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lundi 3 novembre 2025 à 04:54

La Claudine aime les week-ends, mais parfois le lundi est le bienvenu.

La Claudine est en révolte et éprouve de la peine.



 

Des témoignages bouleversants sont venus percuter sa petite vie se déroulant sans problème grave. Mais à la lecture de France Info, la Claudine a senti un coup au cœur.

« Il m’arrive d’être réveillée dans la nuit par la faim. » : Quand la vieillesse se vit sur le fil du découvert

À Bastia, Christiane, 78 ans, vit seule dans un petit appartement des quartiers sud. Sa machine à café est cassée depuis des mois, son manteau raccommodé tient grâce à quelques points de fil, et ses vieilles chaussures sont rembourrées avec du papier pour remplacer les semelles usées. Elle ne s’en plaint pas vraiment : « Je préfère que les gens ne voient rien. Si quelqu’un pense que ce n’est pas bien entretenu, ça renvoie une mauvaise image. »

Veuve depuis trois ans, Christiane touche un peu plus de 1 000 € de retraite par mois. La moitié part dans le loyer, le reste s’évapore dans les factures, la mutuelle et l’essence. À la fin du mois, il lui reste à peine 100 € pour faire ses courses.
« J’essaie de choisir ce qui est le plus important : un peu de viande, du pain, du lait… mais je saute souvent le dîner, parfois même le petit-déjeuner. Il m’arrive d’être réveillée dans la nuit par la faim. »

Cette femme digne refuse de tendre la main : « Ce n’est pas le rôle des enfants d’aider leurs parents. Ils ont leur vie, leurs enfants. » Ce témoignage, recueilli par France Info Corse, résume la situation d’une part croissante de retraités français qui, après une vie de travail, vivent aujourd’hui dans la gêne, voire la pauvreté.

Mais l’on trouve les mêmes renoncements à travers la France. C’est Lucienne R., 81 ans, qui raconte aux Petits Frères des Pauvres une existence similaire. Avec 829 € de pension mensuelle, elle compte chaque euro : « Je vis au jour le jour. J’évite de mettre le chauffage, je mange souvent des soupes. » C’est à Reims que Bernadette, 77 ans, confie au site Planet.fr qu’il ne lui reste que 15 € par mois pour vivre après le paiement de ses charges : « Je ne me plains pas, mais c’est dur. » À Corbeil-Essonnes, Jacques, 80 ans, retraité depuis quinze ans, a dû reprendre un emploi de manutentionnaire pour compléter ses 1 000 € de pension. « J’ai travaillé toute ma vie, et je travaille encore pour vivre dignement », a-t-il raconté dans La Dépêche du Midi.

Ces visages disent la même chose : derrière l’image d’un « troisième âge » supposé privilégié, la pauvreté des retraités reste bien réelle. Souvent invisible, toujours pudique.

Sont-ce des cas isolés ou la pointe de l’iceberg ? se demande la Claudine. Non, malheureusement la France compte une pauvreté structurelle. Selon l’INSEE, plus de 9,8 millions de personnes vivaient en 2023 sous le seuil de pauvreté (fixé à 1 288 € par mois pour une personne seule). Parmi elles, plus de 2 millions de seniors de plus de 60 ans disposaient de moins de 1 216 € mensuels, d’après le rapport 2024 des Petits Frères des Pauvres. Le taux de pauvreté atteint 11 % chez les retraités, et grimpe à 18 % chez les personnes âgées vivant seules.

Ces chiffres battent en brèche le cliché d’une vieillesse aisée. Une part importante vit au ras du seuil de pauvreté. En Corse, dans les Hauts-de-France ou le Centre, beaucoup de retraités peinent à se chauffer, se soigner ou simplement se nourrir. Près de 69 % des seniors pauvres ont déjà dû renoncer à un soin ou à un repas, selon la même étude.

La précarité n’est pas seulement matérielle. Elle est aussi psychologique.

La Claudine s’en rend bien compte, il s’agit de vies minées par les charges fixes : loyer, énergie, mutuelle, assurances, abonnements : tout a augmenté. Or, les pensions n’ont pas suivi.

Un loyer de 550 €, comme celui de Christiane, absorbe déjà la moitié de sa pension. Pour d’autres, la hausse du prix de l’électricité ou de l’essence a eu le même effet dévastateur : il ne reste plus rien pour le reste. Et quand un imprévu survient, panne de voiture, lunette à remplacer, dentiste, le budget bascule dans le rouge. Cette pression financière, accumulée mois après mois, épuise les plus fragiles. Nombre d’entre eux finissent par contracter des dettes, retarder le paiement d’une facture, ou vivre en découvert permanent. Le « reste à vivre » devient alors une notion abstraite : survivre, plutôt que vivre.

Alors surgit le paradoxe de la solidarité familiale inversée.

Traditionnellement, les enfants soutiennent leurs parents vieillissants. Mais aujourd’hui, le mouvement s’inverse : nombre de retraités modestes continuent d’aider leurs enfants ou petits-enfants, souvent plus précaires qu’eux. Un billet de train, un sac de courses, quelques dizaines d’euros en fin de mois. Des gestes discrets, mais lourds de sens.

Beaucoup de seniors, élevés dans l’idée qu’« on ne dépend de personne », refusent d’être aidés. Pourtant, leurs enfants sont loin de vivre dans l’aisance. Les jeunes générations connaissent à leur tour une précarité durable.

Les étudiants, d’abord : selon l’UNEF, le coût de la rentrée 2024 a bondi de 9 %, et plus d’un tiers d’entre eux ont déjà sauté un repas faute d’argent. Beaucoup dépendent financièrement de parents eux-mêmes fragiles, voire retraités. Les aides publiques couvrent rarement le coût du logement, des transports et de la vie courante dans les grandes villes.

Les jeunes actifs et les primo-accédants à l’emploi sont eux aussi en tension. Les salaires d’entrée stagnent, les loyers explosent, et la précarité des contrats rend difficile toute stabilité. Entre 18 et 29 ans, le taux de pauvreté dépasse désormais 22 %.

Quant aux couples au travail, la situation n’est guère plus confortable : deux salaires au SMIC équivalent à environ 2 740 € nets par mois. Un montant vite englouti par un loyer, les factures, l’essence et les courses. En région parisienne ou dans les grandes métropoles, cela suffit à peine à vivre décemment.

Ainsi se dessine une chaîne de fragilités imbriquées : les retraités aident des enfants qui n’ont pas les moyens de les aider, les étudiants dépendent de parents qui se privent déjà, et les couples actifs n’ont plus de marge pour épargner. La solidarité familiale, longtemps pilier du modèle français, devient un amortisseur de crise à bout de souffle.

Les politiques, les médias mainstream nous présentent une société au miroir déformant. La Claudine en est de plus en plus convaincue car cette réalité tranche avec les discours ambiants. D’un côté, certains responsables politiques ou commentateurs décrivent les retraités comme un groupe « protégé », voire « nanti », détenteurs d’un patrimoine et de pensions stables. De l’autre, la précarité s’installe parmi eux, dans un silence pudique.

Cette schizophrénie sociale reflète un fossé croissant entre perception et réalité. Oui, une partie des retraités bénéficie d’une stabilité financière ; mais une autre, nombreuse, vit dans l’ombre, avec des revenus à peine supérieurs au seuil de pauvreté. Et la pauvreté n’épargne plus aucune tranche d’âge.

Les données de l’INSEE le confirment : moins de 30 ans : taux de pauvreté proche de 21 % ; de 30 à 49 ans : environ 15 % ; de 50 à 64 ans : autour de 12 %, 65 ans et plus : environ 10 %, avec des pics à 18 % pour les seniors isolés.

Autrement dit, la pauvreté traverse désormais toutes les générations, sous des formes différentes : facture d’énergie impayée pour un retraité, loyer impossible pour un étudiant, emprunt trop lourd pour un couple actif.

Ce qui touche particulièrement la Claudine et lui fait peur, c’est la cohésion menacée. Cette fragilisation globale crée un hiatus profond : d’un côté, un discours collectif qui valorise la solidarité et la transmission ; de l’autre, des familles où chacun survit tant bien que mal, sans plus pouvoir soutenir les autres.

Christiane, Lucienne, Bernadette ou Jacques incarnent ce paradoxe français : une vieillesse digne mais appauvrie, qui continue de donner quand elle n’a plus rien. Leur silence, leur pudeur, masquent une réalité qui interroge la cohésion nationale.

 

Dans une société qui s’interroge sur le « bien vieillir », il devient urgent de reconnaître la pauvreté des aînés, mais aussi de repenser la chaîne de solidarité intergénérationnelle. Sans cela, la fracture ne sera pas seulement économique : elle sera morale.

 

Mais en attendant, les escaliers de l’économie sont durs aux miséreux, se dit la Claudine, dont le cœur se serre à cette pensée en parodiant La Complainte de la Butte.

 

Gilles Desnoix

 

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