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lundi 1 décembre 2025 à 05:47

La Claudine aime les week-ends, mais parfois le lundi est le bienvenu.

Le Grand Guignol, ce n’est pas au théâtre : c’est l’actualité.



 

 

Petites polémiques, gros aveuglements et ras-le-bol général : bienvenue dans la France 2025. On s’énerve pour des bricoles… et on laisse filer le reste ?

La Claudine se pose depuis des semaines, des mois, une question simple mais lancinante : « Pourquoi les polémiques les plus superficielles prennent tant de place, alors que les sujets vraiment sérieux semblent s’évaporer dans un grand brouhaha national ? »

Elle est, ce week-end, d’une humeur oscillant entre agacement, soupir… et petite inquiétude tout de même. Elle se rend compte qu’il s’agit là du cumul agaçant des petites colères d’un pays à bout de nerfs. En effet, dès qu’on ouvre un journal, on tombe sur une histoire qui, si elle n’était pas vraie, semblerait inventée par un humoriste à court d’inspiration. Ça peut être une famille du coin qui se fait menacer d’expulsion parce qu’elle avait mis des décorations d’Halloween un peu trop tôt. Oui, c’est inouï, pas pour défaut de loyer, pas pour nuisance sonore… pour des citrouilles. On croyait avoir tout vu, mais non. On trouve aussi la semaine de la courtoisie, inventée parce que trois Français sur quatre oublient comment dire “merci”, “bonjour”, ou même “pardon”. On en est là : il faut un événement national pour rappeler qu’on n’est pas des sangliers. La Claudine se sent prête à dégoupiller quand à longueur d’infos on en revient à la courtoisie comme vertu cardinale reléguant les problèmes, les angoisses du quotidien comme étant un manque de savoir-vivre. La forme prédomine sur le fond.

Ce qui irrite aussi la Claudine, ce sont ces rumeurs grotesques sur la Première dame, répétées jusqu’à ce qu’un tribunal doive s’en mêler… Comment dire ? La Claudine ne sait même plus où ranger ça : dans le rayon humour involontaire ou dans celui des symptômes sociopsychologiques avancés. Quel manque d’empathie, quel mépris de l’autre. Et même si le président Macron n’est pas la tasse de thé de la Claudine, elle trouve terriblement honteux que l’on s’en prenne à son épouse de cette manière avilissante.

Bref, la France s’énerve, mais sur des cacahuètes. Et pendant qu’on discute citrouilles, la maison prend feu car derrière ces petites histoires rigolotes, ou sordides, ou navrantes, selon la perception ou l’humour de chacun, se cache un malaise bien plus profond. Pendant qu’on se chamaille sur le niveau de politesse nationale, le Parlement se transforme en théâtre de marionnettes, où chaque séance ressemble davantage au Grand Guignol qu’à une assemblée républicaine.

Pendant qu’on note les dates d’Halloween, les sondages nous prédisent tranquillement l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, comme si c’était un bulletin météo. “Demain, risque de rafales identitaires. Sortez couverts. » Pendant qu’on rit des rumeurs de palais, on nous annonce déjà des pénuries de vaccins, comme si les virus avaient réservé une table pour l’hiver.

La Claudine ne parle même pas de cette façon très subtile, mais pas trop, qu’ont certains responsables de préparer mentalement la population, et en son sein la jeunesse, à une guerre “inévitable”. On n’ose pas trop dire laquelle, mais elle est là, qui plane, comme un invité non désiré.

Sommes-nous plus distraits, plus naïfs, voire plus niais, que nos ancêtres ? Ce qui inquiète terriblement la Claudine, c’est qu’on a déjà connu des périodes où on regardait ailleurs alors que l’Histoire, la vraie, avançait à grands pas. Avant 1914, les Européens discutaient alliances et armements comme on discute météo et moissons. Ça bouillonnait, ça sonnait creux, et pourtant personne ne croyait vraiment à la catastrophe qui arrivait.

En 1938, qu’est-ce qu’on a entendu ? “Il ne faut pas faire de vagues, on exagère les risques.” Résultat : on a courbé le dos… et la suite, on la connaît. La Claudine ne dit pas qu’on revit la même chose, mais elle se demande : « Est-ce qu’on est vraiment plus malins aujourd’hui ? Ou simplement plus distraits parce que nous, contrairement à nos aïeux, on a une infinité de bruits pour couvrir le vacarme du monde ? » Oui, se dit la Claudine, quand ça chauffe, on rafraîchit la page, quand ça tremble, on scroll. Ça occupe, mais ça n’éclaire rien. Les grandes peurs disparaissent sous les petites irritations.

Ce n’est pas que les Français soient superficiels, c’est qu’ils sont épuisés. Et, la Claudine le sait bien, quand on est fatigué, on s’attarde sur le trivial : ça fait moins mal. On peut râler sur Halloween, ça ne fait de tort à personne. On peut ricaner sur la courtoisie, ça amuse cinq minutes. On peut s’indigner des ragots de palais, ça soulage. Mais se confronter à un pays qui doute de lui-même, à une politique qui tourne en rond, à un avenir qui sent la migraine géopolitique… ça, c’est autre chose. Alors on se réfugie dans les micro-polémiques. Et pendant qu’on fait ça, les vraies questions se faufilent discrètement par la porte de service. La Claudine ne vient pas donner de leçon, mais elle râle, observe, s’agace et parfois s’angoisse. Elle se demande si nos petites colères ne sont pas la fumée qui cache l’incendie ? Si notre société n’est pas plus idiote que celle de nos grands-parents, mais plus essoufflée, plus distraite, plus débordée ?

La Claudine sait que l’histoire ne repasse pas les plats, c’est bien connu, mais a-t-elle un faible pour les ambiances d’imprudence collective ? D’où son questionnement constant qui se fait plus prégnant ces derniers temps : « Sommes-nous en train de répéter les mêmes erreurs… mais version 2.0, avec Wi-Fi et notifications ? ».

 

Gilles Desnoix

 

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