Où en sommes-nous avec la mortalité infantile qui s’accroit en France
Les dernières statistiques connues interrogent le système de soins
A Monceau News nous nous intéressons à la démographie de notre pays, comme de notre région, notre département et notre ville. Régulièrement nous publions des articles sur la natalité, la croissance de population, etc. Ces jours ci, un chiffre tourne en boucle dans la presse : le taux de mortalité infantile atteint 4,1‰ en 2024. Bien, mais encore ? A quoi est-ce réellement dû, avançons nous ou reculons nous à ce niveau ? etc. Nous avons donc décidé de repartir à la rencontre des chiffres, de les examiner, de les analyser pour bien comprendre et permettre ainsi à nous lecteurs de bien comprendre eux aussi.
On nous dit que la mortalité infantile est en hausse, bien, les chiffres se basent sur quoi ? Nous allons essayer de déchiffrer tout ça.
La mortalité infantile en hausse en France : un constat alarmant
Avec un taux de mortalité infantile atteignant 4,1‰ en 2024, la France se positionne parmi les pays européens les plus touchés. Cette progression inquiétante s’accompagne d’une diminution du nombre de naissances et reflète une dégradation des conditions de prise en charge des nouveau-nés. Une fois que l’on a posé ce constat il faut aller plus loin.
Une évolution préoccupante
Alors que la mortalité infantile en Europe continue de baisser, la France enregistre une tendance inverse depuis 2012. Le taux, historiquement bas au début des années 2000, a progressivement augmenté, passant de 3,32‰ en 2012 à 3,56‰ en 2019, puis à 4,1‰ en 2024. En 2021, 2 700 enfants de moins d’un an sont décédés, soit un taux de 3,7 décès pour 1 000 naissances vivantes.
En comparaison, des pays comme la Suède et la Finlande affichent des taux nettement inférieurs, respectivement 1,8‰ et 2‰ en 2021. Cette détérioration place la France au 27e rang des pays de l’OCDE et à la 20e position en Europe, où la moyenne était de 3,3‰ en 2021.
Des disparités territoriales marquées
Les inégalités géographiques sont flagrantes. En Seine-Saint-Denis, le taux de mortalité infantile s’élève à 5,4‰, tandis qu’il atteint 7,7‰ dans les départements d’outre-mer, avec un pic à 8,9‰ à Mayotte. À l’opposé, les Pays de la Loire affichent un taux de seulement 3‰. Ces écarts s’expliquent en partie par les conditions socio-économiques et l’accès inégal aux soins. On retombe là sur une constatation qui touche toutes les tranches d’âge et toutes les causes de décès.
Des causes multifactorielles
La mortalité infantile se divise en trois catégories : la mortalité néonatale précoce (J0-J6), qui représente près de 50 % des décès, la mortalité néonatale tardive (J7-J27) et la mortalité post-néonatale (J28-J364), stabilisée à 0,95‰ en 2021. Parmi les causes identifiées, la prématurité extrême joue un rôle majeur : 65 % des décès néonataux concernent des prématurés. En France, le taux de survie des grands prématurés est inférieur à celui observé en Suède ou aux États-Unis en raison de plusieurs facteurs. Le manque de lits en réanimation néonatale entraîne des transferts retardant la prise en charge. Les effectifs soignants sont insuffisants, avec des services en sous-effectif. Les protocoles français sont plus prudents, limitant l’intensification des soins avant 25 semaines. Le suivi postnatal est inégal, le manque de ressources et la fermeture de maternités aggravent la situation. En Suède, le suivi renforcé et des innovations comme le « soin kangourou » améliorent la survie. Un plan d’urgence est nécessaire en France. Cela pose bien la question du système de santé français tel qu’il existe à l’heure actuelle après des décennies de gestion administratives et économiques déconnectée des besoins intrinsèques du soin.
Un système de soins sous pression
Les professionnels de santé alertent depuis des années sur la dégradation des conditions de prise en charge. Manque de lits en réanimation néonatale, fermetures de maternités et pénurie de soignants fragilisent la continuité des soins. Dans certaines structures, le taux d’occupation atteint 100 % et les équipes fonctionnent régulièrement en sous-effectif, entre 50 et 70 % du temps.
Les fermetures de maternités, amorcées depuis les années 1990 pour des raisons de sécurité, ont allongé les distances d’accès aux soins. Si l’impact direct sur la mortalité des nouveau-nés reste difficile à établir, les accouchements extrahospitaliers en hausse posent question.
Depuis 30 ans, la France connaît une réduction significative du nombre de lits d’hôpitaux, y compris ceux dédiés à la maternité et aux soins néonataux. Entre 1993 et 2018, environ 103 000 lits d’hôpitaux ont été supprimés en France 1 . Cette diminution s’explique en partie par la réduction de la durée moyenne de séjour et le développement de l’activité ambulatoire, mais aussi par des mesures d’économie.
Les fermetures de lits et de services hospitaliers, y compris les maternités et les unités de soins néonataux, ont suscité des inquiétudes parmi les professionnels de santé et les citoyens, notamment en raison de la diminution de l’offre de soins alors que les besoins de santé de la population augmentent.
Sur Sénat.fr on trouve cette indication : Alors que le budget global des hôpitaux publics a augmenté de 5 milliards d’euros sur la même période pour s’établir à près de 80 milliards d’euros en 2018, les dépenses restent majoritaires face aux recettes, ce malgré les fermetures de lits d’hospitalisation. Pire sur les 20 dernières années le résultat net des hôpitaux publics est passé de 500 millions d’euros d’excédent en 2002 à une perte annuelle de 750 millions en 2017.
Quelles réponses politiques ?
Face à la croissance de la mortalité infantile en France, plusieurs réponses politiques ont été mises en place ou suggérées :
Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant : Le ministre de la Santé a installé des assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant. Les différents groupes de travail sont à l’œuvre depuis plusieurs mois pour améliorer tous les aspects de la santé infantile.
Une mission flash a été confiée à l’assemblée nationale et le mercredi 20 décembre 2023, Philippe Juvin et Anne Bergantz, rapporteurs de la mission « flash » sur la mortalité infantile, ont présenté une communication à la commission des affaires sociales.En voici la synthèse :
Registre des naissances : Créer un registre national pour mesurer et prévenir la mortalité infantile en tenant compte de divers facteurs sociaux, maternels, et médicaux.
Recherche en périnatalité : Faire de la périnatalité et de la mortalité infantile une priorité nationale dans les appels d’offres de recherche.
Triple permanence des soins : Assurer la présence continue des obstétriciens, anesthésistes et pédiatres dans toutes les maternités et renforcer les dispositifs d’hébergement à proximité.
Formations aux gestes d’urgence : Mettre en place des formations régulières pour les équipes médicales et certifier leur niveau de compétence.
Répartition des lits de réanimation : Améliorer la répartition interrégionale des lits de réanimation néonatale et augmenter leur nombre.
Campagnes de prévention : Lancer des campagnes de grande ampleur sur les comportements à risque pendant la grossesse et après la naissance.
Prévention des facteurs de risque : Encourager la prévention de l’obésité et du diabète chez les mères et promouvoir l’activité physique adaptée.
Information et communication : Contraindre les industriels à ne pas diffuser d’informations erronées et à communiquer sur les comportements risqués.
Ressources pour les PMI : Sanctuariser les budgets des protections maternelles et infantiles dans les territoires les plus touchés.
Structures de prise en charge : Développer des structures offrant un accompagnement complet aux femmes les plus vulnérables pendant et après la grossesse.
Ces propositions visent à améliorer la qualité des soins, renforcer la prévention et assurer une réponse adaptée aux besoins spécifiques de chaque territoire.
Ces propositions posent en filgrane le constat que le système est exsangue, que la politique suivie depuis des décennies a amener à un réel blocage et à une perte de moyens et de compétences et qu’il conviendrait de revenir en arrière.
Gilles Desnoix