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vendredi 18 juillet 2025 à 04:57

« Les Français travaillent moins » : vrai cliché ou faux débat ? Ce que disent vraiment les chiffres

  « Fainéants », vraiment ? Ce que les chiffres ne disent jamais seuls



 

On entend souvent que « les Français travaillent moins que les Allemands » : une idée reprise dans les débats politiques, les commentaires économiques et parfois autour de la machine à café. Ça tourne en boucle depuis l’intervention du Premier ministre. Tout le monde a son avis et a priori se positionne pour ou contre une telle assertion. Mais cette affirmation repose-t-elle sur une réalité statistique… ou sur une confusion ?

Montceau News s’est penché sur la question et voilà les données objectives pour bien comprendre de quoi l’on parle et surtout en parler avec des arguments valables et non avec seulement des éléments de langage de la communication politique.

L’OCDE propose en fait deux manières bien différentes de mesurer le temps de travail, et elles mènent à des conclusions parfois opposées. Voici ce qu’il faut vraiment savoir.

Deux façons de mesurer le temps de travail

Première méthode : on additionne toutes les heures travaillées dans un pays pendant un an, et on divise ce total par l’ensemble de la population. Cela donne le nombre moyen d’heures travaillées par habitant. Cette approche inclut tout le monde : actifs, enfants, retraités, chômeurs, étudiants, etc. Elle permet donc de mesurer l’effort global de travail d’une société.

Deuxième méthode : on prend ce même total d’heures, mais on le divise uniquement par le nombre de personnes ayant un emploi. On obtient alors le temps de travail annuel moyen par travailleur — une mesure plus centrée sur les conditions de travail individuelles.

Et selon la méthode qu’on choisit, l’interprétation des chiffres change radicalement.

Les travailleurs français sont loin d’être fainéants.

Prenons la France : un salarié y travaille en moyenne 1 490 heures par an. C’est plus qu’en Allemagne, où la moyenne est d’environ 1 340 heures par travailleur. La France a donc des durées de travail comparables, voire supérieures, à ses voisins lorsqu’on regarde ceux qui sont effectivement en poste.

Mais si l’on observe maintenant le temps de travail par habitant, la situation s’inverse. Les Allemands travaillent environ 720 heures par habitant et par an, contre seulement 630 heures en France. Vu sous cet angle, les Allemands semblent « travailler plus ». Mais ce n’est pas parce qu’ils sont plus assidus : c’est parce qu’ils sont plus nombreux à travailler.

Une différence de société, pas de paresse.

Ce paradoxe s’explique par des différences profondes dans l’organisation démographique et sociale des deux pays. L’Allemagne a un taux d’emploi très élevé, notamment chez les seniors (ceux de plus de 55 ans) et les femmes. Même si une part importante travaille à temps partiel, cela augmente le nombre total de personnes en activité.

En France, le taux d’emploi des seniors est plus faible. Cela ne s’explique pas par un choix individuel, mais par une structure économique et sociale différente : filières de préretraite, parcours professionnels plus discontinus, moindre maintien dans l’emploi après 60 ans. Par ailleurs, la France se distingue par une démographie plus dynamique. Elle fait plus d’enfants que l’Allemagne, et compte donc plus de jeunes dans sa population. Ces jeunes, souvent en formation ou au chômage, n’apparaissent pas dans les chiffres du travail, mais bien dans le dénominateur du calcul par habitant.

Ainsi, la France n’a pas moins de travailleurs motivés, elle a moins de personnes en emploi par rapport à sa population totale : un phénomène lié à l’histoire de son marché du travail, à ses choix sociaux et à sa pyramide des âges.

L’exemple du Sud de l’Europe

L’Italie et l’Espagne offrent encore un autre profil. Leurs salariés travaillent beaucoup : plus de 1 580 heures par an en Italie, et 1 610 heures en Espagne. Mais leur temps de travail par habitant reste modéré. Pourquoi ? Parce que ces pays connaissent un taux de chômage plus élevé, notamment chez les jeunes, et une faible participation des femmes au marché du travail. Résultat : même si ceux qui travaillent le font intensément, ils sont moins nombreux, et le volume d’heures global par habitant reste faible.

Deux indicateurs, deux vérités

Ces deux manières de mesurer le travail sont toutes deux utiles, mais elles ne racontent pas la même chose.

  • Le temps de travail par actif donne une idée des conditions de travail : temps plein ou partiel, durée légale, organisation du travail.
  • Le temps de travail par habitant montre plutôt la capacité d’un pays à faire participer sa population à l’activité économique.

En résumé : les Français ne travaillent pas moins que les autres Européens, en tout cas pas quand ils sont en emploi. Ce sont les structures de l’emploi, les choix sociaux et la démographie qui expliquent les écarts statistiques. Alors, la prochaine fois que vous entendrez que les Français « travaillent moins », demandez toujours : « selon quel calcul ? »

 

Gilles Desnoix

 

 

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2 commentaires sur “« Les Français travaillent moins » : vrai cliché ou faux débat ? Ce que disent vraiment les chiffres”

  1. malice dit :

    Merci de ce rétablissement de la vérité, « quand on veut tuer son chien , on dit qu’il a la rage », et pour faire passer un budget qui va encore demander des efforts aux salariés et aux plus précaires, il est de bon ton de culpabiliser la population ….

  2. The Madalorian dit :

    A quand l’Eurovision des européens qui travaillent le plus ?