par les grands groupes.

Il s’agit d’un triple problème :

  • Économique: car remplacer toutes les canalisations PVC représente un investissement énorme qui, s’il était décidé, enclencherait au moins une décennie de travaux, sinon plus, et renchérirait à tous les coups le prix de l’eau. Décisions difficiles à prendre parce qu’il existe des centaines de distributeurs privés, publics et parapublics et beaucoup de centres de décisions politiques sur tout le territoire
  •    Scientifique car pour le moment rien ne prouve le lien de causalité entre le CVM et par exemple le cancer du foie
  • Politique : parce que cette prise de décision est toujours sujette à un lobbyisme acharné et souvent souterrain des grands groupes et même des coalitions d’intérêt de terrain.

Pour le moment rien ne permet d’affirmer qu’officiellement le robinet donne le cancer, mais une alarme est lancée, à chacun de prendre ses responsabilités.

 

Gilles Desnoix

 

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