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lundi 8 septembre 2025 à 05:39

La Claudine aime les week-ends, mais parfois le lundi est le bienvenu.

Homo modernus, trois vies en une : métamorphoses ordinaires ou l’art de changer de peau



 

 

En vacances en Corse, La Claudine, entre deux excursions à Porto-Vecchio et Bonifacio, s’est prélassée aux terrasses en dégustant des glaces à la clémentine, à la figue, toutes deux de Corse.

Elle a pu observer les hommes et les femmes autour d’elle et juger des ambivalences qui existent entre 3 types de situations : l’humain au travail, en famille le dimanche avec des amis et en vacances.

La Claudine, au fil du temps, a pu dresser un portrait-robot de chacun de ces avatars très tranchés.

Elle se moque gentiment de leurs transformations et des travers dont elle sait qu’elle n’est pas exempte.

Comme l’a dit Witkiewicz : « Vous pensez échapper à vos problèmes en partant en voyage et ils partiront derrière vous. ». William Shakespeare l’a bien montré dans sa pièce « Jules César » : “L’œil ne se voit pas lui-même ; il lui faut son reflet dans quelque autre chose.” Milan Kundera enfonça le clou. “Le souci de sa propre image, voilà l’incorrigible immaturité de l’homme.” Quant à Woody Allen, il nous avait prévenus : « Il faut toujours se vendre des choses, et certaines personnes sont plus douées que d’autres pour se mentir à elles-mêmes. Trop regarder la réalité en face, c’est mortel. »

À tout seigneur tout honneur, la Claudine commence par les hommes. Lorsqu’elle l’observe, elle se dit qu’elle connaît ce fonctionnaire, ce directeur, ce manager, ce chef de rayon, ce contremaître puisqu’elle en côtoie dans la vie courante. Au travail c’est le roi du monde avec l’uniforme qui va bien, les cheveux bien coiffés ou ramenés pour cacher la calvitie, le regard conquérant. Il arpente les couloirs, les travées comme si c’était les Champs-Élysées. Sauf qu’au bout, y’a pas l’Arc de Triomphe, juste une photocopieuse qui fait grève plus souvent qu’un cheminot, du cambouis ou des machines bruyantes et graisseuses.

Le dimanche, c’est une autre musique. Bermuda trop court, tee-shirt qui a vu passer Mitterrand, binouze à la main, chevelure en folie, calvitie en liberté. Là, il devient soudainement le roi de la décontraction. Les mimiques sont différentes, les blagues aussi, il n’est plus chef de service, il est chef de canapé, il est le type qui rit si fort que même le chien change de pièce. Il rit fort, il parle fort, il existe fort… mais surtout, il existe en mode « je me fiche complètement de ce que tu penses ». Quiconque se trouve la semaine sous ses ordres ne le reconnaitrait plus.

En vacances, c’est la version Reiser, le summum de la sophistication : claquettes-chaussettes, tongs qui chuintent, lunettes de soleil qui brillent plus que sa conversation, Il se promène sur la plage, nez au vent, avec l’air de celui qui vient de découvrir le secret de l’univers. Les gens autour de lui se demandent s’il va finir par se baigner ou rester là, statue de la médiocrité incarnée.
Et il prend la pose avec ce regard profond, genre « J’ai compris la vie », sauf que la seule énigme qu’il a résolue, c’est où poser sa serviette sans payer le transat.

Et même si l’homme est un subalterne, il aura toujours besoin d’une aura et se conduira souvent comme s’il n’était pas aux ordres mais en donnait.

Ce qui fascine le plus la Claudine, c’est la manière dont il jongle entre ces différentes personnalités. Un coup, c’est le businessman sexy, l’instant d’après, c’est le pote lourdingue qui rit trop fort, le badaud qui baguenaude en se foutant de ce qui se passe autour de lui avec une démarche symptomatique du conquérant de plage, façon Aldo Maccione dans « l’aventure c’est l’aventure ». Et pourtant, il y a une constante : son incapacité à comprendre que son bermuda est trop court.

Alors, on se demande : qui est-il vraiment ? Le businessman coincé ou le mec qui grille les merguez, l’Aoûtien en bermuda qui pue des pieds ? La réponse est peut-être : les trois. Ou peut-être ni l’un ni l’autre. Mais une chose est sûre, il va continuer à nous divertir avec ses différentes apparences… et son bermuda. »

 

En vacances, les femmes deviennent une espèce aux mille visages… et autant de tenues.

Au travail, c’est la professionnelle accomplie : tailleur chic, cheveux tirés, regard perçant. Elle maîtrise l’art de la séduction… du tableur Excel, de la machine-outil sophistiquée, du réassort éclair et planifié. Elle est précise, efficace, et son rouge à lèvres est toujours impeccable, même après avoir réglé un conflit de budget.

Mais le dimanche, chez les amis, c’est une autre histoire. Le jogging est de sortie, les baskets aussi. Elle se transforme en une créature décontractée, mais toujours stylée, même en mode ‘je viens de me lever’. Les conversations sont différentes, les rires aussi. Elle est plus naturelle, plus elle-même… ou peut-être juste plus fatiguée. La décontraction qui permet la critique du mec qui pour une fois cuisine, enfin qui fait griller de la viande et siffle des bières, mais ne nettoie et ne range rien. Et puis il y a forcément les gosses, mais ça c’est pour la semaine.

Et puis, il y a les vacances. Le summum de la liberté : robe légère, sandales, cheveux au vent. Elle se promène sur la plage, lunettes de soleil sur le nez, avec l’air de celle qui a enfin trouvé son île déserte intérieure. Les gens autour d’elle se demandent si elle va finir par se baigner ou rester là, à siroter un cocktail avec une paille en forme de flamant rose. Certains pestent qu’elle devrait mieux s’occuper de ses gosses qui foutent le bocson partout. Mais pourquoi c’est pas le mari qui est visé ?

Mais ce qui est le plus fascinant, c’est la manière dont elle jongle entre ces différentes personnalités. Un coup, c’est la businesswoman de choc, puis pouf-pouf, c’est la joggeuse dynamique avec bandeau, montre connectée, puis l’instant d’après, c’est la fille qui danse sur la piste de danse avec des chaussures à talons qui semblent défier la gravité. Et pourtant, il y a une constante : son incroyable capacité à être à l’aise dans n’importe quelle situation… sauf peut-être quand elle doit faire la queue pour acheter des tampons.

Alors, on se demande : qui est-elle vraiment ? La professionnelle de haut vol ou la fille qui rit aux éclats avec ses copines ? La Claudine pense que la bonne réponse est peut-être : les trois. Ou peut-être ni l’une ni l’autre. Mais une chose est sûre, elle va continuer à nous éblouir avec ses différentes apparences… et son incroyable collection de chaussures. »

 

Dans la vie moderne, chacun aspire à être quelqu’un d’autre, à vivre d’autres choses, d’autres expériences, à donner du contenu à sa vie à défaut d’un autre sens. Il est si facile de se moquer après tout, alors la Claudine se dit que le retour des vacances va être rude, donc elle a une pensée pour toutes celles et ceux qui vont reprendre le manche rapidement.

 

Gilles Desnoix

 

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