Montceau : 80e anniversaire de sa disparition
Les dessins de captivité de Louis Mourier, alias Marix ont été réédités
Louis Mourier, alias Marix, était un dessinateur caricaturiste prisonnier entre 1914 et 1918 en Bavière dans les camps de Puchheim, Lechfeld, Landshut Ingolstadt et Mannheim. Entre septembre 1914 et novembre 1918, il a transformé sa longue captivité en un témoignage graphique saisissant, oscillant entre humour et résilience.
Ses dessins, réalisés clandestinement au cœur des camps, sont des fragments d’histoire, capturant la vie quotidienne des prisonniers comme celle de ses geôliers.
Derrière les barbelés
Dès 1919, Marix publie ses dessins de captivité dans « Derrière les Barbelés », accompagnant un texte de Joë Belot, ancien prisonnier lui-même. Cette publication s’inscrit dans la lignée des récits de prisonniers de guerre, peu nombreux, décrivant les baraquements, les privations, les corvées et le cafard qui rongent les hommes loin de chez eux.
Les Chevaliers de la Crosse en l’Air
Il publie alors en 1932 « Les Chevaliers de la crosse en l’air », co-écrit avec Binet, où son regard critique sur l’absurdité du système militaire s’exprime plus librement.
80e anniversaire de sa disparition en déportation
A l’occasion du 80e anniversaire de sa disparition en déportation, l’association L’Imagerie et les Editions de la Bourbince, représentées par Jean-Michel Chantreault, ont souhaité redonner vie à ce récit en le rapprochant de ses dessins de captivité.
Marix incarne une figure rare : un artiste de combat, qui a su mêler humour, critique sociale et courage politique. Son œuvre, redécouverte récemment, est aujourd’hui célébrée comme un acte de résistance graphique, une mémoire vivante de l’insoumission par le trait.
Humour incisif et dessin mordant
Sous l’uniforme d’un humour incisif et d’un dessin mordant, Marix déshabille les absurdités de la machine militaire. Ancien soldat fait prisonnier pendant la Première Guerre mondiale, il transforme son expérience en un témoignage caustique, où les gradés deviennent des caricatures grotesques, et les ordres absurdes des sketchs tragiquement drôles.
Extraits marquants de ce livre
Dans cette pépite qu’est cette réédition, Marix présente, entre autres, une scène de corvée illogique, où les soldats creusent un trou pour… y enterrer leurs illusions.
On y voit également un sous-officier qui ordonne d’effacer la boue à la craie…
Et une sentinelle rêvant d’un fusil à fleurs…
Une guerre qui se rit de ses chefs
Avec sa plume affûtée et ses dessins trempés dans l’encre de l’ironie, Marix transforme la guerre en théâtre grotesque, où les gradés deviennent des caricatures et les ordres absurdes des scènes de vaudeville involontaire.
L’arme du crayon
Chaque page est illustrée de croquis saisissants : silhouettes voûtées, regards vides, uniformes trop grands… Le dessin devient un acte de résistance, un cri pacifiste enveloppé dans l’humour.
Un message encore brûlant
Aujourd’hui, le livre « Les Chevaliers de la Crosse en l’Air » résonne comme un appel à la lucidité et à la désobéissance face à l’absurde. Dans un monde où les conflits persistent, cette œuvre oubliée retrouve une voix.
À travers ses récits, Marix ne se contente pas de tourner en dérision les absurdités militaires, il transforme le crayon en levier de conscience. Chaque trait, chaque caricature, chaque scène absurde devient une manière de dire : « Regardez ce que l’on vous fait accepter ».
Et surtout, Marix ne donne pas de leçons, mais invite au doute, au recul, à la révolte par l’intelligence et le trait. En pleine montée des autoritarismes dans les années 1930, il choisit l’ironie au lieu du silence, et trace une voie que de nombreux dessinateurs suivront après lui : Cabu, Wolinski, Tardi…
Des dessins grinçants, une lucidité désarmante, et une insolence qui décoiffe les képis : on ne sort pas indemne de ce petit chef-d’œuvre oublié. Une fois refermé, on n’a qu’une envie : le faire circuler.
Infos pratiques
« Les Chevaliers de la Crosse en l’Air » est disponible à l’Espace Culturel Leclerc.
Editions de la Bourbince et l’Association l’Imagerie
Nelly Desplanches