Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’OQTF sans jamais oser le demander
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À longueur de journée, cet acronyme est agité sur les ondes, dans les colonnes de la presse écrite et dans les réseaux comme une sorte de mantra dont on ne connait pas forcément la signification, mais que l’on utilise comme un signifiant dangereux. Mais qu’en est-il réellement ? Que signifie réellement OQTF ? Qu’est-ce qui se cache derrière cet acronyme ? Et les personnes visées par cette mesure sont-elles toutes dangereuses et nos rues parcourues par des condamnés ?
La réalité est tout autre et très nuancée.
De nos jours, tout le monde se prétend plus ou moins expert en géopolitique, droit, littérature, cinéma, médecine, mode, finance, religion, philosophie, psychiatrie, etc. Enfin, tout le monde a un compte Facebook avec lequel il commente et affronte le reste du monde. Nous en sommes bien tous là, sauf si l’utilisation des mots, des concepts nous pose problème quand nous n’appréhendons pas leur signification, leur réalité. Les lecteurs de Montceau News aiment comprendre ce qu’on leur dit, ce qu’on leur explique, et ils ne se privent pas de le faire savoir lorsqu’un texte ne leur paraît pas clair ou imprécis.
Donc, voici un ensemble d’explications sur l’OQTF tirées des sources officielles vérifiables et vérifiées : Direction de l’information légale et administrative (Premier ministre), https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F18362, ministère de l’intérieur, ministère de la justice, INSEE.
Qu’est-ce que l’OQTF ?
C’est une décision préfectorale d’éloignement ou d’obligation de quitter le territoire français. Elle est prise lorsqu’une personne est en séjour irrégulier ou en refus de délivrance de titre de séjour. Cet acte impose à la personne visée de quitter la France par vos propres moyens dans un délai de 30 jours ou, dans des situations spécifiques et limitées, il est d’application immédiate. Il est à noter que cette obligation de quitter la France par ses propres moyens emporte la notion de départ volontaire et que le visé par une OQTF doit s’organiser en vue de son départ. Volontaire ou non, il est expressément indiqué que la personne doit partir absolument avant le délai fixé afin que la décision d’éloignement soit exécutée. À titre exceptionnel, la décision préfectorale peut être prolongée au-delà de ce délai si la situation le justifie (ancienneté du séjour en France, scolarisation des enfants, etc.). Mais il faut examiner plus avant le problème des enfants mineurs : Ils ne peuvent être obligés de quitter la France. Mais si leurs parents font l’objet d’une telle mesure, ils peuvent être éloignés avec eux.
Comme pour toute décision administrative, un recours est possible. Le délai d’exécution d’une OQTF est de 3 ans. L’étranger doit respecter la mesure d’éloignement. Il est possible de demander une aide au retour volontaire.
En dehors du séjour irrégulier ou du refus de délivrance de titre de séjour, d’autres cas sont prévus pour la délivrance d’une OQTF, par exemple si la personne représente une menace pour l’ordre public et réside en France depuis moins de 3 mois.
Pour les étrangers ressortissant d’un pays européen, d’autres règles d’OQTF s’appliquent.
Quelle est la procédure ?
La décision prise par le préfet doit être argumentée sur le fond, en droit et dans les faits. Et ensuite notifiée à la personne qui en fait l’objet. Mais il n’y a pas d’obligation de motivation en cas de refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait d’un titre de séjour, car cela fait déjà l’objet d’une motivation.
Le Préfet, dans son acte, fixe le pays de renvoi si le justiciable ne quitte pas volontairement la France dans le délai fixé.
Le délai imparti peut être supprimé par le préfet si la situation de la personne change, par exemple en cas de risque de fuite. On entend là sur le territoire national et donc clandestinité. Une nouvelle OQTF à effet immédiat est remise à la personne qui doit s’exécuter. Pendant le délai accordé, le préfet peut introduire une obligation de présentation régulière en préfecture ou au commissariat ou à la gendarmerie. Il peut être pratiqué une rétention du passeport ou de tout autre document d’identité ou de voyage en échange d’un récépissé qui vaut justification d’identité et mentionne le délai accordé pour le départ.
À la fin du délai de 30 jours, si la personne est toujours en France, elle peut être placée en centre de rétention ou assignée à résidence, et le préfet lui notifie une interdiction de retour en France (IRTF). C’est l’administration française qui organise alors le départ.
Il convient de rappeler qu’un OQTF est un acte administratif unilatéral et non pas une condamnation pénale. La quasi-totalité des personnes sous OQTF n’a jamais été condamnée. Le fait de devoir quitter la France ne peut être assimilé à une peine, il s’agit simplement de la sanction du manque d’autorisation légale de séjourner sur le territoire français.
Bien entendu, dans le domaine politique, de la propagande et des joutes verbales en vue des élections diverses, tous les camps instrumentalisent l’OQTF sans jamais expliquer en quoi elle consiste et qui elle vise réellement. Il y a le même phénomène avec le fichier S (qui n’en est pas un en soi, mais simplement une catégorie du FPR) que l’on assimile aux divers fichiers suivants : FSPRT (fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste), FPR (fichier des personnes recherchées) et Fijait (fichier des auteurs d’infractions terroristes) qui sert à empêcher le renouvellement d’actes de terrorisme et à faciliter l’identification des auteurs de ces infractions.
L’actualité de ces dernières années et les polémiques avec l’Algérie ont ramené la tension autour d’actes de violences, d’assassinats à caractère terroriste ou non dont les auteurs étaient sous OQTF. Cela a amené à des propositions ubuesques et contraires au droit comme la déportation à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Aussi dramatiques que soient les cas qui agitent les sphères politico-judiciaires, il faut avoir présent à l’esprit que seule une condamnation d’un individu pourrait amener la justice à enfermer quelqu’un. Une décision administrative n’en a pas le pouvoir, et l’OQTF n’est que cela. Il y a de l’internement administratif en France dans les centres de rétention qui fonctionnent souvent aux limites du droit, mais retenir et déporter, il y a un monde que le législateur n’a pas franchi.
Entre 2019 et 2022, le ministère de l’Intérieur indique qu’il a été prononcé et signifié 500 213 OQTF. 27 598 ont été directement motivées par une menace à l’ordre public, soit 5,52 %, et 7 225 sur la base d’une condamnation pénale, soit 1,44 %. Ce qui veut dire que 93,04 % des OQTF ont eu pour motif l’absence d’autorisation, un visa périmé, un refus de statut de demandeur d’asile, un séjour clandestin, sans danger pour la sécurité et l’ordre public. Et, sur les 34 823 OQTF prononcées pour ces derniers motifs, seule une poignée d’auteurs avait été condamnée. Il n’y a pas eu 34 823 passages à l’acte délictuels ayant entrainé des condamnations. Assimiler OQTF et condamnation pénale revient à fausser la vision des choses et le débat.
La Cour des comptes, dans son rapport thématique de janvier 2024 « La politique de lutte contre l’immigration irrégulière », a noté qu’en moyenne une OQTF sur cinq est annulée. La Cimade, d’après les données du Conseil d’État, précise que moins d’une OQTF sur deux a fait l’objet d’un recours devant le juge : 123 845 OQTF prononcées, 72 379 non soumises au juge et 51 466 attaquées. La France en a délivré 138 000 OQTF en 2023, ce qui constitue un record européen, seuls 7% en moyenne ont été exécutées ces dernières années. Dans les CRA (centres de rétention), il y en a 27 en France, 6 retenus sur 10 ont finalement été libérés.
Maintenant, les lecteurs de Montceau News ont une claire vision des choses et ils pourront argumenter lors des discussions. Le fait d’employer les bons termes n’empêche nullement d’avoir ses convictions et ses certitudes, mais celales rend plus solides.
Gilles Desnoix