Les bonnes recettes de Grand-mère Colette
Tôlée de pommes de terre (recette ancienne du Haut-Doubs)

La tôlée (ou tôlée de patates) est une recette paysanne ancienne du Haut-Doubs, très présente avant les années 1950 dans les fermes du massif jurassien. Son nom vient de la tôle : une grande plaque métallique glissée dans le four à bois encore chaud, après la cuisson du pain. On y jetait les pommes de terre émincées (ou entières selon les villages), avec beurre, sel, parfois oignon, pour les laisser rôtir lentement. Le four à pain était chauffé une seule fois par semaine : après le pain, restait une chaleur “gratuite”, on cuisait alors la tôlée, mais aussi parfois le riz au lait, le pain d’épices, ou les tartes au goumeau. La tôlée était souvent le repas du dimanche soir, ou un plat d’hiver très réconfortant.
On peut dire qu’il s’agit d’une spécialité liée à la montagne. C’est l’archétype du plat frugal, mais chaleureux, issu des longues soirées dans les fermes comtoises qui se servait avec du beurre fondu ou du cancoillotte chaude et parfois accompagnée de lard fumé ou de saucisse de Morteau.
Pour réussir ce plat typique, vous ne disposez sans doute pas d’un four de boulanger, alors voici la version four électrique ou à gaz.
Il vous sera nécessaire de disposer de : 1,2 kg de pommes de terre à chair ferme (Charlotte, Amandine, Celtiane…), 60 g de beurre (½ sel idéal), 1 oignon, 1 c. à café de sel, ½ c. à café de poivre (moderne, pas traditionnel). Si vous voulez que les pommes de terre soient très croustillantes, vous remplacez le beurre par du saindoux. C’est plus authentique et plus sain. Surtout pas d’huile d’olive, ça n’a rien de traditionnel et son gout l’emporte sur celui de la pomme de terre.
Comme vous ne pouvez sans doute pas disposer d’un four de boulanger avec la tôle posée très près de la voûte du four, dans une chaleur sèche et intense, vous allez préchauffer le four à 250°C minimum, 270°C maximum. Vous placez la plaque de cuisson dans le four pendant le préchauffage. Elle doit être brûlante pour saisir et dorer immédiatement les pommes de terre.
Vous allez commencer par préparer les pommes de terre. Deux possibilités, les deux respectent l’authenticité de la recette. Dans le Haut-Doubs, on tranchait les pommes de terre en lamelles fines (3/4 mm). C’est la version la plus croustillante. Ailleurs en Franche-Comté on coupait les pommes de terre en 4 ou en 6 quartiers selon la taille, c’est la version la plus rustique et la plus moelleuse. Selon le résultat que vous voulez obtenir, vous opérez d’une manière ou d’une autre.
Dans tous les cas : sécher les pommes de terre dans un torchon car cela assure un meilleur croustillant.
Dès que la tôle est à température et que les pommes de terre sont prêtes, vous la sortez du four avec des précautions pour ne pas vous bruler. Sur la plaque brûlante, vous déposez 30 g de beurre ou de saindoux dessus, ça doit fondre instantanément. Vous ajoutez les pommes de terre et vous mélangez rapidement avec une spatule. Salez, poivrez. Vous ajoutez l’oignon fin émincé.
Vous enfournez tout en haut du four, quasi sous la résistance, vous laissez cuire 15 min. Puis vous sortez la tôle et vous remuez. Vous enfournez de nouveau pour 15 à 20 min en surveillant bien que ça ne brûle pas. Selon votre four, vous pouvez déclencher la fonction grill 3/5 min pour obtenir le bronzage typique de la tôlée.
Car le résultat idéal qu’il vous faut obtenir, c’est : une surface bien dorée, des bords croustillants, un intérieur fondant, des arômes profonds.
À la sortie du four et avant de servir, vous ajoutez le restant de beurre ou de saindoux en petites noisettes et vous mélangez bien, vous goûtez et ajustez le sel.
Vous pouvez servir directement dans la plaque chaude, comme dans les fermes, ou donner dans le plus sophistiqué avec un plat.
La tôlée, comme autrefois, s’accompagne soit de cancoillotte chaude, soit de saucisse de Morteau, et/ou de salade verte au vinaigre de vin.
Avec ou après un bon morceau de fromage du Haut-Doubs (Morbier, Mont d’Or selon la saison).
Pour boucher le dernier petit coin d’appétit pas encore satisfait, il faut un bon dessert. Ce qui accompagne bien la tôlée, c’est une tarte au goumeau, la reine des tables comtoises : pâte fine, flan sucré, vanillé, légèrement brioché ; une compote de pommes à l’ancienne, souvent servie chaude après la tôlée, c’est un duo très courant ; du riz au lait au four, cuisson lente dans le four encore tiède, en même temps que la tôlée ; flan à la cancoillotte sucrée, rare mais authentique, qui a existé dans certaines fermes du plateau ; crêpes épaisses dites « crêpes foraines ».
Que boire avec une tôlée ? En boissons alcoolisées : vin blanc du Jura (Savagnin ouillé, chardonnay jurassien, Côtes-du-Jura. vin rouge (Poulsard, Trousseau). Cidre brut du Haut-Doubs qui fut une boisson très courante dans les fermes jusqu’au début du XXᵉ siècle.
En boissons sans alcool : poiré, jus de pomme artisanal ou une infusion de thym ou de tilleul, comme autrefois autour du fourneau.
Les quantités, comme d’habitude dans une bonne recette d’antan concoctée par la grand-mère, sont des minima ; en Bourgogne, il n’y a pas de maximum…
Et, comme dirait grand-mère Colette, « À table les enfants, et j’espère que vous avez apporté votre appétit avec vous ».
Gilles Desnoix


